Maroc-Hollande 2-0

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ChroniqueRemercions nos amis hollandais d’avoir su faire éclore le talent de Ziyech et des autres. Ils verront revenir les virtuoses marocains le jour où eux-mêmes donneront un carton rouge à Wilders.

Le 15/11/2017 à 12h05

Ce titre n’est pas de moi. Il est arrogant, presque agressif, et vous savez que ce n’est pas le genre de la maison. Je ne fais que reproduire le titre d’un article paru samedi 4 novembre dans le journal néerlandais Algemeen Dagblad.

L’auteur dudit article, un certain Sjoerd Mossou, traite de la question des footballeurs qui ont la double nationalité marocaine et néerlandaise. Il y a une décennie, ceux-ci choisissaient de jouer pour les Pays-Bas. On se souvient peut-être de Boulahrouz (surnommé “le cannibale”) ou de l’élégant Afallay. Cela faisait bizarre de voir ces enfants du Rif ou de Casa chantant, avant le match, un hymne national dont les premiers mots sont “Je suis de sang allemand et fidèle au roi d’Espagne”– surtout quand ils jouaient contre l’Allemagne ou l’Espagne…

(Je suis obligé d’ouvrir ici une parenthèse pour préciser que ce qui précède est rigoureusement authentique. Ces paroles datent d’une époque où les Pays-Bas faisaient partie de l’immense empire des Habsbourg dont le chef était effectivement le roi d’Espagne– pensons à Charles Quint ou à son fils Philippe II. Et cette histoire de “sang allemand” a quelque chose à voir avec les invasions barbares qui virent des tribus germaniques s’installer un peu partout en Europe. Ils sont nombreux, ceux qui peuvent se dire de sang allemand…)

Ouf. Ça va, vous êtes encore là ? Continuons.

L’ami Mossou feint de s’étonner que les binationaux (il nomme Ziyech et Amrabat, d'où le titre) aient tendance aujourd’hui à préférer la sélection marocaine à son homologue néerlandaise. Puis il en donne lui-même les raisons en citant l’ancien footballeur Driss Boussatta. On peut être brillant sur le terrain mais, dès le match terminé, on redevient un “Marocain”, en butte aux préjugés et aux regards torves du vain peuple, voire aux injures d’un Wilders. Alors que si on fait l’autre choix, non seulement on est accepté à 100% par le peuple marocain, mais on peut même devenir un de ses héros. Pourquoi s’en priver?

Notons que cet article avait été écrit avant la qualification du Maroc pour la Coupe du monde. Lundi dernier, la première page du même Algemeen Dagblad était barrée d’un seul titre: ZIJ WEL! En néerlandais, cela signifie littéralement EUX OUI!, c'est-à-dire EUX ILS L’ONT FAIT! Notez le point d’exclamation. Il marque quoi? L’étonnement, l’indignation? Eux, ce sont les Marocains, bien sûr. Le titre surplombe une photo de jeunes hollando-marocains en train de fêter la qualification du pays de leurs parents dans les rues d’Amsterdam. C’est remuer le couteau dans la plaie quand on sait que les Pays-Bas, eux, n’ont pas réussi à se qualifier. D'où le ZIJ WEL!

Ziyech, Amrabat ou Al-Ahmadi ont donc fait le bon choix. Ils seront, eux, à la Coupe du Monde. Et force est de constater que Marco van Basten avait perdu une bonne occasion de se taire le jour où il déclara, au sujet de Ziyech: «Il faut être stupide pour choisir le Maroc quand on peut jouer pour les Pays-Bas». La légende vivante du football batave prouva ainsi qu’on pouvait être habile des pieds et balourd de la tête. Depuis samedi, il doit raser les murs.

Ils sont trente-deux à jouer en première division aux Pays-Bas, les Marocains/ Hollandais: quinze attaquants, quatorze milieux de terrain, trois défenseurs et un goal. Vous remarquerez qu’ils sont très portés sur l’attaque, nos Rifains, ce qui témoigne d’un tempérament fougueux. Hervé Renard n’a que l’embarras du choix s’il doit affronter des Colombiens castagneurs ou des Iraniens irascibles…

Allez, on se calme. Il ne s’agit, après tout, que de football. Remercions nos amis hollandais d’avoir si bien su faire éclore le talent de Ziyech et des autres. Et qu’ils se rassurent: ils verront revenir les virtuoses marocains le jour où ils auront eux-mêmes donné un carton rouge à Wilders.

Par Fouad Laroui
Le 15/11/2017 à 12h05