Moudawana : Croisade contre l’article 16

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L’article 16 de la Moudawana est de nouveau pointé du doigt. Une étude réalisée à Fès, Meknès et Khénifra révèle une réalité alarmante.

Le 12/12/2013 à 05h12

L’association "Initiative pour la promotion des droits des femmes", IPDF Meknès, remet sur le tapis une vieille revendication : la réforme de l’article 16 de la Moudawana. Ledit article instaure une phase transitoire de 10 ans pour permettre notamment aux couples ruraux d’officialiser leur union. Toutefois, cette disposition de la Moudawana est instrumentalisée à des fins de polygamie et de mariage de mineures.

L’ONG revient à la charge avec des chiffres à l’appui. Elle a réalisé une étude dans trois villes (Fès, Meknès et Khénifra), dont les résultats ont été présentés lundi à Meknès. Le constat est alarmant : 25,2% des femmes dont les demandes de reconnaissance du mariage ont été acceptées, ont un âge compris entre 10 et 15 ans. 46% de ces femmes sont mineures au début de la relation de mariage. Pis encore, 61% des jugements favorables à la demande de reconnaissance du mariage concernent des couples n’ayant pas d’enfants, à la date de la relation du mariage.

A quand la réforme ?

"La situation est très préoccupante. L’article 16 a été utilisé contrairement à son objectif. Il encourage non seulement le mariage des mineures mais également la polygamie", s’indigne la présidente de l’association IPDF Meknès, Ilham Cherkaoui. Et de poursuivre : "Ces chiffres sont un réel démenti aux déclarations de certains juristes qui avancent qu’ils prennent en considération l’intérêt des enfants en accordant un jugement favorable aux demandes de reconnaissance de mariage concernant des jeunes filles".

Selon l’enquête, la procédure présente des lacunes. "Le dossier d’instruction n’exige guère la fourniture de certificat de célibat. Les juges ne sont même pas sommés de poser la question au demandeur de la reconnaissance du mariage ni d’instruire une enquête à ce sujet", lit-on dans le rapport de l’enquête. Celle-ci a révélé également une autre aberration. "Les entretiens réalisés avec les juges présidents des tribunaux de la famille nous informent que lorsque le demandeur de reconnaissance de mariage déclare qu’il s’agit de polygamie, le juge convoque la femme par le biais d’un agent judiciaire. A la prochaine session, et en cas de non présence de la première épouse devant la cour, le juge traite le dossier en l’état".

A noter que l’enquête a porté sur un échantillon aléatoire de 183 cas de demande de reconnaissance du mariage ayant reçu un jugement positif en 2010, 2011 et 2012. L’association ne compte pas s’arrêter là. Elle lancera dans les prochains jours une campagne de plaidoyer revendiquant la réforme de l’article 16 dont l’échéance est imminente en février 2014. Une mission de lobbying sera ainsi entreprise auprès des parlementaires.

Par Khadija Skalli
Le 12/12/2013 à 05h12