Attentats de Barcelone: La guerre des nerfs reprend entre Madrid et les Catalans

Le président de la Catalogne Carles Puigdemont (G) et le chef de gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

Le président de la Catalogne Carles Puigdemont (G) et le chef de gouvernement espagnol Mariano Rajoy. . AFP

L'Espagne n'aura pas eu le temps de faire son deuil. Ce dimanche 27 août, alors que succombait une seizième victime des attentats de Catalogne, la guerre des nerfs reprenait entre Madrid et les indépendantistes catalans.

Le 27/08/2017 à 17h44

Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a demandé publiquement aux séparatistes de renoncer au referendum qu'ils préparent pour le 1er octobre afin de faire sécession.

"Notre engagement à tenir le referendum d'autodétermination est inébranlable", lui a répondu le chef de l'exécutif régional catalan, Carles Puigdemont, dans un interview au journal numérique El nacional de Cataluña.

Des sifflets et les huées des indépendantistes contre Rajoy et le roi Felipe VI avaient déjà assombri une grande marche samedi à Barcelone en hommage aux victimes des attentats et contre le terrorisme.

Proclamant "no tinc por" (je n'ai pas peur en catalan), des centaines de milliers de personnes avaient défilé, derrière les policiers, commerçants, secouristes et même chauffeurs de taxi qui les premiers avaient assisté les victimes de la tuerie.

Les 17 et 18 août dernier, de jeunes Marocains ont pris le volant pour écraser des piétons sur les Ramblas de Barcelone puis dans la station balnéaire de Cambrils, à 120 km plus au sud, avant de tomber sous les balles de la police.

Le bilan des attentats, revendiqués par l'organisation Etat islamique, est monté à 16 morts dimanche, quand une Allemande de 51 ans a succombé à ses blessures dans un hôpital de Barcelone. Cinq des 126 blessés étaient toujours dans un état critique.

L'enquête doit encore établir comment un groupe de jeunes, apparemment bien intégrés dans la petite ville de Ripoll au pied des Pyrénées, ont été endoctrinés, apparemment par un imam marocain, et si cet imam avait des liens avec des réseaux jihadistes.

Mais la querelle catalane, qui pèse depuis des années sur la politique en Espagne, a repris après une courte trêve où Madrid et Barcelone avaient évité l'affrontement.

La Catalogne, qui représente 15% de la population de l'Espagne avec 7,5 millions d'habitants sur 47 millions, produit 20% du PIB national. Fière de sa langue et de son histoire, elle a longtemps réclamé sans succès plus d'autonomie avant d'être tentée par l'indépendance.

Les huées et les drapeaux indépendantistes pendant la marche de Barcelone ont indigné la presse nationale. "L'indépendantisme passe avant les victimes", titrait à la une El Mundo, sous une photo où les bannières des séparatistes flottent derrière le roi.

"Le fanatisme indépendantiste a rompu une unité indispensable", accuse dans son éditorial El Pais, le journal le plus lu du pays.

Le gouvernement catalan, qui dispose d'une majorité ténue au parlement régional, veut coûte que coûte son referendum. Le gouvernement central et la majorité des partis politiques s'appuient eux sur la constitution pour s'y opposer.

Celle-ci prévoit que tous les Espagnols doivent être consultés sur des questions qui concernent l'ensemble du pays et qu'une région ne peut donc pas seule organiser un referendum.

Selon le dernier sondage réalisé pour le compte du gouvernement catalan, 49,4% des Catalans sont opposés à l'indépendance, contre 41% pour, mais plus de 70% d'entre eux veulent un referendum.

"Il est impossible d'arrêter la volonté d'un peuple qui veut voter", assure Carles Puigdemont dans son interview. "Je crois que le 2 octobre, quoi qu'il arrive, les choses auront beaucoup changé. Et que la position de l'Espagne sera insoutenable".

M. Puigdemont et ses alliés cherchent en vain depuis des années des appuis à l'étranger pour leur cause.

Madrid conserve l'appui de ses partenaires de l'Union européenne et de la communauté internationale. Bruxelles a même prévenu à plusieurs reprises qu'une Catalogne qui proclamerait son indépendance sortirait automatiquement de l'UE.

M. Rajoy répète sur tous les tons que le referendum n'aura pas lieu, sans dévoiler par quels moyens il compte l'empêcher.

Il avait promis d'empêcher une première consultation populaire en novembre 2014, à laquelle 2,3 millions de 6,3 millions d'électeurs avaient participé et s'étaient prononcés à 80% pour l'indépendance. Quatre dirigeants catalans ont été condamnés depuis pour l'avoir organisée.

"J'aimerais, tout comme l'immense majorité des Espagnols, que certains dirigeants politiques renoncent à leurs plans de rupture, de division et de radicalité", a déclaré M. Rajoy dimanche à l'adresse du gouvernement catalan.

Le 27/08/2017 à 17h44