Horreur à Imlil

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ChroniqueNi la honte ni la rage ressenties par tous les Marocains ne peuvent faire oublier ce que des monstres ont fait aux deux jeunes femmes à Imlil. Ni les mots, ni les déclarations, ni les condoléances, ni le grand chagrin ne sont capables de traduire le sentiment d’horreur que nous avons tous vécu.

Le 24/12/2018 à 11h10

Deux femmes venues de pays de haute civilisation, curieuses du Maroc, de ses paysages, de ses montagnes et de ses sites magnifiques ont croisé leur chemin avec celui de monstres sortis d’une grotte où l’ignorance, la crasse et la puanteur physiques et morales ont nourris au point d’avoir cette espèce de barbarie consistant non seulement à tuer mais à égorger pour que le sang coule et qu’ils s’en aspergent comme dans un rituel préhistorique qui les mènera vers toutes les déchéances.

Ces quatre déchets ainsi que leurs complices devraient certes être jugés tout de suite et je dirai par un tribunal populaire, ouvert à tout le monde, aux médias et aux observateurs. Le Maroc devrait situer cette tragédie à un niveau international, car ces crapules se sont réclamés du pseudo calife Al Baghdadi, celui responsable du malheur incommensurable que connaît actuellement le monde arabe et musulman. Le Maroc lutte avec toute son énergie contre le terrorisme et réussit à démanteler des cellules qui préparent des massacres. Il est en première ligne, parce qu’il sait qu’un seul attentat est capable de ruiner son industrie touristique. C’est ce qu’ont connu l’Egypte et la Tunisie. 

Ce crime atroce vient de loin. Il vient des lieux stratégiques de Daech, il vient de ces ténèbres répandues sur le monde humain, le monde civilisé, par des monstres dont l’ignorance n’a d’égale que leur pourriture, leur saleté, leur inhumanité. Ce ne sont pas des hommes, ce ne sont pas des animaux, car les animaux n’égorgent pas des touristes, les animaux sont mille fois plus cléments que les hommes. Ce sont quoi? Une espèce nouvelle, directement sortie du discours de haine et de folie que des milliers de vidéos divulguent quotidiennement, mélangeant une religion de haute spiritualité avec les ingrédients d’une barbarie qui n’a pas de nom.

Je suis d’accord avec mon ami Karim Boukhari. Pas de loi du talion. Il faut qu’ils soient jugés dans les règles. Il faut aussi aller plus loin, faire barrage techniquement à ces vidéos de propagande meurtrière qui empoisonne l’espace du net. Aller plus loin jusqu’à ceux qui, de leur bureau ou de leur mosquée, ont commandité ce crime. Les monstres n’ont été que des exécutants. Leurs maîtres à penser sont bien intégrés dans la société et ne laissent rien voir de leurs intentions criminelles. L’action policière, efficace, courageuse et patriote ne suffit pas. Il faut des décisions politiques, un choix de société où l’on retrouverait l’islam paisible et bon de nos parents et grands-parents.

Que la justice interdise tous ceux qui prônent un islam wahhabite, rigoriste, violent et raciste. Que la justice mette fin à l’hypocrisie qui consiste à nommer par des mots apparemment anodins un parti, une association ou un mouvement dont la vraie idéologie est l’islamisme radical, vengeur et meurtrier. Assez de cette hypocrisie consistant à mettre en avant une religion mal comprise, une religion trahie, salie, pour répandre non seulement la haine de ce qui n’est pas musulman, mais de pousser les fidèles à commettre des crimes qui seraient récompensés dans l’au-delà. Assez de ce laisser-aller, ce laisser-faire, car le germe du crime est dans cette ignorance qui s’affiche avec arrogance.

A l’époque de ma jeunesse, nous nommions les choses. Nous étions des militants de gauche progressistes et nous ne nous cachions pas derrière des slogans sans importance. Nous aimions notre pays et nous ne faisions rien pour le salir. Je sais que la majorité des citoyens sont des musulmans paisibles et ont été horrifiés par ce qui vient de se passer. Mais il y en a d’autres qui sont malveillants, utilisent l’islam comme un moyen, une échelle pour atteindre le pouvoir ou être dans la ligne d’un islamisme planétaire voulu par Al Baghdadi. Ceux-là ne respectent pas cette religion, ils la manipulent, la détournent, l’insultent et la vident de ses valeurs humanistes et universelles.

Le parlement pourrait avoir le courage de présenter une loi pour ne plus utiliser l’islam à des fins politiques, idéologiques et au bout du compte à des fins de terreur.

La démocratie est une culture de valeurs saines et progressistes. Apprendre la démocratie, apprendre à respecter l’individu, apprendre à accepter la différence dans tous les sens, apprendre à utiliser la raison, le jugement vrai, bref mettre en chantier dans les écoles l’apprentissage du vivre-ensemble tout en étudiant les religions sur une base historique, objective et donner à l’enfant un épanouissement de ses capacités, de son intelligence et de sa raison qui lui ouvrira les voies du savoir. Voilà comment lutter sur le long terme contre cette barbarie qui n’est pas négligeable ni marginale. Une pédagogie de tous les instants.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 24/12/2018 à 11h10