En 1839, le général Schneider donna son nom à l’Algérie

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniquePolitiquement, dans l’ancienne Régence turque d’Alger, l’ouest reconnaissait l’autorité spirituelle du sultan du Maroc. Ce dernier avait d’ailleurs un représentant, un khalifat, dans la région, l’un d’entre eux fut d’ailleurs le propre père d’Abd el-Kader. Quant à l’est, c’est-à-dire le Constantinois, il était tourné vers Istanbul. Nulle part, la prière n’était dite au nom d’un chef «algérien» car, à l’époque, la «nation algérienne» n’existait pas.

Le 30/04/2024 à 11h00

L’unité algérienne est un legs de la France. Avant la conquête française de 1830, l’on parlait de Maghreb al-Awsat, Maghreb central ou médian puis, à l’époque ottomane, de Régence d’Alger, de Sandjak ou de Odjak de l’Ouest. La période ottomane ne vit pas une évolution vers un État-nation algérien car, à la différence des Karamanli en Libye et des Husseinites en Tunisie, il n’y eut en effet pas d’apparition dans la Régence d’Alger d’une dynastie nationale ou pré-nationale.

Historiquement:

«(…) Depuis que le monde est monde, il n’y a jamais eu d’unité, ni, à plus forte raison, de souveraineté algérienne. Carthaginois, Romains, Vandales, Byzantins, Arabes syriens, Arabes de Cordoue, Turcs, Français, ont tour à tour pénétré le pays sans qu’il y ait eu à aucun moment, sous aucune forme, un État algérien». (Charles de Gaulle, 16 septembre 1959, déclaration à la RTF).

Politiquement, dans l’ancienne Régence turque d’Alger, l’ouest reconnaissait l’autorité spirituelle du sultan du Maroc. Ce dernier avait d’ailleurs un représentant, un khalifat, dans la région, l’un d’entre eux fut d’ailleurs le propre père d’Abd el-Kader. Quant à l’est, c’est-à-dire le Constantinois, il était tourné vers Istanbul. Nulle part, la prière n’était dite au nom d’un chef «algérien» car, à l’époque, la «nation algérienne» n’existait pas.

En 1830, dans une lettre à sa famille, alors lieutenant, le futur général Louis de Lamoricière (1806-1865), évoqua ainsi les diversités algériennes:

«À Oran, ils font (la prière) pour le roi du Maroc; à Constantine, pour le sultan de Constantinople; à Alger, afin de ne pas se compromettre, pour celui qui marche dans la bonne voie».

Implicitement annexée à la France, l’ancienne régence turque fut d’abord administrée selon la Loi du 24 avril 1833 créant les Établissements français d’Afrique, dont la gestion était prévue par Ordonnances royales. C’était en réalité une colonie militaire dont le régime fut défini par l’Ordonnance du 22 juillet 1834. Rattachée au ministère de la Guerre, cette colonie était alors dirigée par un Gouverneur général. Ce fut cette ordonnance qui fit de l’ancienne régence ottomane une possession française, avec pour résultat que tous les habitants du territoire étaient devenus des sujets français.

Ce fut quelques années plus tard, en 1839, que le territoire conquis par la France sur les Ottomans reçut le nom d’Algérie. Son parrain était le général Antoine Virgile Schneider (1779-1847), alors ministre de la Guerre dans le deuxième gouvernement Soult qui, le 14 octobre 1839, dans une instruction au maréchal Sylvain-Charles Valée (1773-1846) gouverneur général de l’Algérie écrivit:

«Jusqu’à ce jour, le territoire que nous occupons dans le nord de l’Afrique a été désigné dans les communications officielles soit sous le nom de Possessions françaises dans le nord de l’Afrique, soit sous celui d’Ancienne régence d’Alger, soit enfin sous celui d’Algérie. Cette dernière dénomination plus courte, plus simple et en même temps plus précise que toutes les autres (…) a semblé dorénavant prévaloir (…) je vous invite en conséquence (…) à substituer le mot Algérie aux dénominations précédentes».

Par la conquête, la France rassembla ensuite les régions qui allaient former l’Algérie française. Elle s’employa à les désenclaver à travers une ambitieuse politique de création de voies de communication. D’abord des pistes, puis des ports et des voies ferrées. Enfin, elle lui donna ses frontières qui, à l’Ouest, furent tracées par l’amputation territoriale du Maroc (Touat, Tidikelt, Gourara, Tindouf, Colomb Béchar, etc.) et qui, au Sud, ouvrirent l’Algérie sur un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé.

Par Bernard Lugan
Le 30/04/2024 à 11h00