Dihiya la Kahina: la guerrière qui fit trembler les Arabes

DR

Chef de guerre berbère à la tête d’une armée d’hommes. Stratège émérite qui tint tête aux Omeyyades pendant plusieurs années. Dihiya, dite la sorcière, la prophétesse, marqua d’une pierre blanche le Maroc du VIIe siècle…

Le 14/05/2018 à 15h47

Aujourd’hui, le Maroc célèbre le 62e anniversaire des Forces armées royales. L’occasion de revenir sur l’art de la guerre au Maroc, quand celui-ci était dirigé de main de «maîtresse» par la grande, l’insoumise et charismatique Kahina.

Diyha, Dayha, Damina… Son nom demeure entouré de mystère. D’elle, on retient aujourd’hui un surnom dont l’affublèrent les Arabes: la Kahina, autrement dit la prophétesse, la prêtresse ou encore la sorcière. Un surnom qui dénote d’une diabolisation en quelque sorte de cette femme par les Arabes qui ne pouvaient accepter d’être mis en en échec par une femme «normale». On l’a dite alors habitée par des démons qui lui transmettaient un savoir, des connaissances surnaturelles et le don de lire l’avenir.

Kahina, c’est tout un symbole. Adulée par les poètes, les historiens et aujourd’hui les féministes, cette femme dont la légende a traversé les âges représente aujourd’hui encore un pan de l’histoire de ce Maroc guerrier, ce Maroc des tribus berbères où les femmes avaient toute leur place.

Au commencement d’une légende

Au VIIe siècle, l’Afrique du Nord est en proie aux guerres arabo-byzantines. Le calife de la dynastie omeyyade, Muamiya Ier, ainsi que son fils qui lui succèdera, Yazid Ier, entreprendront une guerre de longue haleine afin de conquérir l’Ifriqiya et d'islamiser les tribus berbères.

L’Empire byzantin est de plus en plus affaibli, et la conquête arabe se heurte à la résistance des populations locales menées par Koceila, un chef berbère à la tête de la résistance de 680 à 688. Lorsqu’il meurt sur le champ de bataille, il faut très vite lui trouver un successeur. Un choix ardu tant l’homme était un seigneur de la guerre. Contre toute attente, le conseil des tribus portera son choix sur une jeune femme, Dihya, de la tribu des Zenata, originaire de la célèbre région des Awras, terre de guerriers. Elle appartient à ce Maghreb oriental, à l’Ifriqiya peuplée par les Berbères depuis la préhistoire et qui s’étend de la pointe est de la Tunisie, au nord de l’Algérie jusqu'à l’ouest du Maroc.

Kahina n’est pas une femme comme les autres. Elle excelle dans l’art de la guerre. Tireuse à l’arc émérite, c’est aussi une cavalière d’exception. Mais pour faire la guerre, encore faut-il être fine stratège. Sa plus grande force sera de parvenir à fédérer les tribus berbères contre l’envahisseur. Une fois réunifiées, il faut alors les motiver, voire les galvaniser afin de leur transmettre la rage nécessaire pour mener cette guerre de longue haleine.

La victoire au bout du cimeterre

Du côté de l’envahisseur, on pense pouvoir mater facilement cette rebelle et ses troupes. Une erreur que paiera le général arabe Hassan Ibn Nouaman El Ghissani qui sera son premier adversaire. Entré au Maghreb en 693, il affronte la Kahina dans le Constantinois et découvre alors l’ampleur de la stratégie de cette guerrière unique. Celle-ci, à la faveur de la nuit, organise une monumentale embuscade, prenant par surprise l’armée arabe. Mise en déroute, l’armée omeyyade prend la fuite et se replie en Tripolitaine. Les historiens musulmans surnommèrent le lieu de la bataille «Nahr Al Bala» (littéralement, la «rivière des épreuves»).

Passant en revue ses prisonniers, elle cède à une vieille coutume berbère et adopte le neveu du général ennemi qui prépare déjà un deuxième assaut pour une guerre sans mercis qui durera plus années sans pour autant que la reine berbère ne cède.

La trahison, l’arme fatale

La force des Arabes fournis en troupes et en chevaux par le calife vient pourtant à bout de sa résistance, du moins de celle de ses troupes qui commencent à capituler, se convertissant à l’islam.

Bien que les historiens ne s’accordent pas sur cet épisode, on prête à la reine berbère la pratique de la politique de la terre brulée, en vue de dissuader l’envahisseur de s’approprier les terres et se mettant ainsi à dos une partie de son peuple.

Pour protéger ses deux fils, Afran et Yezdigan, elle leur ordonne de rejoindre le camp adverse afin de se convertir. Quant à son fils adoptif, celui-ci la trahit en fournissant des informations à son oncle et lui permettant ainsi de remporter la dernière bataille contre la Kahina.

Luttant avec acharnement jusqu’à son dernier souffle, chevauchant fièrement sa monture, bien qu’abandonnée par ses troupes, la légende veut qu’elle ait été décapitée par son ennemi de toujours, le général arabe Hassan Ibn Nouaman El Ghissani. Selon d’autres historiens, elle aurait préféré s’empoisonner plutôt que de se rendre.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 14/05/2018 à 15h47