Désintox: marche pro-Catalogne à Nador, ou l'autre fake news de Cembrero

Ignacio Cembrero, ancien correspondant d'«El Pais» au Maroc.

Ignacio Cembrero, ancien correspondant d'«El Pais» au Maroc. . DR

Contrairement à la rumeur véhiculée par le «spécialiste du Maroc» Ignacio Cembrero, dans le journal «El Confidencial», aucune demande d’une marche pour l’indépendance de la Catalogne n’a été formulée. De là à être autorisée? Décryptage d’une vraie fake news.

Le 14/02/2018 à 12h16

Il est des sources dont il faut véritablement se méfier. C’est le moins que l'on puisse dire s’agissant de certaines informations sur le Maroc que relaient de prétendus «grands spécialistes» du Royaume en Europe, et en Espagne en particulier. C’est le cas notamment pour l’ancien journaliste d’El Pais, Ignacio Cembrero, devenu pigiste et chroniqueur après avoir été remercié. Faisant feu de tout bois, il ne cesse d’alimenter journaux, sites et réseaux sociaux d’informations pour la plupart négatives et pour le moins approximatives sur le Maroc.

Dernière trouvaille, une permission qui aurait été donnée par les autorités à un certain «Mouvement populaire du Rif», présenté comme étant l’organisation ayant été derrière les événements d’Al Hoceima, de marcher et de manifester de nouveau. Mais cette fois, en faveur de l’indépendance… de la Catalogne. Dans les colonnes d’El Confidencial, l’auteur va plus loin en donnant une date à cette manifestation, le 19 février prochain, et un lieu, le consulat d’Espagne à Nador. «Il s’agit», poursuit-il, «d’un message envoyé par le Maroc aux autorités espagnoles». Sauf que tout cela est archifaux.

Contactées par le360, les autorités locales de Nador démentent formellement ces propos. «Aucune demande de marche ou de manifestation pour la Catalogne n’a été formulée». Et d'ajouter : «Comment peut-on autoriser une manifestation dont n'est pas au courant?», s’étonnent nos sources. «Quand bien même une demande aurait été faite, la réponse ne peut être que négative: la position du Maroc sur la question de la Catalogne étant aussi connue que claire. Le Royaume soutient l’unité de l’Espagne et ne peut que s’inscrire dans la ligne de la défense de la pleine souveraineté du voisin du Nord sur l’ensemble du pays et pour l’intégrité de son territoire», nous rappelle-t-on.

Quelle mouche a donc piqué Ignacio Cembrero pour céder à pareille, et grossière, hypothèse? «Une volonté double: raviver le feu des manifestations à Al Hoceima et sa région, mais aussi lancer les jalons d’une nouvelle polémique entre le Maroc et l’Espagne, en laissant supposer que notre pays joue avec la question catalane pour défendre ses intérêts et forcer la main à son voisin du Nord sur la question du Sahara», nous explique une source bien informée. Audacieux.

Passer en revue le raisonnement emprunté par l’auteur de l’article d’El Confidencial, c’est s’en rendre compte. Admirez: pour répondre favorablement aux doléances des populations du Rif, l’Etat leur demande, en échange, de se mobiliser en faveur de la Catalogne pour faire valoir ses propres intérêts. La récompense ultime ne serait autre que la libération des personnes détenues sur fond des tensions nées à Al Hoceima. C’est digne des meilleurs thrillers hollywoodiens. Sauf que c’est monté de toutes pièces.

Les relations, au beau fixe au demeurant, entre le Maroc et l’Espagne sont trop solides pour être sujettes à des marches et manifestations d’une poignée de personnes. Les questions à la fois du Sahara et de la Catalogne sont bien trop complexes pour faire l’objet de petites manœuvres. D’autant plus que l’affaire du Sahara est entre les mains de l’ONU. Celle de la Catalogne relève d'un dossier espagnolo-espagnol. Ayant officié durant des années comme correspondant au Maroc, avec des accès un peu partout et une certaine connaissance des réalités du terrain, Ignacio Cembrero ne peut l'ignorer. Mais au lieu de capitaliser sur cette «connaissance» des réalités espagnoles et marocaines, il préfère en jouer et se laisse aller à des supputations infondées et des considérations vindicatives. Triste fin de carrière. 

Par Tarik Qattab
Le 14/02/2018 à 12h16