Bouteflika annonce renoncer à un 5ème mandat...pour mieux se maintenir au pouvoir

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La lettre de Bouteflika où il annonce ne pas briguer un 5ème mandat et reporter les élections est un grand enfumage. Le président algérien s’accroche au pouvoir. Il se projette, en tant que chef d’Etat, dans le futur de l’Algérie. Analyse.

Le 11/03/2019 à 19h45

La lettre de Bouteflika aux Algériens où il annonce renoncer à se présenter candidat à un 5ème mandat, ainsi que le report des élections, prévues le 18 avril, restera dans les annales comme le modèle à la fois pathétique et surréaliste d’un octogénaire grabataire qui se cramponne au pouvoir. Car toute cette manoeuvre n’est qu’une ruse d’un autre âge pour donner l’impression à la rue dont l’unique revendication est «Bouteflika dégage» que le président malade fait semblant de s’en aller, tout en restant. Alors que la lettre attribuée à Bouteflika le crédite d’une volonté de passer le relais aux nouvelles générations, les mots composant cette lettre ont tout d’une provocation qui galvanisera davantage la détermination de la rue.

Exemple de provocation, Bouteflika affirme: «il n’y aura pas d’élection présidentielle le 18 avril prochain». Et il enchaîne immédiatement: «il s’agit ainsi de satisfaire une demande pressante que vous avez été nombreux à m’adresser dans votre souci de lever tout malentendu quant à l’opportunité et à l’irréversibilité de la transmission générationnelle à laquelle je me suis engagé». Quelle fuite en avant! Quelle surdité! Quel mépris pour l’intelligence des Algériens! Car les Algériens ne se sont pas adressés à Bouteflika pour qu’il reporte les élections, mais pour qu’il disparaisse de ces élections. Qu’il parte se reposer, mourir en paix et laisser à d’autres, plus jeunes, le soin de prendre le relais. Si Boutefilka s’était engagé pour une «irréversibilité de la transmission générationnelle», il ne se serait jamais porté candidat à une élection présidentielle. Pourtant, dans sa lettre, le président est tellement obnubilé par l’obsession de garder le pouvoir qu’il en vient à croire (ou à faire croire) que les millions d’Algériens ne sont sortis dans la rue que pour l’invoquer comme le sauveur du pays.

Dans toute la lettre, alors que Bouteflika annonce ne pas se présenter de nouveau, il apparaît comme le Messie, celui par qui le salut de l’Algérie va venir. Dans toute la lettre, il se projette dans les actions futures du pays et la seule concession-pathologique– qu’il fait aux Algériens est de construire, non pas seul, mais avec eux, la future république. Tout ce qu’il a décidé, c’est «dans l’objectif d’entreprendre ensemble les actions d’importance historique qui permettront de préparer le plus rapidement possible l’avènement d’une nouvelle ère en Algérie.» On ne peut pas être plus clair sur ses intentions.

Plus surprenant, celui qui affirme renoncer au 5ème mandat est un super président, un président à vie, qui fait le présent et le futur du pays qu’il dirige. Dirigiste, il va décider des actions à venir, nommer, remplacer, virer… A ce sujet, il affirme: «j’ai décidé de procéder tout prochainement à des changements importants au sein du Gouvernement». Est-ce ainsi que parle un président sortant? Et il ajoute: «ces changements constitueront une réponse adéquate aux attentes dont vous m’avez saisi, ainsi qu’une illustration de ma réceptivité à l’exigence de reddition de comptes et d’évaluation rigoureuse dans l’exercice des responsabilités à tous les niveaux et dans tous les secteurs». Donc, il faudrait croire que les Algériens sont sortis dans rue pour élever d’une seule voix une supplication à Bouteflika en vue de sévir contre ceux qui ont pillé le pays. Parce que Bouteflika pense qu’il a été saisi par le peuple! Et dans son ultime bonté, il accepte de répondre aux attentes de ce peuple.

Vous voulez un exemple de la présidence à vie de Bouteflika? Et bien la fameuse Conférence nationale constituera «ma mission ultime en parachèvement de l’œuvre dont Dieu Tout-Puissant m’a accordé la capacité et pour laquelle le peuple algérien m’a donné l’opportunité.» Nonobstant le côté pharaonique de cette présidence de droit divin, Bouteflika estime en des termes plus terre-à-terre qu’il n’a pas encore terminé sa mission à la tête de l’Etat algérien. Il n’a pas fini le job.

Le reste, c’est-à-dire le deadline des travaux de cette conférence supposée se terminer «avant la fin de l’année 2019», est une bis repetita de la lettre de Bouteflika adressée aux Algériens le jour de la présentation de sa candidature à un 5ème mandat présidentiel. Rien de nouveau à l’horizon.

En somme, Bouteflika répète le même engagement pris dans la première lettre: il veillera à l’organisation de nouvelles élections présidentielles sans se porter candidat. La seule différence entre la lettre lue le 10 février à la télévision nationale et celle du 11 mars, c’est que Bouteflika renonce à se présenter aux élections du 18 avril tout en barrant toutefois la route à un successeur. Pas sûr que le peuple algérien apprécie cet enfumage. Il est clair que le clan Bouteflika ne veut pas céder devant la pression impressionnante de la rue. Et cela n’augure rien de bon dans les jours à venir.

Par Aziz Bada
Le 11/03/2019 à 19h45