Le Maroc et la leçon espagnole

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ChroniqueL’un des grands problèmes de la société marocaine, toute idéologie et classes sociales confondues, est que ses composantes n’ont pas suffisamment de prise sur le réel. Cependant, quand elle en a une, elle l’utilise contre l´intérêt collectif et contre la possibilité du consensus.

Le 28/01/2016 à 12h07

L’élection de El Omari à la tête du PAM inaugure une gestion politique renouvelée. Son profil humain et idéologique aura un impact certain sur les lignes d´actions du parti. Il marquera davantage le champ politique du pays, qui affronte ses élections législatives, dans un contexte régional et international instable, marquant la fin d´un cycle et les incertitudes d’un autre.

Dans la région maghrébine et africaine où se trouve le Maroc, les pays ne peuvent être déconnectés les uns des autres. Avec une même histoire, ils partagent le bien et le mal de leurs mémoires politiques. Les Etats de cette maison commune frustrée connaissent une banqueroute avérée, provoquant une profonde défaillance sociale et économique. Leur récupération aura besoin d’une intelligence politique généreuse qui, actuellement, fait défaut.

Ces pays sont gangrenés par la corruption et le développement soutenu de l’extrémisme violent, installé au Sahel et de manière inquiétante à l’intérieur même des pays. L’immobilisme essaie d’éteindre l´espoir tunisien. L´Algérie ayant les moyens d’être un modèle régional, il est évident que ses généraux, vieux et grincheux, ont d’autres chats à fouetter. La Libye vacille entre le chaos et l´espoir improbable. La Mauritanie se défend comme elle peut face à son destin d´exister telle qu’elle est. A l’exception du cas prometteur du Sénégal, l’insoutenable fragilité des pays subsahariens ne fait que grandir.

La sensibilité idéologique du leader incontestable du PAM pourrait positionner le parti plus à gauche de ce qu´il a été avec le technocrate Mustapha Bakkoury, appelant à une certaine laïcité et à un engagement social plus progressiste. L´objectif est clair : prouver qu’il est en ordre de bataille pour les prochaines législatives contre le populisme de Benkirane.

Cette approche risque de radicaliser davantage le PJD, dans un pays profondément conservateur, marqué par l’émergence d’autres mouvances islamistes plus à droite du PJD, la dépolitisation de la rue, la montée d’un localisme chauvin inquiétant et un processus d´individuation faisant des Marocains des autistes ne reconnaissant que nos petits univers, au détriment de l´intérêt général du pays, le royaume du Maroc.

L’un des grands problèmes de la société marocaine, toute idéologie et classes sociales confondues, est que ses composantes n’ont pas suffisamment de prise sur le réel. Cependant, quand elles en ont une, elles l’utilisent contre l´intérêt collectif et contre la possibilité du consensus.

Guidé par le deuxième rendez-vous électoral après la Constitution de 2011, le paysage politique actuel provoque sans doute une polarisation ardue. Le manque d’écoute, de dialogue, de perspective et de générosité vis-à-vis de l’appartenance organique à une réalité supérieure trace le processus.

La société marocaine doit éviter cette polarisation, évidente dans ce qui se passe actuellement en Espagne, un pays comptant des institutions solides et une des expériences démocratiques des plus riches du XXe siècle.

Les analyses sur l’Espagne signalent une inertie qui rend difficile la gouvernabilité du pays. La fragmentation de la carte politique, le dialogue des sourds, les petits calculs tactiques politiciens des un et des autres, les cas de corruption qui éclaboussent la vie politique en plein négociation et le manque de dirigeants clairvoyants capables de mettre en avant la stabilité et l’intégrité de l’Espagne, un pays fondamental pour l’Europe et le Maghreb, sont responsables de cette situation intenable.

Par El Arbi El Harti
Le 28/01/2016 à 12h07