Venezuela: trois morts dans des manifestations, nouveaux rassemblements prévus

En trois semaines, huit manifestants ont été tués, et plus de 500 personnes arrêtées selon l'ONG Foro Penal.

En trois semaines, huit manifestants ont été tués, et plus de 500 personnes arrêtées selon l'ONG Foro Penal. . DR

L'opposition vénézuélienne appelle à de nouvelles manifestations contre le président Nicolas Maduro jeudi, au lendemain de vastes rassemblements lors desquels trois personnes ont été tuées et une trentaine arrêtées.

Le 20/04/2017 à 07h21

"Demain à la même heure, nous appelons le peuple vénézuélien tout entier à se mobiliser", a déclaré mercredi en fin de journée le dirigeant de l'opposition Henrique Capriles. Il parlait lors d'une conférence de presse de la Table de l'union démocratique (MUD), la coalition de l'opposition.

En trois semaines, huit manifestants ont été tués, et plus de 500 personnes arrêtées selon l'ONG Foro Penal, dans ce pays qui vit une grave crise politique et économique et où l'opposition, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, veut obtenir le départ anticipé du président socialiste.

Des centaines de milliers d'opposants ont défilé mercredi à Caracas et dans de nombreuses autres villes du Venezuela.

Un adolescent de 17 ans est décédé de ses blessures après avoir été touché à la tête par les tirs d'un groupe d'inconnus à moto qui visaient un rassemblement d'opposants à San Bernardino, dans le nord-ouest de Caracas, a déclaré Amadeo Leiva, directeur de la clinique où il avait été transporté.

Une jeune femme de 23 ans a elle aussi "reçu un tir dans la tête" à San Cristobal, dans l'ouest du Venezuela, a indiqué une source du parquet sous le couvert de l'anonymat. L'ONG Provea a précisé que sa mort était survenue "dans le cadre des manifestations".

D'après des témoins, les auteurs des tirs font partie dans les deux cas des "colectivos", ces groupes de civils armés par le gouvernement selon l'opposition.

Dans la soirée, un des principaux responsables du pouvoir, Diosdado Cabello, a affirmé à la télévision qu'un militaire, membre de la Garde nationale, avait été tué par des manifestants dans la périphérie de Caracas.

"Ils viennent d'assassiner un garde national à San Antonio de los Altos, les +pacifiques+", a déclaré à la télévision M. Cabello. Le parquet a confirmé à l'AFP la mort d'un militaire.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, des troubles sporadiques se poursuivaient dans certains quartiers de Caracas et d'autres villes.

Pendant la journée, dans un climat extrêmement tendu, les accès de la capitale ont été bloqués par un important déploiement policier et militaire, qui repoussait avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc les manifestants, lesquels répliquaient avec des pierres et des cocktails Molotov.

"Il faut sortir de cette dictature. Nous sommes fatigués, nous voulons des élections pour que Maduro s'en aille du pouvoir, car il a détruit le pays", a déclaré une manifestante, Ingrid Chacon, secrétaire de 54 ans brandissant le drapeau jaune, bleu et rouge du Venezuela.

Dans la capitale et parfois à quelques mètres seulement de leurs adversaires, les chavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) manifestaient en faveur du chef de l'Etat, certains brûlant des drapeaux américains en signe de colère. De nombreux commerces et stations de métro de Caracas étaient fermés.

M. Maduro a activé depuis mardi un plan de défense renforçant la présence policière et militaire. Mercredi, il a annoncé l'arrestation de 30 personnes, accusées de vouloir provoquer des violence lors des manifestations, ajoutant être, grâce à son plan de défense, "en train de démanteler le coup d'Etat terroriste" fomenté selon lui par les Etats-Unis.

Washington a rejeté ces accusations "infondées et déraisonnables" par la voix de son représentant intérimaire à l'Organisation des Etats américains (OEA), Kevin Sullivan.

"Nous sommes préoccupés par le fait que le gouvernement de Maduro viole sa propre Constitution et n'autorise pas l'opposition à faire entendre sa voix", a déclaré le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson.

La pression internationale sur le pouvoir de M. Maduro s'est accrue ces derniers jours. Onze pays latino-américains ont demandé lundi à Caracas de "garantir" le droit de protester pacifiquement. Caracas a rejeté ces appels.

La vague de manifestations a débuté le 1er avril quand la Cour suprême s'est arrogé les prérogatives du Parlement, déclenchant un tollé diplomatique qui l'a poussée à revenir en arrière 48 heures plus tard.

L'opposition a dénoncé une tentative de coup d'Etat, mais cet épisode lui a aussi donné un nouveau souffle. "L'opposition est plus unie que jamais", estime l'analyste Luis Vicente Leon.

"Cette manifestation mettra en évidence la force de mobilisation de l'opposition et les coûts que cela peut potentiellement générer pour le gouvernement s'il continue d'éviter des élections à court terme", déclare aussi le politologue John Magdaleno.

Toute échéance électorale est risquée pour Nicolas Maduro, dont sept Vénézuéliens sur 10 souhaitent le départ. Il a pourtant assuré mercredi souhaiter des élections "bientôt", pour "gagner définitivement" la bataille.

Le 20/04/2017 à 07h21