Balkans: les frontières se ferment aux migrants

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La route migratoire des Balkans, encore empruntée par quelques centaines de Syriens et Irakiens, fermée pratiquement mercredi, accentue l'urgence d'un plan d'action humanitaire pour les réfugiés esquissé par l'UE et la Turquie mais critiqué par l'ONU et les ONG.

Le 09/03/2016 à 09h41

Après des tractations laborieuses à Bruxelles lundi, les pays membres de l'Union européenne n'avaient pas voulu décréter officiellement la fermeture de la route migratoire des Balkans, empruntée l'an dernier par plus de 850.000 migrants.

Mais la Slovénie a décidé mardi de mesures qui reviennent à rendre le passage quasi impossible: à partir de minuit (mardi 23h00 GMT), elle ne laissera plus transiter de migrants sans papiers par son territoire, sauf exceptions "humanitaires". La Serbie, qui n'est pas membre de l'UE, a indiqué qu'elle ferait de même et que cette mesure revenait "pratiquement à fermer la route des Balkans".

La Croatie, membre de l'UE mais non de la zone de libre circulation de Schengen, a annoncé, elle aussi, une mesure de fermeture. Le ministre de l'Intérieur Vlaho Orepic a déclaré à la chaîne de télévision RTL que désormais la Croatie n'accepterait plus le passage sur son territoire de migrants non munis de visas. La Macédoine, pays non membre de l'UE par lequel les migrants quittent la Grèce, a dit s'aligner sur le nombre de migrants acceptés par son voisin serbe.

Privés de cette route des Balkans, les candidats à l'asile n'auront plus d'autre choix que de s'en remettre au nouveau plan d'action dévoilé la veille à Bruxelles pour "changer la donne". Sur les côtes de la mer Egée, d'où continuent à s'élancer chaque jour des centaines de candidats à l'exil vers l'UE, les Premiers ministres turc Ahmet Davutoglu et grec Alexis Tsipras ont affiché mardi leur "approche commune" sur ce dossier. "Dans les décisions qui ont été prise hier, la coopération entre la Turquie et la Grèce est vitale", a souligné M. Davutoglu devant la presse.

Après des tractations laborieuses à Bruxelles, les dirigeants européens se sont séparés sans accord définitif mais avec en main des propositions turques nouvelles et inattendues, qu'ils ont promis d'étudier et de finaliser d'ici au prochain sommet prévu les 17 et 18 mars dans la capitale belge. Le Conseil européen et la Commission européenne doivent présenter mercredi matin au Parlement européen les résultats du sommet UE-Turquie.

Aux termes de la plus spectaculaire des propositions turques, Ankara accepterait la réadmission sur son territoire de tous les migrants arrivés clandestinement en Grèce, y compris les Syriens qui fuient la guerre dans leur pays, à condition que les Européens s'engagent, pour chacun d'entre eux, à transférer un réfugié depuis la Turquie vers le territoire de l'UE.

L'objectif est de lancer un message à tous les candidats au voyage vers l'Europe: les migrants économiques seront renvoyés, et les demandeurs d'asile ont tout intérêt à déposer leur requête en Turquie pour espérer un transfert sans danger vers l'UE.

"Monnaie d'échange"

Le président du Conseil européen Donald Tusk y a vu un net progrès. "Le temps des migrations irrégulières en Europe est révolu", s'est-il félicité. Mais le haut commissaire aux réfugiés de l'ONU, Filippo Grandi, s'est dit "profondément préoccupé par tout arrangement qui impliquerait le retour indiscriminé de gens d'un pays à un autre". Amnesty International a jugé la proposition turque "déshumanisante", et un responsable de Human Rights Watch, Bill Frelick, a estimé que les réfugiés ne devaient pas être traités "comme une monnaie d'échange".

En échange de sa proposition "choc", la Turquie a promis d'accélérer la mise en oeuvre d'un accord de "réadmission" datant de 2002, qui prévoyait qu'elle reprenne à partir de juin les migrants "économiques" pour les expulser vers leurs pays d'origine. Ankara et Athènes ont renouvelé mardi par écrit cet engagement.

"Nous avons signé aujourd'hui un accord très important sur les réfugiés et la réadmission des réfugiés, il y a volonté claire de résoudre nos problèmes mutuels", s'est réjoui M. Tsipras. A Bruxelles, Ankara a aussi exigé le doublement de 3 à 6 milliards d'euros de l'aide promise par l'Europe pour l'accueil des 2,7 millions de Syriens déjà sur son sol. Une première partie de ces fonds sera disponible "la semaine prochaine", selon M. Davutoglu.

"Non" de Chypre

Dans la perspective d'adhérer à l'UE, M. Davutoglu a également souhaité l'ouverture de cinq chapitres de négociations "aussi vite que possible". Chypre s'est dit mardi opposée à cette accélération. "L'ouverture de tout chapitre nécessite de la Turquie qu'elle remplisse ses obligations", a rappelé le porte-parole du gouvernement Nicos Christodoulides. L'île méditerranéenne est divisée depuis l'invasion en 1974 de sa partie nord par la Turquie. Ankara refuse de reconnaître l'autre partie de l'île, la République de Chypre, qui est membre de l'UE.

Le chef du gouvernement islamo-conservateur turc a également sollicité la levée "d'ici juin" des visas imposés par les pays de l'espace Schengen à ses citoyens.

Le 09/03/2016 à 09h41