La raison qui a décidé le président Macron à consacrer au Maroc sa première visite d'Etat au Maghreb

Le roi Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron lors de leur entretien, mercredi 14 juin, à Rabat.

Le roi Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron lors de leur entretien, mercredi 14 juin, à Rabat. . DR

Si Emmanuel Macron a bousculé une vieille tradition voulant que le premier déplacement maghrébin d'un nouveau président français soit dédié à l'Algérie, ce n'est pas pour rien. La priorité accordée cette fois au Maroc s'explique notamment par les besoins sécuritaires de la France. Décryptage.

Le 22/06/2017 à 14h32

Le président Macron savait évidemment qu'il ne pouvait casser un usage hérité de ses prédécesseurs sans risquer de froisser un voisin historiquement susceptible envers la France et très ombrageux dès lors que "maman France" regarde vers le Maroc. Il a pourtant franchi le pas, au grand bénéfice de sa personne et de toute la France dont il préside aux destinées depuis le 14 mai dernier. Un mois jour pour jour après son investiture, il a consacré au Maroc son premier déplacement au Maghreb, tordant ainsi le cou à un usage consacré depuis au moins dix ans et voulant que tout nouveau président français se rende en premier lieu en Algérie. 

Ce changement de cap n'est pas lié à une question de forme, pas plus qu'à "une affaire de coeur" comme Alger s'est employée à le laisser entendre via ses relais médiatiques, en qualifiant le président Macron de "grand ami de l'Algérie". "Le Maroc possède les meilleures informations sur les djihadistes du Sahel et sur les filières islamistes qui partent du Maghreb vers l’Europe", explique le Journal du Dimanche, dans un édifiant article paru sous ce titre interrogatif: "Pourquoi Emmanuel Macron a choisi le Maroc?".

"Avec le Maroc, une fois au pouvoir, c’est un pays qu’Emmanuel Macron considère comme stratégique", relève le journal français, en mettant le cursus sur l'efficacité atypique du renseignement marocain en matière de lutte contre le terrorisme, grande plaie de l'Europe et de la France en particulier.

"Avec l’Algérie, les choses sont plus opaques, parfois même plus sournoises", indique aussi le journal français, mettant en évidence le rôle trouble joué par les services algériens dans la chaosphère sahélo-saharienne dont le Mali est devenu malheureusement la matrice. "C’est vrai que l’Algérie est un partenaire incontournable, mais avec qui le rapport est moins facile qu’avec le Maroc. Emmanuel Macron est d’une autre génération, qui n’a pas connu la guerre d’Algérie ni les combats de la décolonisation. Avec le Maroc, en revanche, il sait qu’il y a là une coopération incessante et sans failles contre le terrorisme, quels que soient les désagréments qui ont ponctué la relation ces dernières années".

Bousculer les usages devient évident dès lors que la vie de milliers de citoyens dépend d'un renseignement souvent accessible chez les services marocains, dont l'excellence est connue et reconnue à l'échelle mondiale, pour ne pas rester dans la sphère régionale. Et ce n'est pas tout. "C’est aussi le roi Mohammed VI qui a créé les premiers instituts de formation d’imams pour la région, sur la base d’un Islam tolérant, premier pays musulman proche de la France à faire de la déradicalisation une cause majeure", fait valoir le JDD. "Enfin économiquement, et contrairement à l’Algérie et à la Tunisie, le Maroc a su se réinventer, notamment en s’ouvrant à l’Afrique de l’Ouest et le président Macron cherche à nouer en ce sens des partenariats de développement", remarque la même source.

En optant pour le Maroc, le président Macron a donc fait le choix du pragmatisme et de la raison. Un choix plus que partagé au Maroc.

Par Ziad Alami
Le 22/06/2017 à 14h32