Rapport sur les hydrocarbures: de nouvelles révélations

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Jugé trop édulcoré pour pointer du doigt les vrais dysfonctionnements que connaît la distribution des carburants au Maroc, le rapport de la commission parlementaire à débattre demain, mardi 15 mai, ne manque cependant pas de soulever bien des questions qui fâchent.

Le 14/05/2018 à 17h18

S’il a d’ores et déjà reçu un accueil mitigé, le rapport de la commission parlementaire sur le secteur des hydrocarbures, qui sera débattu mardi 15 mai, s’arrête néanmoins sur plusieurs dysfonctionnements concernant notamment le rôle du gouvernement après la libéralisation du secteur. C’est ce que nous confirme une source bien informée sous couvert d’anonymat.

Selon les termes de ce document, la libéralisation du secteur a été opérationnalisée dans une période où les cours du pétrole étaient au plus bas. «Il fallait donc s’attendre à des ratés une fois le cours du pétrole retourné à sa tendance haussière», nous précise-t-elle. Depuis 2016, le prix du baril a presque triplé passant 27 de à 75 dollars. «Les prix à la pompe n’ont que peu ou pas changé pour autant, les distributeurs ayant absorbé la hausse», dit cet observateur.

Au demeurant, le rapport pointe du doigt le fait que le système bancaire a été parmi les premiers bénéficiaires de la décompensation. Il insiste aussi sur la nécessité de revoir le régime fiscal. Et c’est là que le bât blesse, en attendant des débats qui promettent d’être bien houleux.

Un système bancaire peu amèneLe rapport de la commission relève que les banques ont bien profité de la libéralisation du secteur des hydrocarbures, notamment en imposant des taux d’intérêt élevés aux distributeurs pour le financement de leurs investissements. Et pour cause, l’Etat exigeait des investissements en échange de la libéralisation. Un programme d’investissement de 18 milliards de dirhams a ainsi été imposé. Il s’agissait d'augmenter la capacité de stockage qui atteint actuellement 900.000 tonnes, en sachant qu'une capacité supplémentaire de 700.000 tonnes est en cours d'achèvement. 

À cela s’est ajoutée la nécessité de mettre à niveau les services (prix des carburants affichés à l’entrée des stations, niveau des volucompteurs, extension du réseau des stations-service). Cela a eu un coût: 10 milliards de dirhams sur cinq ans. Les distributeurs ont également été tenus d’assurer un stock de 30 jours minimum, soit une valeur de 8 milliards de dirhams. «Le maintien du stock coûte en effet cher et les distributeurs arrivent à honorer leurs engagements depuis la libéralisation du secteur en évitant tout risque de pénurie des carburants dans notre pays. En sachant que seules les sociétés de distribution supportent les coûts de ce stock (frais de gestion, maintenance, personnel affecté)», précise notre source.

Les parlementaires appellent à ce que le financement des sociétés de distribution soit revu et allégé, ce qui se répercutera sur les prix à la pompe.

Fiscalité quand tu nous tiensLes parlementaires demandent à l’Etat de revoir le régime fiscal et de réaliser des benchmarks concernant la TIC (taxe intérieure de la consommation). Baisser les prix à la pompe revient à baisser la TIC quand les prix montent et à l’augmenter quand les tarifs baissent, observe notre source. «Si l’Etat taxe un dirham de moins par litre, il fera bénéficier le consommateur marocain d’un prix à la pompe de 1 dirham de moins, soit 5,5 milliards de dirhams par an», explique-t-on.

Le secteur verse par ailleurs quelque 27 milliards de dirhams par an d’impôts à l’Etat. Ce montant est pris sur le chiffre d’affaires des sociétés de distribution.

Pas d’entente tacite sur les prixLe rapport indique qu’il n’y a pas d’entente entre les 18 sociétés de distribution opérant au Maroc. «La réalité sur le terrain confirme cela, car les prix varient d’une station à l’autre, et les écarts dans les prix appliqués à la pompe tournent autour de 50 centimes. De plus le nombre important d’entreprises est à lui seul un garant de la concurrence. Une entente entre 18 sociétés est invraisemblable».

Le rapport précise par ailleurs que le Maroc reste l’un des pays du pourtour méditerranéen où les prix des carburants sont les moins chers. «Hormis les pays producteurs où les prix sont naturellement inférieurs, vu la disponibilité du produit et la non-dépendance aux cours internationaux, le Maroc reste malgré le contexte de libéralisation l’un des pays les moins chers», souligne notre interlocuteur.

Par Tarik Qattab
Le 14/05/2018 à 17h18