Leila Alaoui ou l’exploitation de l’islam

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S’attaquer aux corps des femmes en Allemagne ou à la vie de Leila Alaoui constitue deux récits effrayants découlant d’une même histoire: outrager l'être pour faire taire la vie là où elle pousse.

Le 22/01/2016 à 08h43

L’assassinat de Leila Alaoui à Ouagadougou et le rapport Oxfam sont liés par un fil terrifiant. Selon l’ONG, en 2016, les plus riches constituant 1% de la population mondiale, auront plus de richesses que tout le reste. Cette ONG souligne aussi que les inégalités extrêmes affaiblissent la croissance économique et alourdissent le développement, déstabilisant les sociétés, notamment les plus pauvres.

Les idéologues des tueurs de Leila et des milliers d’innocents ayant succombé au terrorisme, utilisent cette inégalité pour attirer vers leurs objectifs dévastateurs les plus fragiles. Ils les plongent dans un manichéisme, selon lequel les victimes meurent parce qu’elles sont le mal. La femme est particulièrement visée parce qu’elle est le symbole de liberté le plus insupportable non seulement pour les partisans de Daech et autres succursales du meurtre, mais également pour un grand nombre de phallocrates, issus du monde arabe. 

Leila et les femmes qui ont été harcelées la nuit de l’an à Cologne et ailleurs, montrent que dans la pensée obscurantiste confluent des intérêts sordides de l’Orient et de l’Occident. Les réactionnaires s’alimentent réciproquement et s’utilisent mutuellement.

Sans le savoir, l’assassin de Leila conforte les idées de Trump, Strache, Wilders, Le Pen, Orban et les autres ténors de l’extrême droite mondiale. Il leur dit : «Tenez les arguments dont vous avez besoin pour proclamer que le mode de vie que la majorité de l’humanité a assumé comme sien, n’est pas viable. Il est mauvais parce qu’il respecte la différence. Exploitez à fond mes paroles et actes. Je suis votre allié».

Pour Donald Trump, les migrants sont des trafiquants de drogues, violeurs et voleurs. Il pense que 25% des musulmans américains justifient la violence contre les Etats-Unis comme étant l´expression naturelle du "jihad global". Pour s’en défaire, il promet de les mettre à la porte.

L’extrême droite européenne, pour sa part, déploie un discours aussi bien assaisonné, exploitant les peurs liées aux réfugiés. Invasion planifiée, chaos, fléau, submersion, violeurs, terrorisme, Nord-africains, Arabes, incompatibilité avec le mode de vie occidental, agresseurs de femmes… sont des mots qui accompagnent leur démarche idéologique. L’orthodoxie occidentale attise la légitimité des djihadistes et consolide leur expansion.

Outre leurs religions et cultures, les idéologies immobilistes défendent le principe de la domination par la déstabilisation, le chaos, l’hystérie sociale et la promesse du paradis pour un peuple élu, dont ils s’estiment les seuls à en faire partie. Face à l´inertie de la démocratie, leur activisme violent veut imposer à la majorité une pensée unique.

S’attaquer aux corps des femmes en Allemagne ou à la vie de Leila Alaoui constitue deux récits effrayants découlant d’une même histoire: outrager l´être pour faire taire la vie là où elle pousse.

Au fond, nous avons une réalité peu réjouissante : une crise européenne profonde, capable de déchaîner le démembrement de l’Europe ; les États-Unis se défendant de leur récession, évitent de céder devant l’orthodoxie, qu’eux-mêmes ont semée ailleurs ; la crise inéluctable de la Chine, une Russie qui se bat pour avoir une place au soleil et des pays arabes perdus dans les espoirs brisés des peuples et dans les labyrinthes de la géopolitique et du pétrole.

L’islam n’y est pour rien. Il est seulement l’instrument de guerre des uns et des autres. 

Repose en paix, Leila. Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons.

Par El Arbi El Harti
Le 22/01/2016 à 08h43