Agriculture, urbanisme, environnement: ce à quoi les satellites Mohammed VI A & B vont (aussi) servir

Lors du lancement du satellite Mohammed VI-B.

Lors du lancement du satellite Mohammed VI-B. . DR

En dehors de leur rôle militaire, majeur dans la surveillance du territoire national et des mouvements des forces ennemies (celles du Polisario), les satellites Mohammed VI A & B, tous deux désormais en orbite, ont également des usages civils stratégiques. Présentation.

Le 22/11/2018 à 12h28

Après le satellite Mohammed VI-A lancé le 8 novembre 2017, Mohammed VI-B, le deuxième exemplaire du programme spatial marocain, a été mis en orbite le 20 novembre dernier par Arianespace, à bord du lanceur léger Vega, à partir de la base de Kourou, en Guyane française.

Techniquement, le système Mohammed VI A & B sera installé sur la même orbite à 700 kilomètres du sol. Ce duo permettra d’assurer une couverture plus rapide des zones d’intérêt et de fournir plus de 500 images par jour en haute résolution sur des superficies plus réduites.

Pour l'histoire, le programme Mohammed VI A & B, décidé par le roi Mohammed VI en 2013, est mis en oeuvre par le consortium Thales Alenia Space en tant que mandataire, et Airbus en co-maîtrise d’œuvre. Cette technologie spatiale fait du Royaume du Maroc le premier pays sur le continent africain à se doter d’une constellation de satellites.

En dehors de son rôle de surveillance du territoire contre tout mouvement ennemi, ce programme servira aussi à appuyer les actions de secteurs clés du pays. Voici, dans les détails, ses principales utilisations.

Agriculture:- L’identification des cultures: la programme spatial marocain permet désormais d'identifier précisément les cultures et de prévoir les rendements potentiels et, par conséquent, d'améliorer la prévision des budgets en estimant les recettes des exportations et les dépenses relatives aux importations.

- Une cartographie des cultures irriguées: il est possible désormais d’identifier avec exactitude les espaces irrigués dans le royaume, en vue de réaliser un suivi de la consommation d’eau par bassin et par type de culture.

- Des informations précises sur l’étendue des terres arables: les images fournies par la télédétection permettent d’établir d’une façon précise l’étendue des terres arables, et d'optimiser ainsi des terres au profit des petits agriculteurs.

- Des rendements quantifiables: grâce à l’utilisation de modèles complexes, il est possible de combiner les informations recueillies par télédétection avec des données météorologiques, afin d’estimer à l'avance les rendements des cultures.

- Une agriculture de précision: contrairement à l’agriculture traditionnelle (qui se caractérise par une application uniforme de l’irrigation, des engrais et des pesticides), l’agriculture de précision repose sur un ciblage précis des zones agricoles à traiter. En combinant la télédétection à des capteurs GPS installés sur les grandes exploitations agricoles, l’agriculteur peut bénéficier d’informations précises sur des zones particulières à traiter. En prime, des économies d’eau et une application parcimonieuse des pesticides.

Urbanisme:- Maîtrise du territoire: les images de haute résolution fournies sont une mine d’informations mises à disposition des architectes, urbanistes et décideurs qui s’occupent de la gestion des espaces urbains. La télédétection permet d’avoir une vision complète et homogène de la totalité du tissu urbain (degré d’occupation des sols, développement spatial des villes, aux dépens des espaces agricoles ou forestiers, impact des réseaux routiers sur l’environnement, etc.).

- De l'habitat insalubre: une des autres applications possibles de la télédétection consiste au suivi de l’évolution de l’habitat insalubre. Le Maroc a lancé, entre 2005 et 2011, le programme "Villes sans Bidonvilles". Les images fournies par le duo d’engins marocain permettront d’évaluer les résultats de cette politique publique et de surveiller la propagation de l’habitat insalubre.

Environnement:- Catastrophes naturelles: le Maroc a connu, à partir des années 2000, plusieurs catastrophes naturelles: le tremblement de terre de 2004 à Al Hoceima, ainsi que plusieurs inondations et pluies torrentielles qui ont dévasté différentes régions entre 2000 et 2013 (notamment dans les plaines du Gharb, à Tanger et dans d’autres contrées, comme cela s’est produit à Guelmim en 2014). La menace est donc bien présente, et le programme marocain permet de fournir des informations spatiales pré, pendant et post-crise. L'imagerie satellitaire s'avère par exemple inéluctable pour cartographier avec précision l'étendue des zones inondées et, par conséquent, de délimiter celles à risques ou sinistrées en période de crise.

- Désertification: les données recueillies par les satellites sous forme d’images permettent d’alimenter les modèles de prévision à court, moyen et long terme, de suivre les précipitations, de surveiller et d’alerter sur les risques de sécheresses. Elles permettent d’observer les formations sableuses des régions sèches, de les cartographier, d’identifier les tempêtes de sable et de mesurer leur étendue. La télédétection permet également de cartographier l’évapotranspiration, de calculer la consommation d’eau précise à un instant donné dans une zone déterminée et de repérer les ressources en eaux souterraines profondes. La télédétection cartographie la végétation verte de façon régulière, détecte les anomalies par rapport aux situations moyennes et permet, par là, de mettre en place des systèmes d’alertes précoces des sécheresses.

- Biodiversité: grâce à leur haute résolution et leur très grande fréquence, les données satellitaires permettent de réaliser des inventaires forestiers et évaluer les ressources pastorales, de planifier les programmes de développement forestier et de gérer et contrôler les activités forestières. Elles permettent également de cartographier les systèmes sensibles et suivre leurs évolutions (zones humides, sites d'intérêts biologiques, aires protégées), de gérer les risques et les dégradations du couvert forestier (feux de forêts, dépérissements) et de produire des indicateurs et le reporting dans le cadre des conventions internationales (biodiversité, changement climatique, bilan carbone).

- Océanographie et zones côtières: l'observation par satellite permet aussi une nouvelle appréhension, tant spatiale que temporelle, des phénomènes marins en plus des indicateurs sur la pollution marine, notamment par les hydrocarbures. Les images satellitaires sont exploitées pour, d’une part, répondre aux besoins d’une gestion rationnelle des secteurs marin, halieutique et côtier nationaux, et, d’autre part, valoriser les ressources halieutiques et leur évolution spatio-temporelle via le suivi d'indicateurs décrivant les conditions du milieu et la sélection et la gestion des sites aquacoles, ou encore la gestion intégrée des zones côtières.

- L'eau: la télédétection contribue à une meilleure connaissance globale et locale de la distribution de cette ressource. Elle permet de dresser des inventaires et surtout de gérer les ressources en eau, en fonction des disponibilités et des besoins d'informations exprimés par une multitude d’acteurs (les responsables de l'hydrologie, de l'agriculture, de l'urbanisation et de l'industrie, de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de la planification régionale). De plus, elle permet de réaliser des études sur la prospection des eaux souterraines en zones arides afin d’identifier et de positionner les sites de forages profonds répondant aux besoins de prospection des eaux souterraines dans ces zones.

Par Tarik Qattab
Le 22/11/2018 à 12h28