Faut-il vraiment enfermer les Marocains?

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Le plus urgent est de se défaire de ces "moul ceci", "moul cela" ignares et inconscients qui donnent une image déplorable de notre pays.

Le 07/02/2018 à 12h21

Dimanche dernier, j’ai regardé la finale du CHAN à la télévision: bien obligé, puisque je me trouvais à plus de trois mille kilomètres du stade. Ceux qui étaient sur place ont eu de la chance, malgré la pluie (mais la pluie, chez nous, est une bénédiction). Quel beau match! Un vrai régal. D’une façon générale, la soirée a été parfaite. Certes, le beau feu d’artifice aurait pu être plus coloré mais bon, il ne faut pas bouder notre plaisir.

Eh bien, si, désolé, nous allons bouder notre plaisir. Le lendemain, mon frère (qui était, lui, dans le stade) m’envoya un message inquiétant. En fait, il m’a envoyé deux messages à propos du CHAN. Le premier, c'était il y a deux semaines:

«J’ai assisté au match d’ouverture. L’organisation était bonne mais j’ai vécu quelques moments d’angoisse. Pour remplir le stade, on avait fait appel aux services de nos valeureux m’qaddem pour distribuer des billets gratuits. Des bus ont été mobilisés pour ramener les gens de tous les quartiers. Les billets étaient revendus au marché noir devant le stade. C’était des billets avec puce électronique, impossible de rentrer sans. Bravo, on est à la page. Mais une fois dans le stade et vu ma claustrophobie, je remarque immédiatement que les portes de sortie sont fermées… avec des cadenas! Je demande à un stadier par où on sort en cas d’urgence. Il me répond qu'il y a “un type“ qui a les clés.

– Et il est où, ce type?

– Ben, il n’est pas là.

J’explique au stadier que je ne suis pas à l’aise, que je commence à paniquer. Il hoche la tête puis me conseille de réciter quelques versets du Coran, par exemple ayat l-koursi, ça me calmera.

J’assiste au spectacle d’ouverture mais rien à faire: après quinze minutes, je ne suis toujours pas à l’aise. C’est une aberration! Il suffit d’un mouvement de panique, les portes étant fermées à clé, les gens s’écraseraient dessus, ce sont des centaines de morts assu-rées.

Je laisse tomber le match et je pars à la recherche du gars qui a les clés (moul souaret). Chaque stadier a sa réponse. Moul souaret?

– Il est en train de manger un sandwich chez Mustapha, moul l’hanout.

– Il est allé acheter des cigarettes chez moul détail.

– Il vient de rentrer aux toilettes (moul l’kabina?).

En fait, moul souaret était en train de regarder le match tranquillement, assis très loin des cadenas dont il était responsable. En cas de panique, il aurait été impossible à l’illustre Garde des Cadenas (comme on dit “Garde des Sceaux“) de se frayer un chemin dans la foule affolée pour ouvrir tout seul toutes les portes de cette zone.

Qui a pris cette décision absurde de fermer les portes de sortie avec des cadenas? Est-ce pour assurer la sécurité du prince? Dans ce cas, pourquoi ne pas mettre des militaires devant les portes sans les fermer à double tour? Ou est-ce pour éviter qu'on utilise ces portes de sortie pour faire entrer des gens? On ne fait donc pas confiance aux stadiers et aux policiers?»

Et voici son deuxième message, dimanche dernier:

«Malgré ma mésaventure, et vu le beau parcours de l’équipe nationale, je n’ai pas pu résister au désir d’aller au stade Mohammed V. Belle ambiance… mais je te confirme que les portes de sortie étaient de nouveau cadenassées.» Voici la preuve par l’image:

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Le Maroc, candidat à l’organisation de la Coupe du monde 2026, fait de son mieux pour se donner une bonne image, pour démontrer qu’il est capable d’organiser un événement aussi important. Il a certainement marqué des points au cours de ce superbe CHAN 2018. Mais il y a encore des progrès à faire. Le plus urgent, me semble-t-il, est de se défaire de ces moul ceci, moul cela ignares et inconscients qui donnent une image déplorable de notre pays.

Évidemment, on pourrait aussi garder toutes ces moules et appliquer notre éternel plan B: faire psalmodier ayat l’koursi par les supporters brésiliens (sur un air de samba?) ou les hooligans anglais, une canette de bière à la main. Mais le résultat n’est pas assuré…

Par Fouad Laroui
Le 07/02/2018 à 12h21