Derhem vs Ould Rachid: guerre de tranchées au Sahara

Entre Hamdi Ould Rachid (à gauche) et Dahmane Derhem, la rivalité n'est pas née hier.

Entre Hamdi Ould Rachid (à gauche) et Dahmane Derhem, la rivalité n'est pas née hier. . DR

A cause du non-octroi d’un permis de construire pour l’extension d’un dépôt de stockage, le richissime homme d’affaires sahraoui, Dahmane Derhem, accuse le président du Conseil provincial d’El Marsa et son mentor, Hamdi Ould Rachid, de sabotage. Ce dernier se défend. Récit.

Le 16/11/2017 à 17h41

Il est des clivages dont seul le Sahara a le secret et alors que discours comme actions vont dans le sens du renforcement des investissements dans les provinces du Sud, la guerre de tranchées sur fond d’intérêts contrariés est parfois source de blocage.

Chacun y va de sa version, de ses manœuvres aussi. Et c’est ainsi que le riche homme d’affaires sahraoui Dahmane Derhem n’hésite pas à tirer à boulets rouges sur le président du conseil provincial d’El Marsa (région de Laâyoune), Badr El Moussaoui. La cause de ce courroux? Derhem, propriétaire de la société de distribution de carburants, Atlas Sahara, projetait de procéder à l’extension de son dépôt de stockage de produits pétroliers, situé à El Marsa. Mais l’autorisation de construire ne lui pas été accordée par El Moussaoui.

Derhem parle «d’atermoiements intempestifs», «de blocage injustifié» et «d’abus». Il accuse ouvertement Badr El Moussaoui mais vise également son mentor: l’influent Hamdi Ould Rachid, milliardaire et également président du conseil provincial de Laâyoune. En cela, il met en valeur tant l’investissement de 112 millions de dirhams que l’importance du projet, à savoir l’implantation d’une sphère de 6.000 m3 pour le stockage de butane, d’un bac de 3.000 m3 pour le stockage de carburant et d’un nouveau dépôt de 13.000 m3 pour le fuel. Derhem interpelle à ce titre le wali de la région mais aussi le ministère de l’Énergie et des mines qui a déjà donné un avis favorable au projet.

Sollicité à de nombreuses reprises par le360, Badr Moussaoui reste muet et se refuse à tout commentaire. Hamdi Ould Rachid, lui, nie toute responsabilité dans ce blocage. «Ce projet n’entre pas dans le cadre de ma circonscription. C’est au wali et au conseil municipal d’El Marsa de répondre. En ce qui me concerne, j’encourage tout acte d’investissement à Laâyoune», affirme-t-il.

Une source locale bien informée nous livre un autre son de cloche. «Il suffit de se rendre à El Marsa pour le constater. Il y a deux zones: l’une est dédiée à la pêche et une autre entièrement réservée à Hamdi Ould Rachid. Glacière, dépôts de sable… tout y est. Rien, absolument rien ne se fait à El Marsa et Laâyoune sans que Ould Rachid n’y soit associé. Il est partout, dans tous les secteurs, et son influence est grande auprès de toutes les chambres professionnelles», affirme notre source.

Et il y a enjeu: un des derniers secteurs investis par Ould Rachid est la distribution de carburants. Il détient déjà à ce titre neuf stations de service au niveau de la ville et, selon notre source, il projette lui aussi de se lancer dans le stockage. Cette ambition expliquerait-elle le refus d’accorder le permis de construire à un concurrent? Si Ould Rachdi n’est pas directement lié à ce niet, il faut rappeler que Badr Moussaoui, le président du Conseil municipal d’El Marsa, n’est autre que son grand protégé et allié ainsi que co-militant au sein de l’Istiqlal. Et depuis toujours, tout oppose les Derhem et les Ould Rachid.

Claniquement, les uns sont des Aït Baâmrane, les autres sont des Rguibet. L’appartenance clanique compte au Sahara. Politiquement, les premiers sont de l’école de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et les seconds ont la mainmise sur le parti de la Balance. Hamdi Ould Rachid est aujourd’hui l’homme le plus influent de l’Istiqlal. Historiquement, les deux formations politiques ont toujours fait du Sahara un terrain de bataille, à travers le bras de fer entre les deux familles. Autant dire la guerre actuelle, économique cette fois, n’est que le prolongement d’une vieille rivalité.

Par Tarik Qattab
Le 16/11/2017 à 17h41