Benkirane ou le populisme sur un oreiller d'or

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Revue de presseKiosque360. Abdelilah Benkirane a donné une conférence de presse restreinte où il a annoncé son retour sur la scène politique. L’homme n’a pas dérogé au prêche de l’intox, du chantage et du populisme jusqu’à déterrer un mort et jeter des doutes sur les causes de son décès.

Le 03/02/2019 à 22h26

Abdelilah Benkirane a recommencé à pratiquer son hobby préféré en recevant, le week-end dernier, plusieurs journalistes triés sur le volet… de ses affinités. Une façon pour l’ex-chef du gouvernement de rendre la pareille aux autres medias qui, selon lui, véhiculent des rumeurs et des mensonges sur ses villas et ses autres biens.

L’homme qui ne cesse de verser dans l’auto-victimisation, se plaint d’avoir été, à maintes reprises, pris à partie par des gens quand il était à la tête du gouvernement: «J’étais souvent attaqué et encerclé mais curieusement, aucune personne de celles qui m’ont agressé verbalement n’a été inquiétée par la justice. L’ex-ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, m’avait dit que le roi avait demandé à ce qu’on mobilise huit policiers pour sécuriser ma maison». Sauf que son chauffeur, Farid Titi, évoque une quarantaine de gardes du corps affectés à un chef de l’Exécutif qui prétend ne rien craindre et qui se vante de son énorme popularité. Et Benkirane de fanfaronner comme à son habitude: «Si mes adversaires politiques avaient un brin de courage, ils auraient avoué que c’étaient eux qui envoyaient quelques contestataires devant chez moi. J’étais souvent attaqué et parfois l’un d’entre eux montait sur ma voiture en essayant de la vandaliser. Il était souvent filmé mais personne n’a daigné l’interpeller et le poursuivre en justice».

Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, rapporte dans son édition du lundi 4 février, que Benkirane a affirmé que le roi suivait constamment la situation de sa sécurité personnelle. L’Etat, a-t-il ajouté, a affecté quarante policiers devant ma maison pour ma sécurité mais, poursuit-il: «Quand j’ai quitté la présidence du gouvernement, j’ai demandé à ce que l’on réduise ce dispositif en remerciant le roi et en priant pour lui».

Devant le parterre de journalistes, bénis par lui, Benkirane n’a pas hésité à rappeler le volume des décisions (impopulaires) qu’il a prises, y compris celle relative à la répression des contestataires dans les rues. Bien plus, il a indiqué qu’il avait demandé à l’ex-ministre de la Justice d’interpeller ceux qui protestaient dans les tribunaux. Mais, a-t-il enchainé, Mustapha Ramid a refusé en se prenant pour la «passerelle nécessaire pour la paix sociale imposée par la force».

Mais l’homme qui a incarné à la fois le rôle du retraité et celui du politique actif s’est perdu en conjectures devant un auditoire à la fois médusé et émerveillé par ses boutades. Benkirane a indiqué qu’il a décidé de revenir à la vie politique deux ans après avoir été démis de sa fonction de chef du gouvernement en expliquant ce come-back par «certaines remarques sur le type d’encadrement des citoyens et la prolifération des menteurs».

En réalité, ce sont les critiques qui ont accueilli le fait d’avoir bénéficié d’une retraite exceptionnelle consistante qui justifie son soi-disant retour à la politique. Il a d’ailleurs trouvé beaucoup de difficultés à se convaincre lui-même. Ce qui est frappant dans son programme, c’est qu’il prétend défendre une institution qui n’a cure de ses offres de service. Il n’a pas encore compris que son statut actuel l’oblige à respecter le devoir de réserve qui le sert en premier lieu avant de servir ceux qu’il essaye d’impliquer lors de ses sorties inconsidérées. 

Après l’auto-victimisation, Benkirane se perd dans ses contradictions: «Ma décision de retourner à la vie politique est en fait une réponse à une question qu’on m’a posée sur mon souhait de retrouver mon poste de secrétaire général du PJD.» Et de poursuivre par ce qu’il considère comme du suspense: «Je ne vais pas décourager les gens dès maintenant… Mais laissez-moi tranquille. Je n’aspire ni à redevenir président d’un mouvement, ni d’un syndicat, ni du SG d’un parti, ni fonctionnaire».

Quant à son départ du gouvernement, Benkirane estime qu’il était mû par un «devoir» en précisant que le Maroc «se distingue par le renouvellement de ses cadres au bon moment pour l’intérêt de la nation et celui de Sa Majesté le roi». Et comme l’ex-chef du gouvernement dit une chose et son contraire, il a trouvé une autre justification à son retour sur la scène politique en affirmant: «J’ai pris cette décision quand j’ai constaté que les citoyens sont mal encadrés politiquement. Malheureusement, ils ont un maestro qui ne comprend pas parfaitement la politique».

Benkirane a trouvé une énième raison de retrouver sa place sur la scène politique. Il a, dit-il, gardé le silence pendant deux ans pour s’assurer que rien ne fera tomber le gouvernement. Maintenant qu’il n’est plus inquiet sur son sort, il a décidé de parler en affirmant: «Je vais parler et je vais dénoncer ceux qui encadrent la société avec les mensonges. Le peuple doit appréhender ce qu’ils disent et ignorer leurs bonnes paroles sans suite».

Finalement, le but de cette conférence de presse a été révélé quand Benkirane a évoqué ce qu’il a enduré après avoir bénéficié d’une retraite exceptionnelle. Il s’en est pris à ceux qui l’ont critiqué et a affirmé qu’il avait été victime d’une campagne médiatique farouche et mensongère de la part de certains organes de presse, dont quatre journaux. Il a, par la suite, tiré à boulets rouges sur l’avocat Mohamed El Hini et le militant amazigh, Ahmed Assid, et les a invités chez lui pour s’assurer de la véracité du montant de sa retraite exceptionnelle.

Après avoir inondé son auditoire de ses interminables dérapages, il a enfoncé le clou en déterrant un mort et verser dans un chantage cynique. Pour la première fois, en effet, Benkirane jette le doute sur la cause de la mort accidentelle de son ami et ex-ministre d’Etat, Abdallah Baha, qui a été heurté par un train en affirmant: «C’est une mort politique. Les doutes t’accompagneront jusqu’à ce que tu retrouves le bon dieu. Mais les choses officielles ont été dites. Un point c’est tout». Et comme pour souffler le chaud et le froid, il ajoute: «Jusqu’à maintenant, je demeure surpris par la cause de la mort de Baha et je ne sais pas comment j’ai vécu après sa disparition».

Et d’enchainer en évoquant ce qui a été dit après que Salaheddine Mezouar a pris la place de Baha au conseil de gouvernement: «Certains ont dit que c’est le Makhzen qui a demandé à Mezouar de s’asseoir à la place de Baha. C’est faux, car quand j’ai découvert que sa chaise était vide, j’ai dit aux membres du gouvernement: «Est-ce que vous voulez que nous nous réunissions avec les morts? J’ai demandé alors à Mezouar de prendre la place du défunt mais il n’a pas voulu. En fait, il n’a pas osé non par peur de la mort mais par respect. Finalement, il a accepté et il s’est assis là où je lui demandé». En évoquant l’ex-ministre des Affaires étrangères, Benkirane a affirmé: «Malgré nos divergences, il me respectait». Et de conclure, un peu dépité, qu’il ne peut rien faire quand il n’a pas le choix.

Par Hassan Benadad
Le 03/02/2019 à 22h26