La crise libyenne met à nu le caractère déstabilisateur du régime algérien

Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires étrangères.

Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires étrangères. . DR

La menace de guerre proférée par le maréchal Haftar à l’encontre d’Alger met en évidence l’exaspération non seulement de la Libye, mais aussi de toute la région, envers un régime algérien résolument hostile à son voisinage. Eclairage.

Le 10/09/2018 à 13h10

La menace de déplacer la guerre en Algérie proférée, samedi 8 septembre par l'homme fort de la Libye, est symptomatique d’une exaspération générale envers la politique hostile et déstabilisatrice du régime algérien envers tous les pays de la région. Certes, les propos du maréchal Haftar se démarquent par leur caractère frontal, direct, à la limite du casus belli, mais n’en restent pas moins emblématiques d’un état d’esprit partagé à l’échelle de toute la région. La méfiance, voire l’indignation envers un régime algérien devenu, au fil des machinations, un véritable danger pour la paix et la sécurité de la région sahélo-saharienne, est une réalité. Le maréchal Haftar n'a fait qu'exprimer un sentiment commun à la majorité des pays qui partagent une frontière avec l'Algérie.

Le mérite de l’homme puissant de l’est libyen est donc d’avoir dit très haut ce que tout le monde pense tout bas: assez de voir le régime algérien s’ingérer dans les affaires intérieures des pays de son voisinage! Une réalité qui met ce régime despotique, anachronique (l'un des rares pays au monde à n'avoir pas dépassé l'ère communiste), face à ses contradictions, avec, à leur tête, ces sacro-saints principes «constitutionnels» voulant qu'Alger ne s’immisce pas dans les affaires d'autres pays et respecte leur souveraineté et leur intégrité territoriale, où qu’ils soient, à plus forte raison ceux de son entourage.

Envers et contre ces principes, sans substance ni implication réelle dans les faits, Alger s’est bel et bien autorisée, au nom de la lutte antiterroriste, -slogan cher à la communauté internationale-, de violer le territoire national d’un pays souverain, en l’occurrence la Libye, particulièrement l’ouest libyen, en y dépêchant des éléments de l’Armée de libération nationale (ANP).

A l'évidence, cette incursion militaire algérienne fait fi de l’avertissement lancé, le 5 mai 2017, par le même maréchal Haftar, en réponse à l’entrée dans le sud libyen, le même mois et sans autorisation préalable des autorités libyennes, du ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel. "Au moment où l'on combat le terrorisme pour sauvegarder la souveraineté nationale (...), nous avons constaté aujourd’hui l’entrée du ministre algérien des Affaires étrangères et sa tournée dans les villes du Sud libyen sans contrôle ni autorisation, comme s’il s’agissait d’une ville algérienne. Et il s’est entretenu avec des personnalités qui portent toujours de la haine envers les Libyens", avait en effet averti le maréchal libyen.

Un avertissement tombé dans l’oreille d’un sourd! Pour preuve, la présence en territoire libyen d’éléments armés d’un pays qui s’opposait, phonétiquement, via son flamboyant MAE, Abdelkader Messahel, à toute ingérence étrangère en Libye!

Ingérence flagrante dans le dossier du Sahara marocainMais passons. Toujours est-il que les professions de foi pacifistes algériennes sont démenties dès qu’elles sont mises à l’épreuve des faits. Pour preuve de cette bipolarité algérienne, la position des apparatchiks fossilisés tapis du côté du Club des Pins, à Alger, à l’égard de l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc. D’un côté, ils prétendent que le dossier est du ressort des Nations Unies, tout en voulant y impliquer l’Union Africaine (!), de l’autre, ils continuent de tirer les ficelles du conflit, en abritant sur le sol algérien le front séparatiste du Polisario, tout en lui apportant un soutien multiforme (financier, diplomatique et militaire).

Les chiffres sont très parlants: pas moins de 350 milliards de dollars ont été débloqués par Alger au nom du «droit du peuple du Sahara à l’autodétermination», depuis l’éclatement de ce conflit monté de toutes pièces par l’ancien colonel Houari Boumediène, de son vrai nom Mohamed Boukharouba ! Et ce n’est pas demain la veille que les héritiers décérébrés du boumedienisme se dessaisiront de ce dossier, matrice de leur politique étrangère délibérément hostile à leur voisin de l’ouest, et dont le «délit» est de défendre sa cause nationale contre un front de mercenaires rompus à la rapine, au vol des aides humanitaires, au rapt d’humanitaires algériens, à l'esclavage, au trafic de drogues et d’armes…

Alger-Tunisie, la malédiction géographique !Tout comme le Maroc et, depuis peu, la Libye, la Tunisie a payé et continue de payer un lourd tribut à la politique hostile du régime algérien. Et ce n’est surtout pas cet ancien ministre tunisien des Affaires locales, Riadh Mouakher, qui dira le contraire. Invité jeudi 4 mai 2017 par la Fondation Craxi à Rome dans le cadre d'une conférence internationale au profit de la Tunisie, Riadh Mouakher avait dit «préférer situer la Tunisie par rapport à l'Italie, plutôt que l'Algérie, "qui était communiste" ». C'est dire combien les officiels tunisiens sont agacés par cette «malédiction géographique» s’abattant sur leur pays, frontalier d’une Algérie devenue, au fil des manigances, une source de problèmes pour son voisinage

Une réalité qu’Alger ne veut pourtant ni voir ni regarder en face, tellement elle est aveuglée par son illusion de «puissance régionale» qu’elle veut imposer sans en avoir les attributs nécessaires.

Mais passons ... Car ce n'est pas encore fini! Que reste-t-il alors des pays avec lesquels Alger n’est pas en crise?

Poudrière sahélo-saharienne, Alger sur la selletteC’est un secret de polichinelle: Alger, piégée par les démons terroristes que ses services ont fabriqués, a cru bon de s’en débarrasser dans les pays sahéliens qui partagent avec l’Algérie de longues frontières poreuses et perméables. Le cas du Mali est emblématique de ce jeu de massacre auquel les services algériens n’ont cessé de se livrer, au risque et péril d’une région devenue, au fil des compromissions entre renseignement et terrorisme, une base arrière pour l’«Etat islamique» d’Abu Bakr al-Baghdadi, qui a y délocalisé Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dont se revendiquent Mokhtar Belmokhtar (né à Annaba), Adnane Abou-walid al-Sahraoui (ancien élément des milices armées du Polisario)…

Le rôle trouble joué par les services algériens dans cette région, véritable baril de poudre, est personnifié par le groupe nommé «Ansar Dine», produit pur jus de l’ancien Département algérien du renseignement et de la sécurité (DRS), dirigé depuis par le dénommé Lyad Ag Ghali. C’est ce groupe, implanté dans la région de Gao (nord du Mali), qui a lancé en 2013 une offensive sur Bamako, précipitant ainsi l’intervention militaire française, placée alors sous le nom de code «Serval» et plus tard, l’opération toujours en cours «Barkhane».

Les frontières du Niger ne sont pas non plus à l'abri des manœuvres algériennes. Plusieurs ONG pointent du doigt Alger qui jette des milliers de migrants subsahariens dans le désert nigérien, créant ainsi une crise migratoire sans précédent, vivement dénoncée par l’ONU, pour ne citer qu’elle.

Tout compte fait, il n'est pas un seul pays dans la région qui ne soit en crise avec l'Algérie. Et les propos de Haftar sont emblématiques d'un ras-le-bol régional.

Par M'Hamed Hamrouch
Le 10/09/2018 à 13h10