Sahel: la communauté internationale ne tolère plus le double jeu de l’Algérie

Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires étrangères.

Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires étrangères. . dr

L’absence de l’Algérie à la réunion du lundi 3 juillet à Séville entre les ministres de l’Intérieur marocain, espagnol, portugais, et l'ambassadeur de France en Espagne, démontre l’agacement de la communauté internationale devant le double jeu de ce pays concernant ce qui se passe dans le Sahel.

Le 04/07/2017 à 15h45

L’Algérie est out des enjeux géostratégiques au Sahel. "L'Algérie est absente pour la deuxième fois en moins d'une semaine d'une réunion consacrée à la région", constate un site d’information algérien. Evincée de la réunion organisée dimanche 2 juillet à Bamako entre les chefs d’Etat de la Mauritanie, du Niger, du Mali, du Burkina Faso et du Tchad et le président français Emmanuel Macron, consacrée au lancement d'une force conjointe de 5000 hommes du G5 Sahel contre les groupes terroristes, l'Algérie s'est également vue écartée de la réunion qui s'est tenue lundi 3 juillet à Séville entre les ministres de l'Intérieur marocain (Abdelouafi Laftit), espagnol, portugais, et l'ambassadeur de France en Espagne.

Bien sûr, l'absence de l'Algérie qui partage de longues frontières avec trois pays du Sahel (Mauritanie, Mali et Niger) n'est pas le fruit du hasard. "Le royaume ne possède (toutefois) pas de frontières avec la région du Sahel et son influence dans la région n’est pas établie", croit savoir un confrère algérien auquel semble échapper l'enjeu de cette mise au ban avérée de l'Algérie du concert des Nations. La question n'est pas en effet d'avoir des frontières géographiques au sens classique du terme, les frontières physiques n'ayant plus aucun sens dès lors que la sécurité régionale est menacée, mais de comprendre pourquoi un pays supposé incontournable au Sahel est volontairement disqualifié des enjeux liés à la sécurité et à la paix dans cette vaste région.

Or voilà, sécuriser le Sahel fait partie aussi de la sécurité de la région, au nord comme au sud de la Méditerranée, voire au-delà. Et sur ce point, nul n'ignore que l'Algérie agit via ses services et depuis fort longtemps pour s’imposer comme une puissance régionale, fut-ce en sacrifiant la stabilité et la sécurité dans la région. "Alger veut instaurer une influence sur ses voisins sahélo-sahariens selon des méthodes d’intimidation où elle fait jouer son influence sur certains groupes terroristes", certifie un observateur dans une déclaration à le360.

Alger prétend combattre le terrorisme et en même temps, elle est bienveillante avec certaines factions terroristes qui agissent particulièrement dans le nord du Mali. Un double jeu qui est un secret de polichinelle tant il a été dénoncé par les instituts d'études géostratégiques mais que les politiques, de part et d'autre de la Méditerranée, n’ont pas nommé ouvertement jusqu'à l'arrivée du nouveau président français Emmanuel Macron. Le nouveau maître de l'Elysée a en effet annoncé, le 19 mai dernier, avoir eu un entretien téléphonique avec son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, pour «lui faire part (...) de mon souhait de pouvoir en parler avec l'Algérie de manière franche». Le chef de l'Etat français a effectué cet échange téléphonique à la veille de sa première visite en tant que chef d'Etat-Major général des armées françaises sur une base militaire française à Gao, au nord du Mali, QG des différents groupes terroristes dont les chefs sont activement recherchés, mais qui continuent de circuler librement et impunément, forts du soutien des services algériens.

Les connexions des services algériens avec le chef du groupe terroriste "Ansar Eddine", Iyad Ag Ghali, ne sont pas à démontrer, pas plus d'ailleurs qu'avec Mokhtar Belmokhtar, alias "Al Awar" (Le borgne), ou encore "Mister Marlboro", qui était un fidèle habitué du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), dissous en 2016 par le président Bouteflika pour être remplacé par le Département de surveillance et de sécurité (DSS). «Rien ne me permettait de confirmer le soutien présumé d’Alger à Iyad Ag-Ghali, chef du mouvement djihadiste malien Ansar Dine», selon des indiscrétions attribuées par des confrères français au président Macron. Le fait même que le président français n’infirme pas l’existence de liens entre le régime algérien et un terroriste notoire est en soi la marque d’une accusation, au demeurant largement partagée par de nombreux pays. 

Le 28 juin, retour à la charge d'Emmanuel Macron qui, dans un nouvel entretien téléphonique avec le président Bouteflika rapporté par l'agence Reuters, en a remis une couche en formulant à l'intention de son interlocuteur des "propositions concrètes" visant à relancer le processus de paix au Mali. Les détails de cet entretien sont tenus secrets, mais tout porte à croire qu’il a partie liée avec la création d’une force conjointe entre les Etats du Sahel, avec le soutien des forces françaises, déjà présentes sur le terrain dans le cadre de l’opération Barkhane.

Une chose est sûre: la France d'Emmanuel Macron voit d'un œil suspicieux le rôle interlope d'Alger dans ce qui se passe dans la région sahélo-saharienne. Et il est clair que Paris n’est pas disposé à garder durablement ses militaires dans l’opération Barkhane qui coûte à l’Etat français 800 millions d’euros par an, alors qu’Alger contrarie ses efforts en soutenant les groupes terroristes contre lesquels les forces françaises sont engagées.

De plus, le double jeu d'Alger agace au-delà des frontières hexagonales comme en témoigne l’éviction d’Alger de la réunion de Séville. Une éviction qui dénote une conscience accrue de la communauté internationale concernant le soutien algérien aux groupes terroristes qui déstabilisent la région sahélo-saharienne. Alger est au demeurant habituée à soutenir des factions armées pour à la fois les éloigner de ses frontières et installer son influence dans les pays où ils s’activent.

Rappelez-vous encore: le 7 mai dernier, le Parlement libyen de Tobrouk, allié du maréchal Khalifa Haftar, dénonçait ouvertement "une ingérence des autorités algériennes dans le conflit libyen". Cette réaction indignée intervenait alors que Abdelkader Messahel, nouveau MAE algérien, alors ministre délégué chargé des Affaires du Maghreb, de l'UA et de la Ligue arabe, venait d'effectuer une visite controversée dans le Sud libyen. "Au moment où l'on combat le terrorisme pour sauvegarder la souveraineté nationale (...), nous avons constaté aujourd’hui l’entrée du ministre algérien des Affaires étrangères et sa tournée dans les villes du Sud libyen sans contrôle ni autorisation, comme s’il s’agissait d’une ville algérienne. Et il s’est entretenu avec des personnalités qui portent toujours de la haine envers les Libyens", ont fustigé en effet les forces du maréchal Haftar.

Plus explicite encore est le président du Collectif des élus du nord du Mali, El Hadj Baba Haïdara quand il a affirmé sans détour dans une interview au correspondant de le360 à Bamako: "Tant que cette saleté restera au Mali, l'Algérie sera en paix". Autrement dit, "les sécuritaires algériens n'auront rien à craindre tant que les terroristes algériens (Ansar Eddine, Aqmi, Mujao d'Adnane Abou Walid al-Sahraoui, ancien soldat du Polisario) se sentiront chez eux dans cette partie du nord Mali".

Autant d’allusions plus ou moins franches au soutien par l’Etat algérien du terrorisme dans le Sahel. Longtemps toléré, le soutien d’Alger aux groupes terroristes n’est plus accepté par la communauté internationale. C’est le sens de la création d’une force de 5.000 hommes par le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. Et c’est le sens aussi de l’absence d’un représentant d’Alger de la réunion à laquelle ont pris part hier les ministres marocain, espagnol et portugais de l’Intérieur, en plus de l’ambassadeur de France en Espagne.

Par Ziad Alami
Le 04/07/2017 à 15h45