Frontières avec Melilla, affaire Adib... Ou quand Ignacio Cembrero plonge dans la fiction

Ignacio Cembrero, ancien correspondant d'«El Pais» au Maroc.

Ignacio Cembrero, ancien correspondant d'«El Pais» au Maroc. . DR

Après avoir dégringolé du prestigieux El Pais à un très confidentiel média électronique, Ignacio Cembrero voit en la "fermeture de la frontière de Melilla", une provocation marocaine à "sanctionner", et en l'affaire Adib, une crise avec la France. Confond-t-il désormais journalisme et fiction?

Le 11/09/2018 à 18h00

On savait Ignacio Cembrero, ancien correspondant du quotidien à grand tirage El Pais, dépité par son débarquement de ce prestigieux support, sa carrière étant désormais derrière lui. On sait qu'il doit se contenter auourd'hui de collaborations avec des titres bien moins en vue, où son talent notoirement connu d'exagérateur professionnel est mis à contribution. Mais le journaliste vient de franchir un nouveau palier dans un genre inédit: prendre ses désirs pour des réalités et substituer la fiction aux faits avérés.

Comment? En se basant, dernièrement, sur des faits d'actualité somme toute ordinaires, dans le but d'inciter, d'une part, son pays à entrer en guerre diplomatique avec le Maroc, et en évoquant, d'autre part, une crise profonde entre le Royaume et la France... Voilà ce que cette ancienne gloire de la presse ibérique propose aujourd'hui comme thèses dans ses derniers écrits sur le bien-nommé El Confidencial. En somme, deux thèses tout aussi tirées par les cheveux et loufoques l'une que l'autre.

Admirons donc: le 7 septembre dernier, Ignacio Cembrero nous a gratifié d'un long écrit (parler d'article de presse reviendrait à insulter la profession) dans lequel il a défendu mordicus la thèse du complot marocain contre les intérêts de l'Espagne. Il s'agit, dans ce cas précis, de la décision souveraine du Maroc d'interdire l'accès depuis Melilla des marchandises chargées à bord de porte-conteneurs. Objectif: développer l’activité commerciale du port de Nador et promouvoir l’investissement dans la région de l’Oriental. La mesure a été décidée le 1er août dernier, pour des considérations purement économiques. 

Cembrero y voit, quant à lui, une fermeture des frontières et un acte unilatéral décidé "au plus haut niveau du pouvoir" au Maroc, dont l'objectif ne serait autre que d'asphyxier la ville, avec, en prime, des "faillites" et des "licenciements" dans les entreprises exportatrices de Melilla. Il va même jusqu'à qualifier cette mesure de "second Perejil", en référence à cette crise née entre le Maroc et l'Espagne en 2002 autour de l'îlot Leila. En lieu et place de sa mission, celle de relater des faits, l'auteur se mue en lobbyiste qui milite pour une réaction "forte" des autorités espagnoles, les accusant à leur tour de silence coupable, et glorifiant, au passage, la politique belliciste menée par le gouvernement de José Maria Aznar ainsi que l'intervention militaire de son pays lors du conflit sur l'îlot Leila.

Autre exemple particulièrement fumeux: la nouvelle affaire Mustapha Adib, cet ex-capitaine qui a intenté, depuis Paris, un procès à des médias marocains, dont le360, qu'il a accusés de diffamation à son égard. Cembrero y voit une victoire toute personnelle: "les plumes les plus connues de la presse au Maroc -merci du compliment- (…) n'ayant jamais imaginé devoir rendre compte de leurs écrits devant un Tribunal…en France, à Paris". Là encore, l'imagination de l'auteur est très (trop) fertile, et ne connaît pas de limite. Jugez-en donc: Cembrero croit même savoir que Abdelilah Benkirane lui-même, chef du gouvernement au moment des faits, a été convoqué par la juge d'instruction Aïda Traoré à l'audience du 8 octobre prochain. "Mais les autorités ont répondu par la négative, affirmant ne pas connaître le lieu de résidence de Benkirane", une maison pourtant connue de tous les Marocains et sise dans le quartier des Orangers, à Rabat.

Mieux encore, cette affaire marque, pour cette ancienne plume d'El Pais, le début d'une nouvelle crise diplomatique entre les autorités marocaines et françaises. Il en veut pour indicateur le report de la visite au Maroc du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, prévue hier, lundi. Or, ce report est strictement lié à des considérations d'agenda, le chef de la diplomatie marocaine se trouvant aux côtés du souverain aux Emirats Arabes Unis. Cembrero n'est pas sans le savoir, mais qu'à cela ne tienne... 

Dans cette deuxième tentative de s'ériger en conseiller et en expert de la nature du pouvoir au Maroc, le journaliste ose également la comparaison entre la situation actuelle et la crise, réelle, née en 2014 entre le Maroc et la France suite à la convocation du patron du pôle DGST/ DGSN, Abdellatif Hammouchi. C'est très franchement grossir le trait à un moment où les relations entre le Maroc et la France ne présentent aucun indice de nature à laisser croire à une crise entre les deux pays. Mais Cembrero veut, et appelle de ses vœux, cette crise. Et quand il ne la voit pas pointer, il en invente les ingrédients.

L'énorme fossé entre ces spéculations (révélatrices du caractère haineux de leur auteur) et la réalité du terrain, ainsi que les liens unissant actuellement le Maroc à l'Espagne et à la France, est emblématique de l'obsession d'un ancien journaliste qui cherche par tous les moyens à se venger du Maroc, pays responsable à ses yeux de son licenciement d'El Pais. 

Par Youssef Bellarbi
Le 11/09/2018 à 18h00