Algérie: le clan Bouteflika met au placard Ramtane Lamamra

 Ramtane Lamamra, le plus marocophobe des diplomates algériens.

 Ramtane Lamamra, le plus marocophobe des diplomates algériens. . DR

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s’efface au profit de son ministre délégué, Abdelkader Messahel, devenu le favori du clan présidentiel et véritable patron de la diplomatie algérienne. Un cas de figure instructif de la gabegie et de l’arbitraire qui dominent à Alger.

Le 18/04/2017 à 16h39

Mais où a donc disparu le «soldat» Ramtane Lamamra? Pourquoi et comment est-il passé au second rang au profit de son collègue, Abdelkader Messahel, devenu le véritable maître du ministère des Affaires étrangères, alors qu’il est censé être second dans l'ordre hiérarchique? Des indicateurs et pas des moindres attestent que le très marocophobe ministre Ramtane Lamamra, promu ministre des Affaires étrangères en 2013 par le président Bouteflika, après avoir officié près de treize ans en tant que commissaire de l’Union africaine à la Paix et la sécurité, est mis au placard par le clan présidentiel, aux yeux duquel il est tombé en disgrâce depuis le retentissant loupé du «Forum d’affaires d’Alger» où son département était en charge de l’octroi des visas aux invités étrangers. Pour rappel, ledit «forum» improvisé par Alger, dans l’espoir de contrebalancer l’aura économique du Maroc en Afrique, avait coûté son poste à l’ambassadeur d’Alger à Paris, Amar Bendjemaâ, bouc émissaire à qui l’on a fait porter le chapeau d’une humiliation sans nom.

Depuis, Ramtane Lamamra rase les murs. Mieux, il se fait coiffer au poteau par son ministre délégué, tout aussi marocophobe, l’inénarrable Abdelkader Messahel. C’est ce ministre délégué auprès de Ramtane Lamamra, chargé de l’UMA, des Affaires africaines et de la Ligue des États arabes, qui occupe les devants de la scène, ramenant vers lui toute la couverture ou presque de l’action diplomatique algérienne. «En bon diplomate illusionniste, le comédien mis en scène il y a quelques jours pour attester de la bonne santé du chef de l’Etat, lors du dernier montage de la télévision publique, incarne à lui seul l’audacieuse imposture d’un gouvernement qui dissimule très mal la vacance du pouvoir», pointe notre confrère «Le Matin d’Algérie», sous ce titre caustique: «Médiation et ballon de baudruche: L’incompétence chronique de Messahel».

Chouchou (pour le moment) du clan présidentiel, mené par le frère de Bouteflika, Saïd, Abdelkader Messahel s’est en effet vu confier le rôle peu reluisant d’apparaître, le 19 mars dernier, en face du président-fantôme, dans le but de rassurer l’opinion publique algérienne que ce dernier est encore capable d’un minimum de motricité.

D’autres indicateurs transmis par notre confrère «Le Matin d’Algérie» démontrent que le ministre Messahel a bel et bien «ravi la vedette» à son «patron» Ramtane Lamamra. Dans le très réaliste costume que le site d’information a taillé à Messahel, sont cités les tares de ce ministre qui ressasse "l’expérience algérienne en matière de lutte antiterroriste" ou celle d’Alger pour une solution par le dialogue inclusif dans la crise… «Des formules éculées qui n’ont aucun impact sur les événements que le sous-département que dirige Abdelkader Messahel feint de traiter». Passons aussi sur ce Sommet tripartite Algérie-Egypte-Tunisie proposé par Messahel sur fond de médiation dans la crise libyenne mais non tenu à ce jour. «Le Sommet tripartite décidé à Tunis et non tenu à ce jour est une preuve irréfutable de la diplomatie spectacle de Messahel dont l’ego surdimensionné a beaucoup contribué à nous éloigner d’une véritable solution à la crise libyenne faute de travail sérieux, efficace et constant», épingle «Le Matin d’Algérie» qui reconnaît une seule compétence à ce ministre : «un bon spécialiste de l’esbroufe».

Autre indicateur de la «mise en selle» de Messahel, au détriment de son supérieur Ramtane Lamamra, et il est tout frais: «L'Algérie et la Fédération de Russie tiendront mardi 18 avril à Alger la deuxième session des Consultations bilatérales sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme instituées entre les deux pays en 2016», indique l’agence de presse algérienne APS. «M. Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des États arabes, dirigera la délégation algérienne à ces entretiens, alors que la délégation russe sera conduite par M. Venediktov Alexandre, représentant le Conseil national de sécurité de ce pays», a tenu à préciser l’APS.

Vous avez bien lu: Messahel et non Ramtane Lamamra pour présider la délégation algérienne. Que peut bien faire un ministre dont le rayon d’action est inscrit dans le titre (ministre de l’UMA, des Affaires africaines et de la Ligue des États arabes) avec la Russie ? Ne vous étonnez pas: ce genre de situations ubuesques sont fréquentes en Algérie. Messahel aurait pu être ministre chargé de l’étude de l’eau sur la planète Mars, il peut être désigné, du jour au lendemain, par le clan Bouteflika chef de l’État Major à la place du général Gaïd Salah.

Messahel ou Lamamra, c'est blanc bonnet, bonnet blanc. Messahel ou Lamamra, le dossier du Sahara «s’invite» inévitablement à toute rencontre initiée par ce département, le cas échéant cette réunion algéro-russe. Les apparatchiks algériens, on le sait, oublient leurs divergences dès qu’il s’agit du Maroc. Est-ce un hasard si l'hostilité anti-marocaine est devenue le principal dossier de la politique extérieure de l'Algérie?

Mais il y a plus instructif dans la mise au placard du chef de la diplomatie algérienne et son humiliation en mandatant son subordonné de diriger les missions qui relèvent de sa compétence. Les titres et les hommes importent peu à Alger. Les compétences n’interviennent pas dans le choix des hommes. C’est l’humeur des hommes au sommet du pouvoir, naguère partagé entre le président, l’armée et les services, mais qui est depuis la dissolution du DRS et le limogeage du général Toufik la propriété de deux entités : le clan présidentiel et l’armée. Le chef de la diplomatie algérienne, dirigé par son subordonné, cela donne surtout une idée de l’arbitraire et de la déliquescence des institutions de l’État dans ce pays. Et même si ça prête à rire, il faudrait malheureusement s’en inquiéter.

Par Ziad Alami
Le 18/04/2017 à 16h39