L’épanouissement d’abord, l’argent ensuite

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ChroniqueLe Maroc n’a que les yeux pour (quand ils ne pleurent pas) constater que ses meilleurs cadres le fuient. Pour s’épanouir dans leur vie personnelle, progresser professionnellement. Et gagner plus d’argent.

Le 21/04/2018 à 16h59

Au Maroc, neuf diplômés (bac +3 et plus) rêvent de quitter le pays. 91,1% très exactement. C’est le résultat d’un dernier sondage (source Rekrute.com) qui donne froid dans le dos.

Neuf sur dix, c’est beaucoup. Ça veut dire que l’élite qui produit et apporte de la valeur ajoutée est majoritairement «dégoûtée». Elle a la tête ailleurs et ne rêve que de fuir et de s’échapper. Nous parlons ici des gens qui sont censés avoir, déjà, un niveau et un cadre de vie confortables, des perspectives d’évolution, un avenir radieux…

Mais pourquoi sont-ils si dégoûtés? Et que cherchent-ils ailleurs, qu’espèrent-ils trouver, que leur manque-t-il donc ici?

Là aussi, la réponse du sondage – enquête est intéressante. Ce n’est pas l’argent ou le salaire, qui n’arrive qu’en quatrième position, mais, dans l’ordre, la qualité de vie, la carrière professionnelle et le cadre de travail.

Ce qu’ils partent chercher, en bref, c’est l’épanouissement d’abord, l’argent ensuite.

Tout cela porte bien sûr un nom. C’est la fuite des cerveaux. Et cette fuite n’est pas près de s’arrêter. C’est même tout le contraire.

Les progrès technologiques ont réellement transformé le monde en village. Une seule et même communauté qui relie des individus d’une manière horizontale, où qu’ils soient dans le monde.

Cette horizontalité est une aubaine pour les individus: elle leur offre la possibilité de circuler et d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Mais le mouvement se fera d’abord dans le sens Sud-Nord.

Et cela finit par poser un problème à ce qu’on appelle les Etats-Nations: ceux du Sud sont vidés de leur matière grise déjà rare, et ceux du Nord où il y a de moins en moins de places à prendre.

Le Maroc n’a que les yeux pour (quand ils ne pleurent pas) constater que ses meilleurs cadres le fuient. Pour s’épanouir dans leur vie personnelle, progresser professionnellement. Et gagner plus d’argent.

On peut aussi dire cela autrement: ils partent ailleurs pour être «valorisés». Certains reviendront avec un nouveau statut social, plus intéressant. D’autres ne reviendront jamais.

Ainsi va le monde, comme dirait Zadig. S’il était de notre temps, le personnage inventé par Voltaire se réjouirait peut-être de cette fuite continuelle des cerveaux. Parce qu’il n’y trouverait rien à redire. C’est une fatalité. La quête du mieux est universelle et donc marocaine aussi. Elle accompagne l’émergence de l’individu.

Comment retenir un individu qui ne croit pas au projet de société du pays (quand il existe), qui pense mériter mieux et que ce mieux lui tend les bras ailleurs? Avant, on l’empêchait de voyager. Aujourd’hui ce n’est pas possible.

Et puis, comme on dit, ceux qui ne peuvent pas voyager le font dans leur tête…

Pour finir, et comme dans tout sondage, il faut faire attention à la minorité. Les 9%. Ceux qui ne pensent pas à quitter le pays. Le sondage ne nous dit rien de cette catégorie «qui ne rêve pas». Restent-ils par conviction, patriotisme, fatalisme? Nous n’en savons rien.

Mais, comme le suggèrent avec humour certains internautes, peut-être que ces 9% ont déjà quitté le pays. Ou qu’ils avaient rendez-vous avec le dentiste le jour du sondage!

Par Karim Boukhari
Le 21/04/2018 à 16h59