Abdellah Taia est fier de l'être

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Revue de presseEn pleine promotion pour la sortie en Europe de son tout premier film, l'auteur Abdellah Taïa répond aux questions de la presse nationale. Son film, "L'armée du salut", sera-t-il projeté dans les salles marocaines ?

Le 04/10/2013 à 21h54

Abdellah Taïa fait son "coming-back". Cela faisait un moment que l'écrivain marocain n'avait pas fait d'apparition sur les colonnes de la presse nationale. Coup du hasard, cette semaine, deux hebdomadaires de la place, Telquel et L'Obersavateur, tendent le micro à celui qui a – autrefois – défrayé la chronique en créant la polémique sur son passage. La sortie de son tout premier long-métrage, "L'armée du salut" - une adaptation du roman éponyme - aura été l'occasion pour ces titres de revenir sur le dernier épisode du parcours de celui qui se revendique "musulman libre".

"Smyet bak : Mohamed Taïa. Smyet Mok : Mbraka Allila Taïa". C'est ainsi que commence "L'interrogatoire" de Telquel avec l'auteur qui dit ne s'inscrire "dans aucun groupe de musulmans progressistes" et être "un fervent défenseur de la laïcité". De la plume à la caméra, il dira à L'Observateur que "l'écriture c'est d'abord des images, plus que des mots qui s'écrivent". Pour Taïa, "les mots ne sont jamais suffisants ni remplis de sens pour exprimer ce qu'il a envie de dire". Avec ce film, l'écrivain marocain sera donc parvenu à partager avec son public ses images qu'il écrit. C'est d'ailleurs lui l'auteur du scénario, explique-t-il à Telquel. De même qu'il a également "assuré la réalisation" et "suivi et dirigé toutes les étapes", livrant ainsi, à ceux qui l'ont lu, sa "vision cinématographique" de son propre roman.

L'histoire d'un amour impossible

Pour ce qui est de l'oeuvre cinématographique en soit, le romancier – à la casquette de réalisateur – déclare lors de son "Interrogatoire" ne pas avoir eu de "problème" pour constituer son casting : "ils (les acteurs) me racontaient d'eux-même comment les gens vivent leur homosexualité dans les quartiers populaires de Casablanca", raconte-t-il. Portrait "d'un Maroc à la fois cruel et tendre, contradictoire, religieux et surtout mystèrieux", ce film qui traite de l'homosexualité au Maroc et a été tourné à Casablanca, Azemmour et El Jadida se veut avant tout, pour Taïa, "l'histoire d'un amour impossible".

Mais la question que tout le monde se pose est de savoir si "L'armée du salut" - sorti en France et présenté notamment à la Mostra de Venise - sera dans les salles obscures marocaines d'ici l'année prochaine. "Au début, j'avais peur qu'on me refuse le droit de tourner au Maroc", confie-t-il à L'Observateur. "Aujourd'hui, j'espère qu'on va me donner l'autorisation de le projeter au Maroc".

L'appel est donc lancé ! S'il obtient le feu vert, Abdellah Taïa sera donc le premier auteur marocain à projeter un film sur l'homosexualité dans les salles de cinéma. Une première non seulement pour le réalisateur, mais surtout pour toute une société où le sujet de l'homosexualité fait encore partie des grands tabous. Il faut cependant bien reconnaître qu'en dépit des polémiques - parfois houleuses - le débat en a fait du chemin en quelques années. Qui eût cru, il n'y a pas si longtemps de cela, que des médias marocains puissent tendre le micro à des homosexuels pour recueillir leur témoignages ? Qui aurait pensé que la littérature marocaine "homosexuelle" puisse autant s'illustrer, tant au niveau international que national. Pas plus tard que la semaine dernière, Rachid O. a été primé par le prestigieux prix de littérature de La Mamounia pour sa cinquième oeuvre. Aujourd'hui, plus que jamais, la création marocaine gay se fait connaître auprès d'un public éclectique -marocain et étranger- brisant ainsi le silence des tabous pour laisser parler le talent.

Par Sophia Akhmisse
Le 04/10/2013 à 21h54