Maroc-Mauritanie : rien ne sera plus comme avant

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Le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de la coopération, condamnant les propos de Hamid Chabat sur la Mauritanie, va servir d’acte fondateur de l’avenir des relations maroco-mauritaniennes. L’épine qui entravait la bonne marche de ces relations a été définitivement retirée.

Le 01/01/2017 à 17h28

Les relations maroco-mauritaniennes ont traversé plusieurs zones de turbulences, avant de connaître un redressement spectaculaire. A quelque chose maladresse est parfois bonne, serait-on tenté de dire. Le secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, Hamid Chabat, en ressortant une vieille revendication de l’Istiqlal, qui ne ferait certainement pas se retourner Allal El Fassi dans sa tombe, a involontairement créé un déclic. Il s’agit du subit début de dégel dans les relations entre le Maroc et la Mauritanie, deux pays voisins inexplicablement en froid depuis ces trois ou quatre dernières années.

Pourtant, entre samedi et lundi derniers, c’est-à-dire entre le moment où Chabat a commis son impair et la salutaire réaction en cascade des autorités marocaines, les souffles des deux côtés étaient en mode apnée. Ils étaient en effet suspendus à l’imprévisible réaction des officiels mauritaniens, qu’on attendait comme la chute d’une balle de rugby dont personne ne sait dans quel sens elle va aller quand elle tombe. Finalement, ce sont les termes clairs, nets, sincères et sans équivoque du communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération qui vont créer un décantage sans précédent. Il y aura désormais un avant et un après communiqué, dit de «la clarification», à Nouakchott. Et pour cause, la Mauritanie a toujours eu, depuis son indépendance en 1960, des relations en dents de scie avec le Maroc, car constamment parasitées par les ennemis de ce dernier.

Qu’il s’agisse des Algériens ou du polisario, voire d’un vieux parti local de gauche, les Mauritaniens sont régulièrement mis en garde contre ce que ces parties appellent «l’hégémonisme marocain». Ils arguaient même à qui voulait les entendre que la meilleure parade pour conjurer le «péril marocain» serait de se départir de leur neutralité dans le dossier du Sahara marocain, pour soutenir ouvertement la création d’un «Etat sahraoui» qui leur servira de barrière protectrice ! Pour «apeurer» davantage les Mauritaniens, opinion publique et décideurs, ces nostalgiques de l’époque de la guerre froide avançaient comme alibi que le royaume du Maroc n’avait jamais clairement et explicitement reconnu l’intégrité territoriale et les frontières internationales de la Mauritanie.

Profitant à chaud des déclarations de Hamid Chabat considérant la Mauritanie comme un territoire marocain, ces milieux ont immédiatement chevauché la vague. Des écrits, attribués à des auteurs se présentant comme des intellectuels ou "anciens diplomates" anonymes, ont ainsi inondé les sites électroniques nouakchottois. Ils demandaient la rupture immédiate des relations diplomatiques avec le Maroc, et l’ouverture d’une ambassade de la «RASD» en Mauritanie. Ce leitmotiv que tous ces écrits avaient en commun renseignait clairement sur leur origine ou leur commanditaire.

Mais le vent tourna rapidement dès l’annonce d’entretiens téléphoniques entre le roi Mohammed VI et le président mauritanien, Ould Abdelaziz, puis la sortie du communiqué du département de Salahedine Mezouar, et l’envoi de Abdelilah Benkirane comme émissaire royal auprès de Ould Abdelaziz. Une marée de réactions immédiates sur Facebook demandera surtout aux «plumes polisariennes», dont le principal alibi d’hégémonisme est tombé à l’eau, de cesser leur propagande visant à toujours envenimer les relations maroco-mauritaniennes.

Pour leur part, tous les partis politiques mauritaniens se sont félicités unanimement des gestes royaux, mais aussi des termes sans équivoques du communiqué du MAEC marocain. Même le parti de l’Union des forces populaires (UFP, ex-maoïstes et marxistes), très proche de l’Algérie et du polisario, n’est pas resté de marbre. En effet, dans un communiqué officiel, l’UFP dénonce ceux qu’il appelle les «partis (Istiqlal, Ndlr) et les milieux (polisario et Algérie, Ndlr) qui s’activent à envenimer la situation par des campagnes irréfléchies», et «mettent en péril les intérêts de nos peuples et la stabilité de nos pays et de la région dans son ensemble.» Et de conclure : «Notre parti se félicite de la réaction des autorités marocaines, dénonçant les déclarations irresponsables du secrétaire général de l’Istiqlal»

Un virage à 180° des ex-marxistes mauritaniens, jusqu’ici réfractaires à tout ce qui émane du Maroc, qu’ils considéraient jusqu’ici comme une menace sérieuse pour la souveraineté de la Mauritanie? Oui, et une autre preuve s’il en est qu’il y aura bien un après communiqué du MAEC du 26 décembre dernier.

Mieux, ce samedi 31 décembre, Abdelilah Benkirane a informé la direction de son parti (le PJD) que sa récente entrevue avec le président mauritanien à Zouérate a été «cordiale et franche, malgré de petites anicroches». Et d’ajouter que «la visibilité pour l’avenir des relations futures entre les deux pays est désormais dégagée à 100%».

Seul hic, le président mauritanien aurait posé une condition, selon des informations rapportées par le site mauritanien, taqadoum.mr. Ould Abdelaziz aurait en effet dit à Benkirane qu’il ne prendra pas langue avec un gouvernement marocain où siégerait Chabat. Il n’empêche qu’en guise de bonne volonté, le président mauritanien aurait donné la garantie, voire déjà choisi deux personnalités de son cabinet, dont l’une pourra être le futur ambassadeur de la Mauritanie à Rabat, un poste vacant depuis 2012.

Par Mohammed Ould Boah
Le 01/01/2017 à 17h28