Espagne: en crise, Podemos lance sa campagne avec un mea culpa d'Iglesias

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Le dirigeant du parti radical de gauche espagnol Podemos, Pablo Iglesias, a lancé samedi sa campagne pour les législatives du 28 avril en faisant un mea culpa public, alors que sa formation est en pleine crise.

Le 24/03/2019 à 07h34

En 2015, l'entrée en force au parlement de Podemos avait contribué à la fin du bipartisme en Espagne.

Mais alors que les législatives approchent, et que se préparent les municipales, régionales et européennes du 26 mai, les sondages sont mauvais pour la formation, minée par des divisions internes, et Iglesias est contesté pour sa manière de diriger le parti, au côté de sa compagne Irene Montero, numéro deux.

"Les griefs de ceux qui ont pris leurs distances concernent la réduction toujours plus importante de l'idée de démocratie interne" fondamentale lors de la création du parti mais qui "a été remplacée par un +hyper-leadership+" d'Iglesias, estime Ernesto Pascual, professeur de sciences politiques à l'UOC de Barcelone.

"Je sais que j'ai déçu beaucoup de gens, c'est ainsi", a admis samedi Iglesias, ancien professeur de sciences politiques de 40 ans, faisant son retour sur la scène politique après un congé paternité de trois mois.

"Nous nous sommes fait honte à nous-mêmes avec nos luttes internes", a-t-il ajouté devant des milliers de militants réunis devant le musée Reina Sofia de Madrid, qu'il a remerciés de "serrer les rangs dans les moments difficiles".

Le parti "est en crise, en train de se démembrer", a reconnu une électrice de Podemos de 62 ans, Betzie Jaramillo, dans la foule. Les politologues fondateurs du parti "sont entrés dans la réalité de ce qu'est le pouvoir et sa part obscure". Mais pour elle, "il est fondamental que Podemos et ses alliés maintiennent au moins 15% (des voix) pour que son discours reste écouté et pouvoir former une majorité" de gauche.

Alors que le Parti socialiste du chef du gouvernement Pedro Sanchez est en tête dans les sondages, Iglesias s'est gardé de l'attaquer frontalement mais a au contraire souligné que Podemos aspirait à "faire partie du prochain gouvernement".

Selon une moyenne des derniers sondages établie par le quotidien El Periódico de Cataluña, Podemos pourrait voir son nombre de députés tomber de 71 (sur 350) à seulement 38. Et le Parti Socialiste, qu'il rêvait auparavant de détrôner, passerait de 84 sièges à 114.

Fondé en 2014 pour dénoncer la précarité des emplois, la corruption de la "caste" régnante et le pouvoir excessif des banques ou des multinationales, Podemos "a perdu sa capacité de marquer l'agenda politique", constate Pablo Fernandez Vazquez, professeur à l'Université américaine de Pittsburgh.

Et ce notamment parce que le PSOE - arrivé au pouvoir en juin en particulier grâce aux voix de Podemos qui a soutenu sa motion de censure contre le conservateur Mariano Rajoy - a "grignoté une partie de son espace" à gauche, note l'universitaire.

Que cela soit en s'attribuant les bénéfices de mesures sociales concoctées avec Iglesias, comme le bond de 22% du salaire minimum cette année. Ou en récupérant le mouvement féministe en plein renouveau.

En janvier, Íñigo Errejon, un des fondateurs-clefs de Podemos, a décidé de faire sécession et de se présenter seul aux régionales à Madrid, en association avec la plateforme de la maire de la capitale, Manuela Carmena.

Et jeudi l'un de ses proches, Pablo Bustinduy, a jeté l'éponge alors qu'il était tête de liste aux européennes.

D'autres figures de poids s'étaient déjà éloignées ou avaient été écartées de la direction du parti.

Ces divisions se sont ajoutées à une polémique restée embarrassante, concernant la villa à 600.000 euros achetée l'an dernier par Iglesias et Montero : un investissement qui a choqué dans une formation en lutte pour plus de justice sociale.

Drapé dans un drapeau mauve de la formation, Ruben Huerta, agent administratif de 26 ans, espérait samedi que le parti obtiendrait un résultat suffisant, pour continuer à "obliger le parti socialiste à être de gauche et à passer un accord avec Podemos plutôt qu'avec (les libéraux de) Ciudadanos".

Le 24/03/2019 à 07h34