La guerre en Syrie entre dans sa septième année avec un double attentat

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Deux attentats suicide ont frappé mercredi Damas en moins de deux heures, tuant au moins 32 personnes le jour du sixième anniversaire du début de la guerre en Syrie.

Le 15/03/2017 à 18h35

Le terrible bilan humain de ce conflit, considéré comme le plus meurtrier depuis le début du XXIe siècle, s'est aussi alourdi avec la mort de 20 personnes, dont 14 enfants, dans des raids aériens sur la ville d'Idleb, en territoire rebelle et jihadiste.

Les attentats à Damas, jusqu'à présent relativement épargnée par les violences, surviennent cinq jours après la double attaque dans la vieille ville qui avait fait 74 morts.

Vers 13H10 (11H10 GMT), un kamikaze s'est fait exploser à l'intérieur d'un bâtiment abritant deux tribunaux près de l'entrée du fameux souk, au coeur de la capitale, tuant au moins 32 personnes et en blessant une centaine, a indiqué une source policière à l'AFP.

"J'ai entendu du bruit, j'ai regardé à ma gauche et j'ai vu un homme vêtu d'une vareuse militaire", a raconté à la télévision d'Etat un homme portant un patch à son oeil blessé. "A ce moment, il a levé les bras vers le ciel et crié: +Allah Akbar+ (Dieu est grand), puis l'explosion s'est produite", a ajouté ce témoin qui se trouvait dans le bâtiment pour des formalités. "Je suis tombé par terre et j'ai senti le sang s'écouler de mon oeil".

Moins de deux heures plus tard, dans le quartier de Raboué à l'ouest de Damas, un autre kamikaze "a déclenché sa ceinture explosive à l'intérieur d'un restaurant après avoir été pourchassé et cerné" par les services de sécurité, selon l'agence officielle Sana. La source policière a fait état de 25 blessés.

Les correspondants de l'AFP ont constaté que les rues de la capitale avaient été désertées à la suite du deuxième attentat alors qu'il s'agissait de l'heure de pointe. Plusieurs rues ont été coupées à la circulation par les services de sécurité.

Dans la ville d'Idleb, un homme, 13 membres de sa famille ainsi que la famille de son frère -- au total 20 civils -- ont péri à l'aube dans des raids "vraisemblablement russes".

Les six années de guerre ont fait plus de 320.000 morts, plus de 11 millions de déplacés et de réfugiés -- soit la moitié de la population d'avant-guerre -- et laissé en ruines l'infrastructure du pays.

Ce sombre anniversaire a coïncidé avec un troisième cycle de pourparlers de paix sur la Syrie au Kazakhstan mais qui, boycotté par les rebelles, s'est terminé mercredi sans avancées concrètes.

Régime et opposition sont par ailleurs conviés à un cinquième round de négociations sous l'égide de l'ONU à Genève le 23 mars.

L'étincelle de la guerre avait été allumée le 15 mars 2011 par des manifestations pacifiques après l'arrestation et la torture d'élèves soupçonnés d'avoir écrit des slogans antirégime sur les murs à Deraa (sud).

Durement réprimées, elles ont dégénéré en une rébellion armée puis en une guerre civile impliquant une myriade de forces locales, régionales et internationales.

"Mes plus beaux souvenirs de la révolution, c'est lorsque ma ville a été libérée de l'oppresseur Bachar al-Assad", affirme à l'AFP Abdallah al-Hussein, 32 ans, un joueur de foot de la ville de Saraqeb.

"Quand nous avons commencé à manifester, je ne m'attendais pas à en arriver là. On pensait que ça allait se terminer en deux, trois mois, un an au plus tard", regrette-t-il. "Que cette guerre se termine par les armes ou pacifiquement, peu importe. Le peuple veut vivre en paix".

La communauté internationale a été divisée pendant des années entre un bloc pro-régime mené par la Russie et l'Iran d'une part et un camp pro-opposition mené par les Etats-Unis, de nombreux pays européens ainsi que la Turquie et les pays du Golfe.

Mais contrairement aux attentes du deuxième bloc, le régime d'Assad a renversé la donne avec l'appui indéfectible et militaire de Moscou, entrée en action en septembre 2015.

En face, la rébellion a été minée par des dissensions internes et éclipsée par la montée de groupes jihadistes brutaux comme l'Etat islamique (EI). Elle se retrouve aujourd'hui extrêmement affaiblie et marginalisée, notamment après la perte en décembre du secteur est d'Alep, son plus important bastion.

Dans le même temps, l'opposition politique ne peut plus trop compter sur le soutien turc, après le rapprochement fin 2016 entre Moscou et Ankara, ni sur les Américains,l'administration américaine de Donald Trump se désintéressant des dernières négociations.

Malgré cela, "il y a aujourd'hui une volonté internationale de mettre fin à la guerre et le peuple syrien veut une solution", affirme Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Mais, prévient Karim Bitar, chercheur à l'Iris à Paris, "à moins d'une solution politique globale et inclusive, la Syrie pourrait continuer à être le théâtre d'un conflit purulent durant des année".

Le 15/03/2017 à 18h35