Afrique du Sud, des élections à risque pour l’ANC (1/2). La crise politique

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueS’il perdait sa majorité, le Congrès national africain (ANC), le parti de Nelson Mandela, devrait alors constituer une coalition pour rester au pouvoir, ce qui constituerait une nouveauté, l’Afrique du Sud n’ayant jamais connu de cohabitation au niveau national. Cyril Ramaphosa a été désigné comme candidat de l’ANC pour les élections de 2024. Or, sa position est menacée: l’ex-syndicaliste est accusé d’avoir bâti sa colossale fortune par la trahison de ses mandants.

Le 09/04/2024 à 11h58

Les prochaines élections nationales sud-africaines auront lieu le 29 mai 2024 et, selon les sondages, le Congrès national africain (ANC) pourrait perdre la majorité politique pour la première fois depuis 30 ans. L’ANC a en effet remporté toutes les élections nationales depuis 1994, mais son score s’est progressivement effrité au cours des 20 dernières années. Les élections locales de 2021 ont ainsi constitué un tsunami politique, car l’ANC est alors passé sous la barre des 50%. Or, s’il perdait sa majorité, le parti de Nelson Mandela devrait constituer une coalition politique pour rester au pouvoir, ce qui constituerait une nouveauté, l’Afrique du Sud n’ayant jamais connu de cohabitation au niveau national.

Lors des élections générales, les Sud-Africains votent pour un parti et non pour un candidat à la présidence. En fonction de leurs résultats, les partis se voient attribuer des sièges de députés au Parlement, qui en compte 400, puis les députés élisent le président de la République. Lors des élections du mois de mai prochain, les Sud-Africains voteront également pour la composition des assemblées législatives provinciales dans les neuf provinces du pays.

Poussé à la démission en 2018, sur fond de scandales de corruption, l’ancien président sud-africain, le Zoulou Jacob Zuma, a fait son grand retour en politique. À la veille des élections prévues le 29 mai, il a ainsi annoncé qu’il ferait campagne contre l’ANC, son ancien parti, derrière l’Umkhonto we Sizwe (MK), du nom de la branche armée de l’ANC durant les années de lutte contre le régime ségrégationniste.

En réaction, l’ANC a fait interdire à ce nouveau venu de participer au scrutin. Comme les partisans de Jacob Zuma ont annoncé qu’ils allaient semer le chaos dans le pays, allons-nous donc vers une répétition des émeutes de 2021, qui avaient fait plus de 300 morts et qui avaient été provoquées par l’incarcération de l’ancien président, condamné à quinze mois de prison pour avoir refusé de témoigner devant une commission d’enquête?

De son côté, en dépit d’une véritable faillite économique et sociale, Cyril Ramaphosa, président de la République depuis février 2018, a été désigné fin 2022 comme candidat de l’ANC pour les élections de 2024. Or, sa position est menacée. L’ex-syndicaliste est en effet accusé d’avoir bâti sa colossale fortune par la trahison de ses mandants. Siégeant dans les conseils d’administration des sociétés minières blanches, au sein desquels il fut coopté en raison de son «expertise» syndicale, il fut en effet adoubé en échange de son aide contre les revendications des mineurs noirs dont il fut le représentant avant 1994! Cela a fait dire au leader révolutionnaire Julius Malema qu’«en Afrique du Sud, la situation est pire que sous l’apartheid (et que) la seule chose qui a changé, c’est qu’un gouvernement blanc a été remplacé par un gouvernement de Noirs». Avec une différence cependant: avant 1994, l’électricité fonctionnait, les pénuries d’eau étaient inconnues et la police faisait son travail…

Mis en cause dans une possible affaire de blanchiment de capitaux, le président Ramaphosa est également soupçonné d’avoir dissimulé plusieurs millions de dollars US et d’avoir «trempé» dans plusieurs affaires de prise illégale d’intérêt.

Cyril Ramaphosa s’est attiré la haine des Zoulous (20% de la population totale du pays). Ces derniers n’ont en effet pas oublié comment, alors qu’il était vice-président, il évinça le président Jacob Zuma, lequel avait d’ailleurs fait de même avec le Xhosa Thabo Mbeki en 2008… Les Zoulous n’ont toujours pas accepté cette éviction suivie de poursuites judiciaires, puis d’une grande humiliation avec la condamnation de Jacob Zuma à de la prison.

Par Bernard Lugan
Le 09/04/2024 à 11h58