Assumer, c’est ne pas hésiter à aller à contre-courant

Karim Boukhari.

Karim Boukhari. Le360

ChroniqueÀ elle seule, la situation de la femme est un puissant indicateur qui vous dit, tout de suite, et sans rentrer dans les méandres des chiffres et des tableaux Excel, si un pays est sur la bonne voie. Ou pas!

Le 07/04/2024 à 10h01

À l’heure où ces lignes sont écrites, personne ne connait les contours exacts de la future Moudawana. Le projet est entre les mains du Souverain qui tranchera. Mais cette réforme est très attendue. Même si elle n’est pas la première dans l’histoire du Maroc indépendant, c’est la plus attendue.

Parce que les progressistes marocains ne sont pas les seuls à «espérer». Il y a aussi la communauté internationale, la fameuse «world opinion».

On ne vit pas en autarcie. Le monde nous regarde. Pas dans le sens orwellien, non. Le monde qui nous regarde et qui «espère» est le même qui a accordé le Mondial 2030 au Maroc. Ce n’est pas seulement les maquettes, ni les mégastructures réalisées ou en chantier, qui l’ont convaincu.

Des maquettes, il y en avait déjà au temps du défunt Hassan II, mais il faut croire qu’elles n’avaient pas convaincu cette chose à la fois très abstraite et très concrète que l’on appelle «le monde».

Ce qui a changé? Tout et rien. Le Maroc n’a pas découvert du pétrole sous son sol. Il n’y a eu aucune révolution. C’est toujours le même système et c’est toujours les mêmes problèmes.

Et pourtant… Il y a eu deux ou trois déclics qui donnent l’impression que le curseur a bougé. Des détails. Mais qui changent l’idée que l’on peut se faire d’un pays.

Il y a eu cette relecture des années de plomb qui a eu lieu grâce, en grande partie, au regretté Driss Benzekri. Elle n’était pas totalement convaincante. Plutôt frustrante. Mais elle a brisé la glace. Elle a permis une libération de la parole, même relative.

C’est tout. Mais ce n’est pas rien. Et ce monde qui nous observe l’a bien compris.

Si cette question avait été soumise à un sondage populaire, voire à un référendum, à la question «êtes-vous pour ou contre la relecture des années de plomb», la majorité des Marocains aurait probablement répondu «Non, ce n’est pas une priorité». Mais si on les sondait aujourd’hui, après coup, ils seraient une majorité à dire: «Oui, ça en valait bien la peine». Heureusement alors que le premier sondage n’a jamais eu lieu, parce qu’il aurait privé le Maroc de l’une des initiatives les plus intéressantes de ces 20 dernières années. Avec ses limites, bien sûr.

La moralité de cette histoire, c’est que l’État doit assumer. Assumer, ça veut dire ne pas hésiter à marcher à contre-courant, quand il s’agit de défendre de vrais projets de développement humain. C’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens, pas avant.

La réforme de la Moudawana apparait comme un nouvel examen et test sérieux pour le royaume. Il faut avoir le courage de défendre ce projet, il faut le pousser le plus loin possible. Parce qu’il est question de justice sociale, d’équité. Et de réconciliation.

À elle seule, la situation de la femme est un puissant indicateur qui vous dit, tout de suite, et sans rentrer dans les méandres des chiffres et des tableaux Excel, si un pays est sur la bonne voie. Ou pas!

C’est un rendez-vous avec l’histoire, et il ne faut pas le manquer. La réforme n’est pas simplement un texte solennel et de nouvelles lois. C’est un combat où il s’agira de faire du terrain, de communiquer, d’expliquer, voire de rassurer.

La caravane ne doit pas s’arrêter et tant pis si, derrière, il y aura forcément des chiens qui aboient. Parmi les «anti», beaucoup ont simplement peur parce qu’ils n’ont pas la bonne information. Il faut leur expliquer et les rassurer.

Par Karim Boukhari
Le 07/04/2024 à 10h01