Maroc-Afrique subsaharienne: un potentiel d’échanges commerciaux encore faiblement exploité

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Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne ont connu une forte progression au cours de la dernière décennie. Ils ont quasiment doublé entre 2009 et 2014 pour atteindre 17,7 milliards de dirhams. Mais le potentiel de développement des échanges reste faiblement exploité.

Le 03/07/2016 à 20h28

Depuis une quinzaine d’années, le Maroc a fait le pari de l’Afrique en mettant en avant le volet économique, longtemps occulté par les aspects politique, culturel et religieux. Tournées royales dans une douzaine de pays africains, caravanes de Maroc export, missions BtoB organisées par les banques ou des groupements professionnels se sont multipliées pour donner une nouvelle impulsion aux relations économiques entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne.

Preuve de cette volonté réelle de donne un coup d’accélérateur aux relations économiques entre les deux parties, au niveau règlementaire, les relations économiques entre le Maroc et les pays africains sont régies aujourd’hui par un cadre juridique de plus de 500 accords de coopération (accords commerciaux, accords de promotion et de protection des investissements, accords de non double imposition, conventions d’établissement, etc.) dont un grand nombre signés au cours des dernières visites royales. Tout cet arsenal juridique vise à doper les échanges et les investissements entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne dans un esprit gagnant-gagnant.

Forte progression des échanges, mais…

Au niveau des échanges commerciaux, les résultats ont été globalement au rendez-vous. En effet, les échanges commerciaux entre les deux parties, jusque là plus que négligeables, ont connu un bond significatif.

En 2000, les échanges entre les deux parties ressortaient à seulement à 3,6 milliards de dirhams. Sous l’impulsion de la diplomatie économique et de la volonté des opérateurs économiques marocains de diversifier leurs débouchés, les échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne ont enregistré une forte hausse, passant de 6 à 17,5 milliards de dirhams sur la période 2004-2014, affichant ainsi une croissance de 191%.

De ce montant, les importations marocaines de l’Afrique subsaharienne (charbon, hydrocarbures, produits agricoles, bois, etc.) sont passées de 2,6 à 4,5 milliards de dirhams sur la période 2010-2014 avec l’Afrique du Sud, le Nigéria, la Guinée équatoriale et le Gabon comme principaux fournisseurs.

Parallèlement, les exportations (produits agroalimentaires, matériel électrique, conserves de poisson et crustacées, engrais, matériaux de construction, produits pharmaceutiques, textile, etc.) sont passées de 2,7 à 13,2 milliards sur la même période, enregistrant une croissance annuelle moyenne de 17%.

Les principaux clients étant le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, la Guinée, Plusieurs facteurs expliquent le succès du produit «Made in Marocco» en Afrique subsaharienne. Outre le rapport qualité/prix des produits, les opérateurs marocains partagent la langue française avec les deux grands ensembles ciblés par les opérateurs marocains (Afrique de l’ouest et Afrique centrale), la proximité des marchés comparativement à certains concurrents, les relations historiques multidimensionnelles, la complémentarité des échanges, etc.

Malgré cette forte progression, les exportations marocaines à destination de l’Afrique subsaharienne ne représentent que 6,6% des exportations totales marocaines (contre 3,1% en 2004), ce qui reste encore très faible.

Solde commercial très favorable

Le solde commercial avec l’Afrique subsaharienne est largement excédentaire en faveur du Maroc. En 2014, ce solde s’est chiffré à 10,6 milliards de dirhams et le taux de couverture des importations par les exportations, en croissance continue, s’est établi autour de 450% en 2014.

Seulement, ces performances, obtenues surtout grâce à la promotion de l’offre Maroc via divers canaux, ne doivent pas occulter le fait que l’Afrique subsaharienne représente encore une très faible part des échanges commerciaux du Maroc. A titre d’exemple, les échanges avec le Maghreb dépassent ceux réalisés avec l’Afrique subsaharienne en atteignant 20 milliards de dirhams en 2014, soit 58% du commerce extérieur marocain avec le continent africain. Ces échanges étant portés essentiellement par les importations des hydrocarbures d’Algérie.

Vu l’évolution des échanges au cours de cette dernière décennie, on peut dire que le potentiel de développement des échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne est encore largement sous-exploité.

Un potentiel sous exploité

Pourtant, le potentiel est important. A titre d’exemple, le marché de la CEDEAO –Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest- compte plus de 300 millions de consommateurs, soit environ 9 fois la population marocaine.

Ensuite, il y a le développement d’une classe moyenne qui tire la consommation intérieure de ces pays, et que la production locale a du mal à satisfaire. D’ailleurs, selon le FMI, les dépenses de consommation sur le continent ont crû plus rapidement que le PIB africain.

En outre, l’Afrique subsaharienne affiche des taux de croissance parmi les plus élevés du monde avec un PIB moyen en hausse de plus de 5% entre 2013 et 2015. Pour leur part, les opérateurs marocains bénéficient en Afrique de l’ouest et centrale des relations multidimensionnelles tissées par le royaume avec plusieurs pays africains, facilitant les échanges.

Et l'exploitation de ce potentiel est facilité par la forte implantation des banques marocaines dans ces deux régions permet d’assurer les opérateurs et de fluidifier les échanges commerciaux.

Des freins aux échanges

Reste qu’un certain nombre d’obstacles freine la croissance des échanges. Il y a l’absence d’accord de libre-échange entre le Maroc et les deux espaces économiques régionaux: CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest) et CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Du coup, les droits de douane et les barrières non tarifaires augmentent les coûts des transactions et grèvent la compétitivité des produits marocains.

Ensuite, il y a tout le problème de logistique qui se pose. L’absence de lignes directes de transport terrestre ou maritime génère des surcoûts et limite les échanges.

En outre, il faut aussi diversifier l’offre exportable marocaine avec plus de produits et à plus grande valeur ajoutée. A cela il faut ajouter le manque de connaissance du terrain par les opérateurs marocains, ce qui qui accroît la méfiance.

Enfin, un saut doit être fait par les opérateurs marocains qui restent globalement cantonnés dans des zones dites de «confort» et de «confiance» (Afrique de l’ouest et centrale francophone). Or, pour doper les échanges avec le reste du continent, il faut aussi se tourner vers l’Afrique de l’est, une région dynamique, et vers les pays anglophones comme le Nigéria, le Ghana, etc.

Par Moussa Diop
Le 03/07/2016 à 20h28