La onzième mesure que Hassad a oublié de prendre…

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ChroniqueChanter l’hymne national ne garantira à personne d’être intelligent et utile à la société plus tard. Mais il ne rendra personne plus bête, non plus.

Le 16/09/2017 à 16h59

Je suis vieux jeu. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, et même avec émotion, les dix mesures sur lesquelles compte Mohamed Hassad, le ministre de l’Education, pour booster l’école marocaine.

Pourquoi l’émotion? Hassad, qui est un fils du peuple à la base, entend réactualiser l’hymne national. Il veut que les enfants du peuple l’entonnent au début et à la fin de chaque semaine.

Que voulez-vous: ça me touche. Ça me plonge dans des souvenirs d’enfant. Je me vois aligné, avec mes camarades de classe, en train de chanter Manbita Al Ahrar, avec des voix dissonantes, pendant que le drapeau rouge et vert monte et flotte dans le vent.

Le maître nous disait: allez les enfants, montrez plus de conviction. Alors on redoublait d’effort pour chanter encore plus faux, dans des tonalités déphasées… La symphonie devenait cacophonie, nous vivions l’intermède patriotique comme une parenthèse désenchantée, nous riions beaucoup avant et après.

Et au final, bien plus tard, nous retenions par cœur l’hymne national. Nous le fredonnions comme un hit du Top Ten. Sans en comprendre un traitre mot, évidemment, mais cela c’est une autre histoire…

Je sais ce que vous allez me dire: ce n’est pas en entonnant tous les matins ou toutes les semaines l’hymne national que le Marocain de demain sera plus intelligent ou, disons, plus utile. Oui, mille fois oui. Je le sais, merci.

Mais je suis vieux jeu, je crois aux vertus de l’hymne national même si je fais partie de cette génération qui a appris à s’affirmer et à grandir en chantant mal, justement, cet hymne national. Nous pensions que c’était une affaite de vieux et de morts. Nous assimilions l’hymne national à un acte de soumission. Nous avions tort. Oui, bien sûr.

Chanter l’hymne national ne garantira à personne d’être intelligent et utile à la société plus tard. Mais il ne rendra personne plus bête, non plus.

Soulever un drapeau et le voir monter, ensuite flotter dans le ciel, tout en chantant à pleins poumons la même chanson que tout le monde connait par cœur, tout cela crée au final un lien social et un début de prise de conscience. Sur dix enfants qui n’aiment pas pousser l’effort, et le considèrent comme une punition, il y en aura forcément un à qui cela inculquera le sens des responsabilités, ou l’amour de la patrie ou des notions de ce genre. A l’heure des comptes, plus tard, cela peut s’avérer utile.

Derrière le retour de l’hymne national, l’autre mesure de Hassad qui m’a «ému» s’appelle l’âge des premiers inscrits à l’école. Il a été ramené à cinq ans et demi… Waou ! A l’époque, l’âge des nouveaux venus était fixé à sept ans révolus, impossible avant. Je revois ces parents affolés, obligés de mentir sur l’âge de leur progéniture, falsifiant les documents officiels pour «vieillir» leurs enfants afin de les faire admettre en classe…

C’est de cette époque que date, d’ailleurs, la ruée vers les écoles privées. Parce qu’elles étaient les seules à accepter les enfants refusés par le public parce que trop jeunes ou pas assez vieux… Sacrée époque!

Alors je le dis: bravo Hassad. Bravo pour les deux mesures et les huit autres. Même si, à titre personnel, j’aurais bien rajouté une onzième mesure, toute symbolique mais ô combien bénéfique. Le retour en force de l’éducation civique, At-Tarbiya Al-Madaniya, cette fameuse matière qui nous apprenait ce qu’est une ville, un pays, un gouvernement, une association ou un parti politique. A l’époque, c’était une matière sans coefficient, elle comptait pour du beurre, alors nous y allions sans pression, décontractés, pour passer du temps…

Mais nous apprenions des choses, hein. Des petites choses qui, combinées à la séance irremplaçable de l’hymne national, nous faisaient prendre conscience, malgré tout, que nous étions des citoyens. Et Marocains.

Ces choses-là, ces détails, ces notions, il vaut mieux les apprendre ou se familiariser avec dès le plus jeune âge, à cinq ans et demi par exemple. Cela fait gagner du temps. Un enfant qui «sait» aura toujours une longueur d’avance sur celui qui ne sait pas.

A bon entendeur.

Par Karim Boukhari
Le 16/09/2017 à 16h59