Dialogue social: tirs croisés entre le gouvernement et les syndicats

Abdelkader Zair, secrétaire général adjoint de la CDT.

Abdelkader Zair, secrétaire général adjoint de la CDT. . Brahim Taougar Le360

Revue de presseKiosque360. Le gouvernement et les centrales syndicales ne semblent pas prêts à renouer le dialogue sans heurts. Bien au contraire, les deux parties s’accusent mutuellement et chacune d’elles campe sur ses positions à l'approche de la rentrée sociale et politique.

Le 12/08/2018 à 22h34

La rentrée sociale s’annonce très chaude et la poursuite du dialogue social entre le gouvernement et les syndicats n’augure rien de bon. Depuis le discours du trône, les deux parties n’ont pas cessé de se rejeter, par medias interposés, la responsabilité de l’échec des négociations. Le ton s’est durci davantage après la sortie d’Abdelhak El Arabi, conseiller du chef du gouvernement chargé du dossier social sur le site du PJD. En réponse aux accusations des syndicats, il affirme que le gouvernement n’a jamais été à l’origine de l’interruption du dialogue social. Bien au contraire, ajoute-t-il, ce sont les syndicats qui ont demandé de le suspendre jusqu’au mois de septembre pour que sa reprise coïncide avec la rentrée politique et la présentation du projet de la loi de finances 2019. Et de préciser que c’est sur la base de cette requête syndicale que l’Exécutif a accepté de reporter les négociations jusqu’à la date précitée.

Notre confrère Assabah consacre un dossier au sujet, dans son édition du lundi 13 août, dans lequel il affirme que le gouvernement a ouvert les hostilités avant même la rentrée sociale. Il reprend les propos d’El Arabi publiés sur le site du PJD, qui a déclaré que le gouvernement n’a jamais rompu les négociations et qu’il ne le fera pas dans l’avenir. A preuve, dit-il, lors du dialogue marathonien de mars et d’avril, le désaccord a opposé les syndicats au patronat et non pas le gouvernement aux centrales syndicales.

Et d’en expliquer la cause en affirmant que le patronat considère comme prioritaires certains points relatifs à la législation du travail alors que les syndicats estiment qu’ils sont la ligne rouge à ne pas dépasser. Al Arabi va même plus loin en rendant hommage au nouveau patron de la CGEM, Salaheddine Mezouar, qui, selon lui, a affiché une certaine souplesse dans les négociations. Il a appelé les syndicats à en faire de même, d’autant plus, enchaine-t-il, que le gouvernement a consenti beaucoup d’efforts pour avancer dans le dialogue social en proposant deux offres. Malheureusement, poursuit El Arabi, la position des syndicats n’a pas évolué. Voire, ajoute-t-il, ils ont placé la barre encore plus haut en faisant des revendications dont le coût ne peut être supporté par le budget de l’Etat dans le contexte actuel.

Le quotidien Assabah rappelle que Saad-Eddine El Othmani a voulu ouvrir une brèche dans les négociations en appliquant les propositions gouvernementales sans la signature d’un accord avec les syndicats. Mais ces derniers ont refusé catégoriquement cette solution. Les offres de l’Exécutif concernent notamment l’augmentation du salaire des fonctionnaires qui pourrait atteindre 1700 dirhams et s’engage à augmenter les allocations familiales sur une fourchette qui varie entre 100 et 400 dirhams. Sans oublier que l’Etat a revalorisé le revenu minimum des retraites à raison de 1500 dirhams en faveur de 74 000 bénéficiaires depuis janvier 2018.

Les syndicats ont rejeté les offres du gouvernement qui, selon eux, ne répondent aucunement au minimum réclamé par les travailleurs et l’ensemble des salariés. Ils considèrent que ces allocations sont très modiques et discriminatoires. En contrepartie, ils réclament l’augmentation générale des salaires de 600 au lieu de 300 dirhams, la revalorisation des allocations familiales de 400 dirhams et la révision de l’impôt sur le revenu.

La Confédération démocratique du travail (CDT) a poussé le bouchon encore plus loin en réclamant une refonte radicale de la politique sociale, politique et économique du pays. Voire, la CDT estime que le Maroc ne peut sortir de cette crise aigue qu’à travers la constitution d’un gouvernement transitoire. Lequel doit initier un dialogue national sur les reformes constitutionnelles, élaborer un modèle de développement économique et instaurer une loi régissant le dialogue social. Ce faisant, la centrale syndicale demande la révision de la loi de libéralisation des prix en mettant fin à la multiplication des intermédiaires et des spéculateurs. La CDT demande la hausse du SMIG à 4000 dirhams ainsi que la fixation du montant de la retraite en fonction du salaire minimum dans tous les secteurs.

Le secrétaire général adjoint de la CDT, Abdelkader Zair, qualifie de «jeu» les propos du conseiller du chef du gouvernement, Abdelhak El Arabi. Les syndicats, dit-il, se sont habitués à ces manœuvres qui visent à saborder le dialogue depuis l’arrivée du PJD à la tête du gouvernement. Dans une déclaration accordée à notre confrère Assabah, le dirigeant syndical explique que le dialogue social ne se limite pas à une présence autour d’une table où l’on fixe l’ordre du jour sans que les syndicats ne puissent négocier ce qu’on leur propose. Le dirigeant de la CDT ajoute que les syndicats refusent les tergiversations du gouvernement. C’est pour cela, enchaine-t-il, qu’ils ont demandé la correction de la trajectoire du dialogue social et l’inauguration de véritables négociations à l’instar de celles de 1996.

Par Samir Hilmi
Le 12/08/2018 à 22h34