Le secteur des télécoms au Maroc dans l’impasse

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Les mauvais résultats enregistrés au premier semestre par Maroc Telecom sont symptomatiques d’une crise que traverse le secteur des télécoms. Le marché s’essouffle parce qu’il repose sur les services voix et oublie l’innovation qui est au cœur des nouveaux métiers développés ailleurs. Décryptage.

Le 25/07/2017 à 13h32

Maroc Telecom vient de publier ses résultats pour le premier semestre 2017. Et le moins qu’on puisse dire c’est que les rédacteurs du communiqué de presse ont dû passer des nuits blanches pour accoucher d’un texte tellement alambiqué qu’il tient de la performance. En effet, le communiqué cherche par sa complexité sinon à cacher, du moins à minimiser la baisse de régime que connaît l’activité de l’opérateur historique aussi bien au Maroc qu’en Afrique. A titre d’exemple, le chiffre d’affaires du mobile au Maroc plonge de plus de 500 MDH entre le semestre1 2016 et le premier semestre 2017.

Le communiqué justifie ce gouffre de 500 MDH par la réouverture de la VOIP! Or le patron de Maroc Telecom semble avoir la mémoire courte. En février 2016, il jurait ses grands dieux que la coupure de la VOIP n’avait aucun impact sur ses activités. Plus important: les deux relais de croissance qui permettaient à Maroc Telecom de maintenir une croissance, à savoir le marché du fixe au Maroc et les filiales africaines, semblent se tarir. Les filiales africaines rapportent nettement moins d’argent qu’auparavant. Ces filiales avaient l’habitude de faire une croissance à deux chiffres avant 2017. Or entre le premier semestre 2016 et le premier semestre 2017, elles ont fait une baisse de -1,3%. C’est d’ailleurs un peu normal sur un marché qui commence à mûrir. 

En revanche, sur le marché du fixe au Maroc et malgré une croissance insolente sur la composante data fixe, le marché dans son ensemble fait zéro croissance. Faut-il rappeler au passage que Maroc Télécom maintient son monopole sur ce marché au nez et à la barbe du régulateur qui semble être plutôt devenu un observateur qu’un acteur. Il faut bien reconnaître qu’avec un texte de loi, qui remonte à 2004 autant dire à la préhistoire dans un secteur qui change très rapidement, et qui demeure en souffrance en dépit de son approbation au Conseil des ministres, que peut bien faire un régulateur? A ce sujet, les saisines déposées par les deux autres opérateurs pour le dégroupage du fixe semblent végéter en attendant des jours meilleurs si elles ne sont pas purement et simplement classées sans suite.

Cette situation n’augure rien de bon. En effet, la baisse de régime de l’opérateur historique est un signal qui doit alerter sur la situation des deux autres opérateurs Orange et inwi. Leur situation doit être alarmante tant les prix du mobile, leur seul terrain de jeu puisque le marché du fixe leur a été interdit, ne cessent de baisser au moment où leurs efforts d’investissement deviennent intenables pour maintenir un niveau de qualité de service acceptable sur le marché de la data mobile.

Le Maroc qui avait jadis fait partie du peloton de tête au moment de la libéralisation du secteur des télécoms prend de plus en plus de retard dans un domaine qui est en train de faire la société de demain. D’ailleurs un simple tour d’horizon montre que les opérateurs télécommunications dans le monde surfent sur la vague et innovent aussi bien dans le domaine du contenu que dans celui de la banque. Pendant ce temps, nos opérateurs semblent se contenter de manger ce que les clients veulent encore bien leur payer pour des services voix en mort clinique sur tous les marchés mâtures. En tout cas, les 18 millions d'abonnés internet qui seront demain 25 voir 30 millions veulent continuer à surfer à la vitesse de la 4G et demain de la 5G en ayant le choix de leur opérateur.

Face à cette situation, la seule question qui mérite d’être posée est la suivante: d’où le sursaut pourrait-il venir pour que ce secteur vital puisse se reprendre? De l’opérateur historique? Difficile de le croire tant ce dernier a fait le choix de vivre sur la situation de rente héritée du monopole en distribuant au passage chaque année 100% de ses résultats (c’est au demeurant ce qu’il a toujours fait depuis la libéralisation du secteur). Des acteurs alternatifs? Ils n’en ont pas les moyens. Au mieux, ils vont chercher à garder la tête hors de l’eau, mais pour combien de temps? De l’Etat? C’est encore moins évident, car les dossiers brûlants ne manquent pas et le secteur des télécommunications est considéré comme une activité de logistique ou d’intendance.

Or qui peut reprocher au gouvernement de ne pas se préoccuper d’intendance quand on sait dans quelle direction sont tournés, en ce moment, les regards des responsables. Ainsi le secteur semble-t-il pris en otage. Devant cette situation, il ne reste plus qu’à croiser les doigts et espérer que le Maroc saura se sortir de cette impasse.

Par Younès Tantaoui
Le 25/07/2017 à 13h32