Carburants: Daoudi, le nouveau "courtier" des géants de la distribution?

Le360

Revue de presseKiosque360. Lors d’une séance de questions orales à la Chambre des représentants, l’opposition et le gouvernement ont affûté leurs armes pour s’entredéchirer sur les prix des carburants. Le député PAMiste Hicham Al Mouhajiri et le ministre Lahcen Daoudi ont été les hérauts de ces passes d’armes.

Le 04/12/2018 à 21h29

Le ministre délégué chargé des Affaires générales et de la gouvernance, Lahcen Daoudi, a subi la foudre des députés à cause de son refus de plafonner les prix des carburants, comme le préconisait la commission parlementaire. Au cours de la séance des questions orales, tenue par la Chambre des représentants lundi 3 décembre, la tension est montée d’un cran entre le ministre et le député du PAM, Hicham Al Mouhajiri. Ce dernier a accusé le gouvernement de s’être allié avec les sociétés de carburants et a qualifié Daoudi de «courtier». Il s’est adressé au ministre en lui disant: «Vous êtes un parti ( PJD) qui a trahi les Marocains alors que le Parlement (majorité et opposition) qui vous a accordé sa confiance, en tant que gouvernement, vous a demandé de plafonner les prix des carburants. Mais vous avez refusé et vous avez pris des décisions en faveur des compagnies pétrolières». Et le député d'ajouter: «Vous avez méprisé les citoyens et le Parlement. Est-ce que vous voulez que les Marocains protestent comme le font les Français parce que les prix des produits alimentaires et des carburants ont atteint des niveaux record?»

Le quotidien Al Akhbar rapporte, dans son édition du mercredi 5 décembre, que Hicham Al Mouhajiri s’en est pris personnellement au ministre Daoudi en lui lançant: «Etes-vous un ministre de la gouvernance ou de l’intermédiation? Etes-vous ministre ou courtier? Votre devoir est de fixer les prix et de les plafonner, et non pas de négocier avec les sociétés de carburants». Et le député de tacler le ministre et la majorité: «Vous vous réunissez en conseil d’administration chaque jour et non pas en conseil de gouvernement».

La réaction des députés du PJD ne s'est pas fait attendre. Ils se sont, en effet, élevés contre les propos «blessants» d'Al Mouhajiri. Ils lui en ont notamment voulu d’avoir employé le mot de «courtier», qu’ils considèrent comme une humiliation pour le ministre, et l’ont sommé de le retirer. Leur contradicteur a repris la parole dans le cadre d’un point d’ordre: «Le mot courtier n’est pas une insulte. Je l’ai employé pour expliquer que le ministre avait joué un rôle d’intermédiaire et non pas pour l’insulter».

Une explication qui n’a pas convaincu Lahcen Daoudi qui a répliqué en l’attaquant à son tour: «Vos propos ne sont pas dignes d’un député qui prend la parole dans une enceinte comme le Parlement. Les Marocains ne feront plus confiance au parti de l’Authenticité et de la Modernité. En tout cas, pour ma part, je n’ai pas versé d’argent pour arriver au Parlement, comme le font beaucoup de députés». Et le ministre d’enchainer: «Celui qui ne dispose pas de données fiables doit se taire». Daoudi va même jusqu’à affirmer qu’il n’utilise pas, actuellement, l’option du plafonnement parce que elle n’est pas «dans son intérêt politiquement». Il souligne que la loi de la concurrence lui donne le droit d’intervenir, deux fois par semestre, pour décider du plafonnement des prix.

Le ministre avait, auparavant, tenu une réunion avec une délégation du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM), au cours de laquelle il a été décidé de réduire les prix des carburants de 60 centimes par litre à partir de samedi prochain. Une décision qui intervient suite à la réduction du prix du baril (moins de 60 dollars) sur les marchés internationaux. Le président du GPM, Adil Zyadi, affirme que la délégation a exprimé au ministre son refus de voir sa corporation faire l’objet de surenchères politiques. Zyadi fait ici allusion à la dernière déclaration de Daoudi devant la Chambre des conseillers, déclaration dans laquelle il a menacé les sociétés de plafonner les prix du carburant. Le président du GPM a rappelé que le secteur des carburants avait été libéralisé, comme l’ont été les autres produits de consommation. Du coup, précise Zyadi, les prix augmentent et baissent selon les fluctuations des marchés mondiaux. Tout en s’interrogeant sur «les raisons qui poussent les gens à se concentrer sur le seul carburant», Zyadi indique que les sociétés ont décidé de réduire les prix des carburants de 60 centimes par litre en ce début du mois de décembre. D’ailleurs précise le président du CPM, «au cours du mois de novembre, les sociétés de carburants ont réduit les prix à trois reprises, ce qui a permis aux consommateurs d’économiser environ un dirham par litre».

Le quotidien Assabah, dans son édition du mercredi 5 décembre, traite le même sujet en se focalisant sur les passes d’armes entre le député Hicham Al Mouhajiri et le ministre Daoudi. Outre le mot «courtier» qui a provoqué une levée de bouclier chez les PJDistes, le député du PAM a interpellé Daoudi en lui disant: «Les ministres remplissent leur réservoir gratis et ne ressentent pas ce qu’endurent les automobilistes qui déboursent des sommes conséquentes qui grèvent grandement leur budget». Le ministre a trouvé la parade facilement en rappelant à son contradicteur que le parlementaire bénéficie, lui aussi, de la gratuité du gasoil.

Daoudi a indiqué que les sociétés pétrolières que l’on accuse d’être favorisées par le gouvernement créaient des emplois et participaient au développement de l’économie nationale. Le ministre affirme qu’il a en sa possession des données que le parlementaire PAMiste ne connaît pas. Il conseille à Hicham Al Mouhajiri de réviser ses chiffres car, dit-il, les sociétés de carburants importent «le pétrole raffiné et non pas le pétrole brut». La différence est de taille, conclut Lahcen Daoudi, puisque les coûts d’importation, de stockage et de transport du pétrole raffiné sont plus conséquentes.

Par Hassan Benadad
Le 04/12/2018 à 21h29