Le Maroc a droit au respect de la part des Pays-Bas

Tahar Ben Jelloun.

Tahar Ben Jelloun. . DR

L’occasion de blanchir un passé de trafiquant et d’apparaître comme un militant pour les droits de l’homme a été saisie par Said Chaou et voilà la presse européenne braquer ses regards et ses caméras sur cette région, certes délaissée et mal aimée. Qui a intérêt à envenimer la situation?

Le 03/07/2017 à 10h57

Comment passer d’un statut de trafiquant de drogue à celui d’un militant politique luttant pour les droits de l’homme? Simple. Créer d’abord un mouvement, lui donner une couleur indépendantiste, faire envoyer au secrétaire général des Nations unies une lettre pour réclamer justice et surtout faire d’une région du pays une entité devant acquérir son «indépendance». Bref, jouer sur les principes universels de droit à l’autodétermination tout en évoquant «l’occupation» de ce territoire par une armée étrangère!

Faire cela à partir d’un pays européen où les libertés sont garanties et où même si l’on est arrêté pour trafic de drogue, on ne risque pas de passer le restant de ses jours en prison. Et le tour est joué. Le présumé trafiquant Said Chaou est assez riche pour financer un mouvement anti marocain, séparatiste et décidé à porter largement atteinte au peuple marocain, à son roi, à son intégrité territoriale et à sa stabilité.

Depuis plusieurs mois, le Rif connaît des manifestations plus ou moins importantes et quasi quotidiennes. Le problème soulevé par ces manifestants est social, pas identitaire ni culturel ni politique. Les gens réclament des infrastructures, des hôpitaux, une université, et surtout que les projets initiés en 2015 et même avant soient réalisés. Les revendications de la population rifaine sont légitimes. Il faut les prendre au sérieux et respecter le droit de manifester et d’exprimer publiquement ce qu’on a sur le cœur. La répression n’est pas de mise.

Nous retrouvons cette situation dans d’autres régions du pays. Mais comme cela a commencé dans le Rif, l’occasion de blanchir un passé de trafiquant et d’apparaître comme un militant pour les droits de l’homme a été saisie par Said Chaou et voilà la presse européenne braquer ses regards et ses caméras sur cette région, certes délaissée et mal aimée. On parle de nouveau de «la République du Rif» et on exhibe le drapeau de l’époque (1921-1926). On exploite une situation de crise sociale en la politisant de manière anachronique. On fait ainsi passer des manifestants pour des séparatistes, ce qui est faux et ne correspond pas du tout à leur volonté. Qui a intérêt à envenimer la situation ? Celui qui s’est fait une fortune avec le trafic du kif.

Le Maroc a demandé l’extradition de Said Chaou. Les Pays-Bas préfèrent le juger chez eux. Il se fait passer pour une victime qui ne sera pas accueillie par le Maroc avec des fleurs. Mais pourquoi ce pays européen traite-il le Maroc comme un pays sans droit, sans justice?

Si Said Chaou est extradé, il devrait être jugé au Maroc pour deux chefs d’inculpation : l’une banale, trafic de drogue, l’autre, beaucoup plus grave, car elle est d’ordre politique visant à diviser le pays et à donner raison à ses adversaires qui refusent la marocanité de ses provinces sahariennes.

Réclamer «l’indépendance du Rif» est exactement de même nature que de prétendre que le Sahara n’est pas marocain.

Il faut que les autorités hollandaises puissent prendre le temps d’étudier le dossier de cette affaire et de la traiter avec la gravité qu’elle requiert en respectant le Maroc et ses institutions.

«Le mouvement du 18 septembre» a écrit à M. Guterres pour lui demander d’envoyer des enquêteurs au Rif. Ainsi une affaire purement sociale et intérieure devient internationale. Heureusement que M. Guterres a assez de sagesse pour ne pas donner suite à cette demande folle et irresponsable.

Les autorités marocaines s’occupant d’Al Hoceima et d’autres villes rifaines devraient redoubler d’efforts pour que la population constate qu’une volonté de répondre à leurs réclamations est réelle.

Le reste relève de l’intoxication et d’une tentative de blanchissement d’un passé de trafiquant par un vernis d’activiste indépendantiste. Said Chaou a voulu changer de statut. Mais personne n’est dupe. Peut-être quelques juges hollandais. Mais pas le Maroc et l’ensemble des Marocains.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 03/07/2017 à 10h57