Enquête. Rentrée des classes…à la maison: Pourquoi le "homeschooling" séduit?

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L’idée peut paraître saugrenue pour certains et ne pas envoyer ses enfants à l’école peut faire peur. Pourtant, de plus en plus de parents optent pour cette solution radicale. Déscolariser ses enfants: à quel prix, pourquoi et comment?

Le 04/09/2018 à 16h22

Nadia a deux enfants et a décidé de déscolariser l’aîné, âgé de 10 ans. «Mon fils a beaucoup de mal à s’intégrer à l’école. Il s’ennuie et n’apprend rien», nous explique-t-elle. Cette jeune maman a tout essayé, du psy au coach, jusqu’aux changements d’écoles. Mais rien n’y fait, son enfant est réfractaire à l’école et pleure chaque matin pour ne pas y aller.

Nadia envisage alors une solution radicale: l’école à domicile. Elle inscrit son enfant au CNED, centre national français de l’éducation à distance. Travaillant de chez elle, Nadia se lance le défi de s’improviser professeur de son propre enfant. Toutefois, rattrapée par ses obligations professionnelles, elle finit par confier cette tâche à un professeur particulier qui se déplace chaque matin pour faire classe au petit garçon.

Ghizlaine a elle aussi décidé de ne pas scolariser ses deux filles, respectivement âgées de 6 ans et 4 ans. L’école se passe à la maison de manière ludique. Ghizlaine est absolument réfractaire au fait d’inscrire ses filles dans le schéma d’un système classique aux prix exorbitants. Quant aux formations à distance, elle ne se pose pas encore la question. Ses filles savent lire, écrire, compter…et c’est déjà très bien pour leur âge.

Si cette manière de faire n’est pas encore très pratiquée au Maroc, le homeschooling est en revanche très en vogue dans les pays anglo-saxons. En Grande Bretagne, cette pratique a ainsi connu une croissance de 40% en à peine 3 ans selon un article de BBC News.

Le homeschooling, à la mode des expatriésAu Maroc, le homeschooling a le vent en poupe du côté des expatriés. Un tour du côté des forums donne le ton. Famille nombreuse, école trop chère, doutes quant à la qualité de l’enseignement: trois raisons majeures poussent des familles venues d’ailleurs à faire l’école à domicile.

Brooke Benoit est l’exemple qui illustre le mieux ce cas de figure. Cette américaine, originaire de San Francisco, diplômée en arts et mariée à un Marocain, a décidé de suivre son mari en s’installant au Maroc. Cette maman de six enfants a décidé d’opter pour le homeschooling et partage ses aventures et ses expériences sur son blog brookebenoit.com. Installée tout d’abord à Casablanca, cette famille nombreuse habite désormais dans un petit village du Haut Atlas. Une expérience inédite que bien des personnes ont du mal à comprendre mais qui suscite un fort intérêt chez beaucoup d’autres, tant et si bien que cette maman convertie à l’islam a décidé de fédérer une communauté de «Muslim homeschoolers» à travers son site fitrajournal.com.

Le homeschooling version marocaineLes choix extrêmes de Brooke Benoît ne sont cependant pas partagés par la majorité des Marocains qui n’envisagent que très frileusement de déscolariser leurs enfants. Ismail Boukili, fondateur et directeur pédagogique de Bookmania, centre d’accompagnement scolaire basé à Casablanca, le confirme en nous expliquant que le principal frein au homeschooling au Maroc est la question du diplôme. Qu’advient-il après, une fois que l’enfant doit poursuivre des études supérieures? C’est la crainte persistante des parents pour qui ce «bout de papier» représente encore et toujours un précieux sésame.

Les services de homeschooling proposés par Bookmania relèvent donc davantage de l’accompagnement scolaire d’enfants ou de jeunes gens déscolarisés. En guise de programme scolaire, les parents optent pour la formation à distance proposée par le CNED ou pour une des quelques autres formations en ligne que proposent les Etats-Unis. Autant d’organismes qui délivrent un diplôme à l’enfant une fois son cursus à distance terminé.

Dans le cas présent, les parents ne souhaitent pas assurer les cours eux-mêmes et font alors appel à ce centre d’accompagnement scolaire. Une manière de faire qui convient notamment aux parents de jeunes gens déscolarisés au moment du Bac et qui souhaitent leur faire décrocher le précieux diplôme en tant que candidats libres.

Un programme pour lequel optent également les parents de jeunes sportifs de haut niveau qui ne peuvent, en raison de leurs entraînements, opter pour une scolarité traditionnelle. Dans le cas présent, nous explique Ismail Boukili, tout est mis en œuvre pour s’adapter au rythme de l’enfant et à ses entraînements, la règle de ce système étant que «rien n’est obligatoire». Le programme est donc adapté et ajusté en fonction de la progression de l’enfant. «Au début de l’année, il sera amené à venir au centre tous les jours à raison de 3 à 4 heures par jour. Puis une fois que l’enfant devient autonome et apprend à travailler, il ne viendra plus que 2 à 3 fois par semaine, à raison de 2 heures par jour». En somme, résume-t-il: «un pilotage intelligent et sans aucune obligation.»

Cette manière de procéder se révèle idéale dans le cas de ce jeune surfeur de haut niveau encadré par Ismail Boukili et qui passe cette année en 1ère. Quand ses entraînements s’intensifient, son programme scolaire s’allège et se fait à distance via skype. Une fois revenu à un rythme de vie normal, le programme scolaire s’intensifie pendant une période afin de lui faire rattraper son retard.

Une scolarité internationale (parfois) à moindre coûtPour les parents marocains, le homeschooling a cet avantage de pouvoir inscrire les enfants dans des formations scolaires étrangères sans risquer d’être recalé en raison d’une nationalité étrangère ou de devoir passer une batterie de tests. Les admissions se font sur dossier et évaluation du niveau de l’enfant.

Côté prix, le CNED propose des tarifs beaucoup plus avantageux que la mission française au Maroc. Pour des cours de niveau cycles élémentaires au collège, il faut en effet compter moins de 500 euros, contre près de 50.000 dirhams pour une inscription en mission française au Maroc.

Des prix ultra attractifs qui le sont toutefois beaucoup moins quand les parents ne souhaitent pas s’improviser professeurs et préfèrent confier cette tâche à un organisme comme Bookmania ou à un professeur particulier. Dans le cas échéant, aux frais de formation à distance, il faut alors ajouter les frais d’encadrement scolaire.

La scolarité de l’enfant coûtera alors jusqu’à 50.000 dirhams par an pour une formation CNED couplée à un encadrement scolaire et atteindra jusqu’à 150.000 dirhams par an dans le cas d’une formation américaine, beaucoup plus chère que la française.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 04/09/2018 à 16h22