16 Mai: comment le Maroc a pu se prémunir contre la barbarie terroriste

Brahim Taougar - Le360

Ce 16 mai 2016 marque le 13ème anniversaire des ignobles attentats terroristes qui ont secoué Casablanca, 41 morts tragiques, mais aussi l'enclenchement d'un sursaut national incarné par une mobilisation tout azimut et inlassable pour combattre la barbarie. Eclairage.

Le 16/05/2016 à 13h18

Le 16 mai 2003, à la nuit tombante, cinq attentats synchronisés secouent la capitale économique du Maroc, Casablanca. L’information se répand comme un feu de pré, à la faveur d’une stupéfaction générale. En effet, c’est la première fois que le Maroc fait face à des attentats-suicide. Choc, panique, puis, un formidable sursaut patriotique qui n’avait de limites que les frontières du royaume. «Non à la barbarie», scandent à l'envi les Marocains, sortis spontanément dans les rues pour exprimer leur colère contre les marchands des ténèbres, les architectes du «grand soir», les artisans du chaos, les fossoyeurs de l’espérance, les ennemis de l’humanité.

«Le processus de «kabolisation» ne passera pas par le Maroc», déclame alors un éditorialiste de la place, en référence à la poussée inquiétante d’Al-Qaïda à travers la région du Moyen-Orient, et en Algérie, devenue la base-arrière maghrébine pour les terroristes d’Oussama Ben Laden (Al Qaïda au Maghreb islamique).

13 ans plus tard, et aussi loin que puissent remonter nos souvenirs, la blessure reste vivace. Et notre pensée va aux familles éplorées des 41 victimes, dont des veuves inconsolables et des enfants, orphelins d’une barbarie qui ne dit pas son nom.

Mais à toute chose malheur est bon, est-on tenté d’écrire. Les victimes pourront dormir tranquilles dans leurs tombes. Les attaques ignominieuses du 16 mai ont suscité une prise de conscience salutaire chez les Marocains, en aval comme en amont.

Une prise de conscience traduite, en amont, par la mise en place d’une stratégie antiterroriste qui passe aujourd’hui pour un modèle à suivre par le monde entier. L’idée maîtresse de cette stratégie, déclinée sur le front sécuritaire, religieux et social, tient en dix lettres : PREVENTION.

Sécuritaire: anticipation et dissuasionLa riposte aux attentats terroristes du 16 mai ne s’est pas fait attendre. Et elle va au-delà de la simple réactivité, traduite par l’arrestation de ceux qui ont une responsabilité, directe ou morale (les idéologues de la Salafyia jihadia). Les autorités marocaines ont vite compris que le meilleur moyen de combattre le fléau terroriste passe par la mise en place d’une approche préventive. Mieux vaut prévenir que guérir. Les services de la DGST (contre-espionnage marocain) et de la DGSN ont depuis joué un rôle central dans la mise hors d’état de nuire des terroristes. Le chiffre est très éloquent. Plus de 132 cellules terroristes ont jusqu’ici été neutralisées grâce au travail inlassable mené par les services du patron du pôle DGST-DGSN, Abdellatif Hammouchi.

Un résultat d’autant plus probant et encourageant que les services nationaux sont aujourd’hui sollicités par des pays pourtant dotés de moyens ultrasophistiqués en matière de renseignement, tels que les Etats-Unis, la Russie, la France, l’Allemagne, pour ne pas parler de l’Espagne, ou encore la Belgique. Rappelez-vous : pas plus tard que le 13 novembre 2015, la France a été secouée par une vague d’attaques terroristes ayant visé plusieurs endroits de Paris et Saint-Denis. Le commando, à l’origine de ce carnage et dont le chef n’était autre qu’Abdelhamid Abaaoud, un suppôt du calife autoproclamé de «l’Etat islamique», Abou Bakr Al-Baghdadi, aurait pu récidiver de la manière la plus horrible n’eût été l’intervention des services d’Abdellatif Hammouchi, à l’origine de la localisation du commando alors retranché dans un appartement à Saint-Denis. Une «assistance efficace», s’est félicité le président François Hollande, dans un message au roi Mohammed VI, au lendemain de la neutralisation du commando le 18 novembre 2015.

A la pointe du combat contre les idées extrémistesParallèlement à l’action sécuritaire menée inlassablement par les services compétents, basée sur le travail d’anticipation et de prévention, le royaume a lancé, dès 2006, un programme national ambitieux visant à former une «armée» de mourchidines et de morchidates pour éduquer aux valeurs d’un Islam modéré et tolérant. Ce programme, initié par le ministère des Habous et des Affaires islamiques, sous la conduite éclairée du roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, a permis, via un travail de maillage à travers les quatre coins du royaume, de mettre en échec l’extrémisme violent, y compris et surtout celui distillé, via les réseaux sociaux, par Daech, acronyme arabe du soi-disant «Etat islamique», dont la naissance remonte à l’été 2014.

Une initiative qui a jusqu’ici fait d’excellentes preuves dans la lutte contre l’extrémisme violent, promouvant les vraies valeurs de l’Islam, celui de la coexistence et du vivre-ensemble. La création, en 2015, de l’Institut Mohammed VI de formation des imams se veut la consécration d’un effort préventif qui passe aujourd’hui pour un exemple à l’échelle du monde entier. France, Belgique, Grande-Bretagne, Allemagne, entre autres pays européens, sans compter les Etats africains, y envoient des délégations à l’Institut Mohammed VI pour l’acquisition d’une formation aux véritables préceptes de l’Islam et, du coup, se prémunir contre les idées extrémistes, dont le terrorisme est l’aboutissement.

La pauvreté fait le lit de l’extrémismeRécapitulons: travail sécuritaire d’anticipation et de prévention, affrontement des idées extrémistes par l’éducation aux véritables valeurs de l’Islam… mais aussi une lutte patiente contre les poches de pauvreté, souvent instrumentalisée par les idéologues de la Salafyia pour seriner leurs idées destructrices.

Souvenez-vous: le 18 mai 2005, le Maroc est au rendez-vous avec un acte social fondateur et inédit. Le lancement par le roi Mohammed VI de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Un acte qui dénote une prise de conscience salutaire du danger que constitue la pauvreté, sachant que les auteurs des attentats du 16 mai étaient tous issus des bidonvilles casablancais (Sidi Moumen, en particulier). D’où la mise en place de l’INDH qui a permis, au-delà de son rôle dans l’immunisation des couches défavorisées contre la précarité, de tirer le tapis sous les pieds des VRP de l’idéologie intégriste.

En tout et pour tout, une stratégie transversale qui vaut aujourd'hui au royaume ce statut enviable de modèle à suivre pour contrer l’extrémisme et dissuader toute menace terroriste.

Par Ziad Alami
Le 16/05/2016 à 13h18