Au secours, ils sont tous et toutes contre l’égalité!

DR

ChroniqueQu’est-ce qui est profondément détraqué dans leur cerveau pour qu’ils réfléchissent à l’envers? Qu’est-ce qui a été raté dans leur éducation, leur apprentissage, leur façon de voir le monde?

Le 27/01/2018 à 18h09

J’ai lu, dans un sondage réalisé par nos confrères de L’Economiste, que 69 % des Marocains sont opposés à l’égalité femme – homme en matière d’héritage. On a beau relativiser, ce chiffre est énorme. Même quand on est vacciné, averti, et que l’on sait, comme dit l’expression populaire, «de quoi est fait le caroube de mon pays».

Notre problème est là aussi. Dans notre manière de bailler et d’accepter la bêtise. De trouver cela normal. De jeter l’éponge en marmonnant: que peut-on y faire, puisque nous sommes ainsi faits!

Et ce n’est pas tout. Le sondage nous apprend aussi que la majorité des femmes, des jeunes, et des représentants des classes moyennes et aisées, sont de farouches «opposants» à l’égalité. Et BIM!

Nous ne sommes pas du tout dans la caricature du citoyen pauvre, marginal et sans culture, donc aisément manipulable, influençable, avec des vieilles idées complètement caduques dans la tête. Nous sommes ailleurs, bien nichés dans ce qu’on appelle, un peu complaisamment, trop vite, «les forces vives de la nation». Pour emprunter à un langage de pub, nous naviguons dans l’océan des A + B, la crème de la crème. Et ils sont contre l’égalité!

Ils et elles vivent pleinement leur époque. Ils sont affranchis, libérés, ils sont de facto dans l’égalité, ils l’incarnent vu de l’extérieur, dans la vie de tous les jours, mais ils la refusent de l’intérieur. Leurs mœurs se libèrent, leurs corps aussi, leur réalité est en mutation, mais leur esprit refuse d’évoluer. Il est bloqué, quelqu’un l’a fermé et jeté les clés au fond de l’océan.

Et puis, comment dire, il est curieux de trouver, dans le Maroc d’aujourd’hui, des femmes qui continuent encore et toujours à s’opposer à l’émancipation des femmes. Elles ne veulent rien savoir et rien voir. Non, c’est non. Elles sont fières de perpétuer des siècles d’inégalité. Elles font de la résistance et se battent pour rester à la merci des hommes, de la société, du hasard, brimées et privées de leurs droits élémentaires. Elles ne sont pas d’accord pour avoir plus de droits, de pouvoir, d’indépendance. Elles sont contre les femmes, c'est-à-dire contre elles-mêmes et elles vont jusqu’à diaboliser les partisans de l’égalité, qui ne sont que des suppôts de l’Occident qui n’a décidément rien compris à nos valeurs, à notre culture.

Mais réveillez-vous mesdames, mesdemoiselles! Relevez-vous, ne baissez plus les yeux, redressez-vous, débarrassez-vous de vos chaines, et surtout arrêtez de vous tirer une balle dans le pied!

Intéressons-nous à présent aux jeunes et aux milieux aisés. Pourquoi refusent-ils l’égalité? Ils sont instruits, connectés au reste du monde et connaissent parfaitement les idées universelles de notre temps, et ces idées sont profondément égalitaires. Les jeunes ont la révolte et l’idée de changer le monde dans le sang, alors que les riches ont le savoir, la culture, et surtout la garantie matérielle pour tirer profit de tout changement.

Alors, pourquoi? Pourquoi les jeunes et les riches ne veulent pas, non plus, de l’égalité? Qu’est-ce qui est profondément détraqué dans leur cerveau pour qu’ils réfléchissent à l’envers? Qu’est-ce qui a été raté dans leur éducation, leur apprentissage, leur façon de voir le monde?

Par Karim Boukhari
Le 27/01/2018 à 18h09