La France à la manœuvre dans la crise libanaise

Emmanuel Macron et Saâd Hariri au Palais du gouvernement à Beyrouth le 24 janvier 2017.

Emmanuel Macron et Saâd Hariri au Palais du gouvernement à Beyrouth le 24 janvier 2017. . AFP

La France, forte de ses liens avec tous les acteurs de la région, multiplie les initiatives pour tenter d'obtenir le retour du Premier ministre démissionnaire Saâd Hariri au Liban, même si ses marges de manœuvre sont ténues.

Le 15/11/2017 à 08h37

Après la Libye, le climat ou le nucléaire iranien, le président Emmanuel Macron, qui a reçu mardi 14 novembre le chef de la diplomatie libanaise à l'Élysée, monte ainsi une nouvelle fois en première ligne sur un dossier brûlant.

La démission surprise de Saâd Hariri le 4 novembre depuis l'Arabie saoudite, d'où il a dénoncé la "main mise" de l'Iran sur son pays, a précipité le Liban dans une nouvelle crise, beaucoup s'interrogeant sur sa liberté de mouvement à Riyad.

L'Arabie saoudite sunnite, important soutien de M. Hariri, et l'Iran chiite, grand allié du Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, s'affrontent par crises régionales interposées, de la Syrie au Yémen.

Après cette démission fracassante, Emmanuel Macron a effectué une visite éclair à Riyad, pour évoquer le sort du Liban avec le tout puissant prince héritier Mohammed ben Salmane.

Mercredi, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, rencontrera à son tour le prince héritier, Paris demandant que M. Hariri puisse "retourner librement" au Liban.

"Saâd Hariri est dans une situation ambiguë et pas normale", a martelé le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, au sortir de son entretien avec le président Macron.

"Ce qui fait notre force, y compris par rapport aux États-Unis, c'est que nous parlons à tout le monde", souligne Denis Bauchard, expert du Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales (IFRI). "La France a une relation privilégiée au Liban avec les trois communautés, y compris des contacts avec les chiites", relève-t-il.

"Nous avons aussi d'assez bonnes relations historiques avec l'Arabie saoudite même si manifestement certains espoirs ont été déçus en matière de contrats et avons rétabli de bonnes relations avec l'Iran" depuis l'accord sur le nucléaire iranien de 2015, pointe-t-il.

Cette volonté de replacer la France au cœur du jeu international coïncide "avec une politique américaine qui inquiète, une éclipse de la Grande-Bretagne pour cause de Brexit et un certain effacement de l'Allemagne pour cause aussi de politique intérieure", décrypte Denis Bauchard.

L'activisme d'Emmanuel Macron dans la crise libanaise lui vaut un satisfecit jusque chez l'ancien Premier ministre de droite Alain Juppé. "Il est bon que le président mouille sa chemise pour jouer un rôle de médiateur (...) ça va peut-être marcher", estime l'ancien chef de la diplomatie française (2011-2012).

Pour Stéphane Malsagne, spécialiste du Liban et enseignant à Sciences-Po Paris, la diplomatie française dispose toutefois d'un "faible poids sur le jeu politique libanais essentiellement piloté aujourd'hui depuis Téhéran et Riyad". Le prince héritier d'Arabie, ouvertement soutenu par Donald Trump, est déterminé à affaiblir le Hezbollah "avec la bénédiction d'Israël", analyse-t-il.

La rivalité entre Riyad et Téhéran s'est en outre accentuée depuis l'effondrement du groupe État islamique en Irak et Syrie, qui coïncide avec une progression des milices chiites pro-iraniennes.

Les moyens de pression de la France sur le régime saoudien apparaissent limités, constate Stéphane Malsagne, en notant que Paris a "perdu beaucoup de terrain sur le marché de l'armement saoudien" et attend en outre de Riyad un soutien financier pour la force militaire régionale du G5 Sahel.

Les Iraniens ne vont "pas faire non plus de compromis sur le Hezbollah", leur bras armé dans la région, renchérit le politologue franco-libanais Ziad Majed, professeur à l'Université américaine de Paris.

Dans un tel contexte, la France peut aider à apaiser les tensions et "limiter les dégâts", selon lui. "Mais pour trouver une solution durable et éviter le pire, c'est beaucoup plus à Washington que les choses peuvent se décider", esquisse-t-il.

Le 15/11/2017 à 08h37