L'ambassade des Pays-Bas menace de poursuivre en justice les organisateurs du festival du cinéma de Nador

Stef Block, ministre des affaires étrangères néérlandais

Stef Block, ministre des affaires étrangères néérlandais . DR

L'ingérence d'Amsterdam dans le dossier des évènements d'Al Hoceima a poussé les organisateurs du Festival international de cinéma et mémoire commune de Nador à annuler la présence des Pays-Bas en tant qu'invité d'honneur. L'ambassade des Pays-Bas a très mal réagi à cette décision. Les explications.

Le 11/10/2018 à 14h12

Le spectre de la crise diplomatique entre le Maroc et les Pays-Bas a pesé sur le Festival international de cinéma et mémoire commune de Nador qui se déroule du 6 au 11 octobre 2018.

Suite à l’ingérence de la Hollande dans les évènements d'Al Hoceima et à la réunion houleuse du 28 septembre entre le ministre marocain des Affaires étrangères et son homologue néerlandais à New York, les organisateurs ont décidé d’annuler la participation des Pays-Bas en tant qu’invité d’honneur.

"Cela fait plus d’un an que nous étions en train de négocier avec la Hollande pour qu’elle soit le pays invité d’honneur de cette édition 2018. Au moment du dialogue, la crise commençait à se profiler à l’horizon, mais nous gardions espoir, on se disait au fond de nous que ça allait s’estomper… Mais la situation s’est au contraire détériorée", souligne Abdesslam Boutayeb, le directeur du festival.

Lors de la réunion du 28 septembre, Nasser Bourita avait, on se rappelle, réitéré le rejet catégorique du Royaume de l'ingérence des Pays-Bas dans ses affaires intérieures. Cette mise au point fait suite à un rapport sur les évènements du Rif transmis par le MAE néerlandais Stef Block le 5 septembre à la commission des affaires étrangères du parlement néérlandais.

"Nous avons pris cette décision d’annuler la participation de la Hollande en tant qu’invité d’honneur parce que, d’abord, nous sommes une institution des droits de l’Homme et, ensuite, parce que nous défendons le principe de la souveraineté nationale. Enfin, nous sommes persuadés que pour fonder une démocratie dans un pays, la justice doit être respectée. Or, la Hollande a dénigré la justice marocaine", précise Abdesslam Boutayeb.

La décision des organisateurs du festival, fondé par le Centre de mémoire commune pour la démocratie et la paix, a été communiquée une semaine avant l’ouverture du festival à Désirée Bonis, l’ambassadrice des Pays-Bas au Maroc. "Nous avons tenu une réunion avec l’ambassadrice à Rabat et cela s’est très mal terminé. Il y a eu carrément un clash, la diplomate n’ayant pas accepté notre décision. Son bras droit nous a lancé à la figure que nous étions téléguidés. Or, nous sommes indépendants et autonomes", ajoute le directeur du Festival de Nador qui prendra fin ce jeudi 11 octobre.

L’ambassade des Pays-Bas a exigé le remboursement de la somme des 40.000 euros versée au festival. Mais ce budget a déjà été dépensé et une délégation de 22 acteurs et réalisateurs hollandais s’est bel et bien déplacée à Nador. "On nous a dit: soit vous remboursez, soit rendez-vous à la Cour internationale de justice de la Haye", lance Abdesslam Boutayeb. 

"L’aide était destinée d’abord à couvrir l’hébergement et le transport de la délégation et, ensuite, à financer le chapiteau-cinéma. S’il faut qu’on la rembourse, on le fera", ajoute la même source. 

Le directeur du festival explique que seule "la leçon hollandaise", un long-métrage figurant dans la section invité d’honneur, a été supprimée. La décision de remboursement sera prise après la clôture du festival et après la réunion du conseil d'administration du festival.

Contacté par le360 pour avoir sa version des faits, le service de presse de l’ambassade des Pays-Bas au Maroc apporte des précisions. "Le festival a pris de son plein gré l'initiative de choisir les Pays-Bas comme pays à l'honneur pour la 7ème édition. La contribution des Pays-Bas a ainsi été donnée dans le cadre de cette nomination et pour souligner l'importance des relations entre les deux pays".

Dominique Kock, chargé de la presse et des affaires culturelles à l'ambassade des Pays-Bas, ajoute que "le festival a pris unilatéralement la décision que les Pays-Bas ne seraient plus invité d'honneur et que l'ambassade a exprimé aux organisateurs son profond regret par rapport à cette décision".

Concernant le remboursement des 40.000 euros, c'est une toute autre version qui est donnée par l'ambassade à Rabat. "Lors d’une réunion entre les deux parties, le festival a proposé à l’ambassade des Pays-Bas de rembourser sa contribution", ajoute notre source. Ce qui vient contredire l'affirmation d'Abdesslam Boutayeb qui a déclaré que c'est l'ambassade qui a exigé le remboursement, quitte à porter l'affaire devant la justice.

Par Qods Chabaa
Le 11/10/2018 à 14h12