Le ton est rapidement monté dimanche soir entre Emmanuel Macron et les journalistes Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, le président de la République n'hésitant pas à recadrer ses intervieweurs et à leur reprocher "amalgame" ou "insinuation".
Le fondateur de la Mediapart, s'est le premier attiré les foudres du président de la République. "Dans tous les secteurs, les mécontentements sont là", a-t-il affirmé, énumérant les différents fronts sociaux. "Tous critiquent votre façon de décider de leur sort, pas seulement ce que vous décidez, mais la façon dont vous le faites, autoritaire, verticale. Vous vous êtes trompé sur le nom de votre mouvement, vous auriez dû l'appeler En force!", a-t-il lancé.
"Est-ce une question ou un plaidoyer ?", a répliqué le président de la République. "Non, c'est une question (...) Il n'y a jamais de mauvaises questions", lui a répondu le journaliste. "Votre question amalgame des choses profondément différentes (...) ces mécontentements ont des racines profondément différentes", lui a rétorqué Emmanuel Macron, qui pour finir a jugé "biaisée" la question d'Edwy Plenel.
L'évocation de l'"argent magique" et de l'évasion fiscale a donné lieu à une nouvelle passe d'armes, Emmanuel Macron s'agaçant des "approximations" ou "contre-vérités" de ses intervieweurs, confondant fraude fiscale et optimisation fiscale.
Parlant au président de son "ami Bernard Arnault", Jean-Jacques Bourdin s'est fait reprendre de volée. "Vous savez, les insinuations dans la vie, ce n'est pas une bonne chose (...) Vous n'êtes pas des juges autour de cette table. Vous êtes des intervieweurs, je suis président de la République", s'est emporté le chef de l'Etat.
Interrogé par Edwy Plenel sur l'indépendance de l'administration fiscale, Emmanuel Macron a renvoyé le fondateur de Mediapart à ses démêlés avec le fisc. "Vous-même vous avez décidé de vous affranchir des règles fiscales et l'administration fiscale vous a contrôlé", lui a-t-il lancé. "C'est totalement mesquin", s'est étranglé M. Plenel, tentant d'expliquer que Mediapart avait "mené un combat pour l'égalité entre la presse papier" et la presse en ligne. "On peut mener un combat sans s'affranchir des règles", l'a cloué Emmanuel Macron.
Mediapart a fait l'objet d'un important redressement fiscal après avoir revendiqué et s'être appliqué un taux de TVA réduit, réservé jusqu'en 2014 à la presse papier.
"Question cash, réponse cash", a commenté plus tard Edwy Plenel. Jean-Jacques Bourdin a lui demandé: "N'êtes-vous pas dans une illusion puérile de toute puissance?". Les deux hommes l'ont appelé "Emmanuel Macron" durant tout l'entretien, et non "Monsieur le président".
Sur Twitter, les spectateurs n'ont pas manqué d'observer la virulence des échanges. "Drôle d’interview qui consiste en fait à caricaturer la pensée, à faire des amalgames et ses postulats sans poser des questions à l’interlocuteur. Assez admiratif de la capacité d'Emmanuel Macron à répondre malgré tout avec calme et pédagogie", a applaudi le président du groupe MoDem à l'Assemblée, Marc Fesneau.
"On assiste à une caricature d’interview. En cherchant à abaisser la fonction présidentielle, les journalistes abaissent en réalité la fonction de journaliste", a de son côté commenté le maire de Nice Christian Estrosi (LR).
Le chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a au contraire salué un "incroyable entretien de presse". "On n'écoute plus les réponses, on attend les questions", a-t-il tweeté.