Pourquoi Edouard Philippe ne se rend pas en Algérie

AFP

Alors que des voyages du premier ministre français Edouard Philipe sont annoncés au Maroc et en Tunisie, rien n’est au programme pour l’Algérie. La santé de Bouteflika y est pour beaucoup. Décryptage.

Le 26/09/2017 à 09h48

La presse en Algérie s'en émeut. Alors que l’agenda international des hauts dirigeants français s’annonce chargé, aucune visite de premier rang n’est programmée pour Alger, ni du président Emmanuel Macron, ni de son premier ministre, Edouard Philipe. Après l’Allemagne et l’Estonie, le locataire de Matignon effectuera de nombreux déplacements à l’étranger. En octobre, il est attendu au Maroc et en Tunisie notamment. Ces voyages seront suivis par d’autres déplacements dans des pays du Golfe, l’Inde, la Chine, l’Italie, l’Espagne…

Pour l’Algérie, il n’y a rien. Chez le voisin de l’Est, l’indignation est grande. L'attitude de la France est qualifiée d'ambiguë et non justifiée dans un contexte où les enjeux sont de taille: lutte contre le terrorisme, immigration...

La presse algérienne omet cependant de se poser les bonnes questions, au lieu d’accabler l’Exécutif français. Le constat sur l’état de santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika est irréconciable avec la programmation d'une visite. Le président ne peut plus recevoir ses hôtes. On s’en souvient, en février dernier, la visite en Algérie de la chancelière allemande, Angela Merkel, avait été reportée par la présidence algérienne. La raison: «une indisponibilité temporaire» du président Bouteflika due, disait-on, à une «bronchite aiguë». L’annonce de ce report avait été faite le jour même où Merkel devait atterrir à Alger.

En mars 2017, un autre chef d’Etat, l’Iranien Hassan Rohani a également dû renoncer à un voyage prévu en Algérie. Cette fois, le report a été expliqué par la nécessité de se «donner le temps nécessaire à la finalisation des modalités et formalités protocolaires» de la visite. Mais nul n’a été dupe quant à la vraie raison de cette annulation. 

Agé de 80 ans, Abdelaziz Bouteflika ne fait que de très rares apparitions en public, et ce depuis l’accident vasculaire cérébral dont il a été victime en 2013… avant d’être réélu l’année suivante pour un 4è mandat. Son état de santé n’empêche cependant pas son maintien au pouvoir. Au risque de faire s’écrouler l’Algérie et de bloquer le fonctionnement de ses institutions. On soulignera à ce titre que 40 ambassadeurs attendent depuis 5 ans d’être reçus et de présenter leurs lettres de créance au locataire du palais d’El Mouradia. Il s’agit qui plus est d’ambassadeurs de grandes puissances à l’image des Etats-Unis, de la Russie…et de la France.

Qu’à cela ne tienne. Aux Algériens, le pouvoir pourrait faire cette annonce: la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat à la présidentielle de 2019. A défaut du président, son frère Saïd Bouteflika ou un homme de confiance du clan Bouteflika. A moins que le général Ahmed Gaïd Saleh, l'actuel chef de l’armée algérienne, ne prenne le contrôle des élections présidentielles. En attendant, le pays est à l’arrêt. Et les rares chefs d’Etat ou de gouvernement qui s’y sont rendus ces dernières années savent la gravité de la situation. La photo tweetée par l’ancien premier ministre français Manuel Valls en avril 2016, à l’issue de sa rencontre avec le même Bouteflika, en disait déjà long sur le président invalide. Ce dernier y apparaissant comme absent, figé, le regard hagard. Depuis la prise de cette photo, aucun autre Premier ministre français ne s'est rendu à Alger. Edouard Philippe ne peut se rendre en Algérie, pays où les Premiers ministres français sont systématiquement reçus par le président algérien, sans savoir si Bouteflika est en mesure de le recevoir. Dans cette même situation se trouve le président Emmanuel Macron qui a manifesté son souhait de visiter l'Algérie avant la fin de l'année, mais sans pouvoir déterminer une date, qui dépend de la capacité, ou non, d'Abdelaziz Bouteflika à recevoir le locataire de l'Elysée.

Dans ces conditions, il est très difficile, voire impossible, pour toute diplomatie de s’aventurer à faire des annonces de visites à Alger. Pour cela, il faut un minimum de visibilité. Or, compte tenu de l'état de santé de Bouteflika, personne ne peut s'évertuer à parler d'un agenda. 

Par Tarik Qattab
Le 26/09/2017 à 09h48