Justice. Me Brahim Rachidi répond aux critiques de l’avocate française de Bouachrine

L’avocate française de Taoufik Bouachrine, Rachel Lindon.

L’avocate française de Taoufik Bouachrine, Rachel Lindon. . DR

L’avocate française, Rachel Lindon, a publié un communiqué dans lequel elle critique les conditions dans lesquelles se déroule le procès de son client Taoufik Bouachrine. Un réquisitoire, truffé de contradictions, qui n’a pas été du goût de la cour et des avocats de la partie civile.

Le 20/04/2018 à 08h21

Dans un communiqué publié lundi 16 avril, Rachel Lindon, qui défend Taoufik Bouachrine, a tiré à boulets rouges sur le fonctionnement de la justice marocaine. Elle affirme qu’elle a assisté au procès les 11 et 12 avril et a constaté "des violations flagrantes des droits fondamentaux qui conditionnent le déroulement d’un procès équitable".

L’avocate française pointe du doigt ce qu’elle appelle "les graves manquements" qui auraient été enregistrés depuis l’arrestation de Bouachrine jusqu’au début de son procès: «Le Royaume du Maroc qui a approuvé en 1976 le pacte international des droits civiques et politiques doit respecter ses engagements. D’autant plus que la Constitution marocaine donne la priorité aux conventions internationales sur la législation nationale.» Et d’enchaîner sur un ton virulent: «L’Etat qui prétend la modernité doit le prouver à travers la pratique saine de ses organes juridiques».

Dans son réquisitoire contre la justice marocaine, Rachel Lindon critique notamment la longueur du temps judiciaire dans l’affaire Bouachrine, l’absence du flagrant délit, le pouvoir discrétionnaire du Parquet, l’inexistence du recours en appel et le défaut de signifier à l’accusé les chefs d’inculpation retenus contre lui. La liste n’est pas exhaustive, ce qui n’a pas empêché l’avocate de monter d’un cran:« Si la justice marocaine ne respecte pas les droits fondamentaux de l’accusé, la communauté internationale doit les lui imposer afin de mettre fin à ce procès qui nous rappelle ceux des temps révolus.»

Il ne fallait pas plus que cette menace pour que les parties civiles, voire la Cour, démontent, une par une, les allégations de l’avocate de Bouachrine.

La réponse de Me Rachidi aux allégations saugrenues de l'avocate françaiseL’avocat des parties civiles, Brahim Rachidi, ne décolère pas: «Il est inconcevable qu’une avocate qui a assisté à seulement deux audiences du procès ose s’en prendre à la justice marocaine de cette manière. Il est clair qu’elle a opté pour cette ligne de défense outrancière et fallacieuse pour cacher son ignorance du Code de procédure pénale marocain. Le comble c’est que pour argumenter ses accusations, elle se réfère à quelques articles du pacte international des droits civiques et politiques qui contredisent ses accusations.»

Les parties civiles et la cour ont réfuté, point par point, toutes les accusations évoquées par l’avocate française. Sur la longueur du temps judiciaire, Maitre Rachidi réplique en affirmant que rien dans l’article 9 (alinéa 3) des droits civiques et politiques ne détermine un temps judiciaire limite: «Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré.»

Sur l’absence de flagrant délit, Rachidi affirme que l’avocate se réfère à la loi française et ignore le Code de procédure pénale marocain qui définit la flagrance dans trois cas. La troisième qui concerne Bouachrine réside dans la détention du matériel et d'autres preuves comme les CD trouvés dans son bureau (article 56 du Code de procédure pénale). Ces vidéos enregistrent les faits qui sont reprochés à l'accusé: agressions sexuelles et viols.

Quant au pouvoir discrétionnaire du Parquet pour décider l’arrestation d’un accusé au lieu du juge d’instruction, l’avocat de la partie civile réplique par le fait que le procureur du roi est un juge. Le Code de procédure pénale marocain ne rend obligatoire l’intervention d’un juge d’instruction que quand il s’agit de crimes passibles d’une sentence de peine de mort ou de perpétuité (art 74 du CPN). 

Et puis, enchaîne-t-il, contrairement à ce qu’elle prétend, l’accusé a le droit de faire appel et demander la liberté provisoire au tribunal. Au-delà de l’ignorance de Rachel Lindon concernant le Code de procédure pénale marocain, maître Rachidi s’insurge contre ses propos sur la prédominance du Parquet sur l’accusé: «C’est insensé ce qu’elle dit, car c’est une évidence: partout dans le monde le Parquet représente l’Etat et la société. Ce faisant, il a des contradicteurs pour défendre l’accusé en l’occurrence les avocats, voire le juge dans le tribunal.»

Mais le comble, conclut Rachidi, c’est quand Rachel Lindon prétend que Taoufik Bouachrine n’a pas été mis au courant de ce qu’on lui reprochait: «D’abord la Constitution oblige l’officier enquêteur de lui signifier les chefs d’inculpation retenus contre lui. Quand il est passé devant le tribunal, le juge lui a réitéré ces accusations. Mieux encore, juste après son arrestation, le procureur du roi a publié un communiqué dans lequel il cite avec force détails ce qui lui est reproché.»

A l'évidence, l'action de Rachel Lindon participe davantage d'une opération de communication tendancieuse que d'une véritable critique de la justice marocaine.

Par Hassan Benadad
Le 20/04/2018 à 08h21