Quand l’eau se fait rare: le barrage Al Massira se vide, les habitants et les agriculteurs en détresse

جفاف سد المسيرة

Le barrage Al Massira atteint un taux de remplissage de moins de 1,02%.

Le 06/01/2024 à 13h31

VidéoTerres craquelées, arbres flétris, cultures desséchées… aux abords du barrage Al Massira, deuxième plus grand ouvrage hydraulique du Maroc, les effets du recul pluviométrique sont dévastateurs. Reportage dans une région jadis florissante, aujourd’hui assoiffée.

Autour du barrage Al Massira, l’un des plus grands ouvrages hydrauliques du Maroc, le manque de pluie dévoile son visage cruel. Ici à Aïn Blal, dans la province de Settat, où l’eau coulait avec abondance, ne reste désormais que le souvenir d’un passé révolu. C’est dans ce décor de désolation que s’écrit l’histoire tragique d’une région qui, naguère florissante et vibrante de vie, se trouve aujourd’hui étranglée par les griffes impitoyables de la sécheresse.

Un voisin partage son inquiétude: «C’est un cauchemar éveillé. Sans eau, nos espoirs s’évaporent.» Il se rappelle encore le temps où le bassin hydraulique d’Oum Er-Rabia était une source de vie, aujourd’hui transformée en symbole de désolation. «Au fil des années, nous avons observé la diminution inexorable des quantités d’eau disponibles dans le bassin d’Oum Er-Rabia. Cette ressource vitale, autrefois abondante, se fait de plus en plus rare, et cela commence à avoir un impact majeur sur nos vies», déplore-t-il.

D’après lui, c’est la décision d’interdiction de l’exploitation de l’eau du barrage Al Massira qui a signé l’arrêt de mort des villages voisins: «Les habitants de la région dépendent largement de l’eau pour leurs activités agricoles et pour abreuver leur bétail. Malheureusement, la situation est devenue critique, notamment après l’interdiction de l’exploitation de l’eau provenant de ce barrage. Les récoltes sont de plus en plus maigres, les terres deviennent stériles, et les éleveurs sont confrontés à la difficulté de maintenir leur bétail en bonne santé.»

Pour ne rien arranger, la tentative de certains résidents de creuser des puits s’est avérée vaine. «Les nappes phréatiques, autrefois notre espoir, sont désormais presque à sec. Pire encore, dans les rares cas où l’eau est trouvée, sa salinité élevée la rend impropre à la consommation et à l’agriculture. Nous sommes témoins d’une crise hydrique qui se prolonge année après année, marquée par une diminution constante des précipitations», ajoute-t-il. Une autre habitante, la voix tremblante et les mains creusées par le travail de la terre, nous confie: «Nous vivons de l’agriculture, mais comment le faire sans eau? Les sols sont secs, nos plantations souffrent.»

Un quotidien difficile

Un troisième villageois raconte son quotidien pénible. «Il y a de moins en moins d’eau disponible dans la région, le barrage Al Massira étant au bord de l’assèchement, et cela a un impact terrible sur notre vie quotidienne. Je suis obligé de me rendre jusqu’à Ouled Abid, à 3 kilomètres d’ici, pour avoir en eau potable. Ce trajet, que je parcours deux fois par jour, est devenu une pénible routine», témoigne-t-il.

Le tarissement des sources d’eau met en péril non seulement l’agriculture, mais aussi l’élevage. Un autre habitant exprime en plus son inquiétude face à la hausse des prix des aliments pour bétail. «Nous dépendons de l’oued pour tout: pour nos champs, pour notre bétail, et même pour boire», dit un autre agriculteur, le regard levé vers un ciel désespérément bleu.

Un vieux fermier, debout dans son champ asséché, partage ces craintes: «L’oued a toujours été notre principale source d’eau, essentielle à nos activités agricoles, à l’abreuvement de notre bétail et même à nos besoins en eau potable. C’est une ressource dont nous dépendons pour notre survie au quotidien. Cependant, en raison des pressions croissantes sur cette source, les autorités ont introduit des amendes sur l’exploitation de l’eau de l’oued, pour mieux gérer les ressources en eau de manière durable.»

Autour de lui, les cultures luttent tout autant pour survivre, dans un combat désespéré contre un ennemi aussi invisible qu’impitoyable. Et chaque jour sans pluie est un pas de plus vers l’inéluctable.

Selon le ministère de l’Équipement et de l’Eau, le taux de remplissage de ce barrage, d’une capacité de plus de 2,65 milliards de mètres cubes et d’une hauteur de plus de 80 mètres, n’est plus que de 1,02%, ce qui correspond à 27,12 millions de mètres cubes d’eau. Ce taux, nettement inférieur aux 4,37% enregistrés à la même période l’année dernière (116,19 millions de mètres cubes), est le plus bas enregistré par cet ouvrage hydraulique depuis son inauguration en 1979.

Le barrage Al Massira est le deuxième en termes de capacité au niveau national après le barrage Al Wahda érigé dans la province de Taounate. Ce barrage a joué (et joue toujours) un rôle de premier plan dans l’alimentation en eau potable de plusieurs zones, dont le Grand Casablanca et Safi. Il est également d’une extrême importance pour les périmètres irrigués de la région de Doukkala, sans oublier sa contribution à la production nationale d’électricité.

Par Fatima Zahra El Aouni et Khalil Essalak
Le 06/01/2024 à 13h31