Podemos n'est pas l’ennemi du Maroc

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ChroniqueEn dépit de sa réponse sur la reconnaissance d’un Etat de la RASD, Pablo Iglesias montre une évidente retenue sur le Sahara. Il n’a presque pas parlé de la question pendant la campagne. Sa réponse relative à la RASD est celle d’un homme en pleine campagne pour les élections législatives.

Le 09/06/2016 à 12h53

A l'exception de Izquierda Unida soutenant la reconnaissance de l’autoproclamée RASD, les autres partis espagnols défendent une solution «garantissant le droit du peuple sahraoui à l´autodétermination», conformément aux résolutions des Nations unies. Même si dans les faits le PP, PSOE et Ciudadanos soutiennent le dialogue pour l´aboutissement à une solution politique.

Le PP et le PSOE, connaisseurs des rouages de l’Etat, nomment l´Algérie comme acteur principal dans le conflit. Conscient qu´aucune solution n’est possible sans le changement de position de l’Algérie, ils soufflent cette réalité à leurs électeurs. Majoritairement sympathisants avec le séparatisme, ces électeurs ne connaissent souvent que la version manichéenne de partie adverse. 

Le récit de David et Goliath est présent dans la conscience civile espagnole. La construction de l’image du «bon Sahraoui» contre le «méchant Moro» a été conçue dans la guerre froide, trouvant en Espagne un ancrage et des liens affectifs profonds pour des raisons historiques connues.

Le PSOE considère que le «dialogue entre le Maroc et l´Algérie favorise l’intégration, le développement et la stabilité magrébine». Le PP souscrit à «l’encouragement des pays voisins à avancer dans le processus». Pour Ciudadanos la «situation démographique, sociale et économique de la région n’est pas la même que celle de ces dernières décennies, et les défis de sécurité exigent une issue pacifique et durable au conflit, moyennant une approche régionale intégrant toutes les dimensions. La sécurité et la paix de l’Espagne est établie et défendue au-delà de ses frontières. La ceinture sahélienne est une zone vitale». 

Les mots de Pablo Iglesias, en réponse à la question qui lui a été posée lors d´un débat organisé par Nueva Economía Forum, participent d´une sortie électorale mesurée. Pour rappel, à la question de savoir si «un gouvernement de Podemos reconnaîtrait la RASD», Pablo Iglesias a répondu : «Bien sûr que oui». Dans son programme, Podemos insiste sur l´autodétermination, mais cela n’est en rien comparable avec le «Nous vous accompagnerons jusqu’à la victoire finale» que Felipe Gonzalez a lâché à Tindouf en 1976.

Quel chemin parcouru depuis. En 2009, dans une rencontre sur le Sahara, l’ex-Premier ministre espagnol a défendu le Royaume du Maroc contre vents et marées. Désormais, Felipe Gonzalez est considéré comme un traitre vendu au Makhzen. Dans les faits, il a seulement maîtrisé un dossier complexe où le Maroc est fondé dans la revendication de territoires qui ont toujours fait partie de ses frontières à travers les différentes dynasties qui se sont succédé sur le Royaume.

Pablo Iglesias montre une évidente retenue sur le Sahara. Il n’a presque pas parlé de la question pendant la campagne. Sa modération est stratégique. Il veut décapiter le PSOE. Un leader voulant marquer l’histoire, agit suivant des modèles. Felipe Gonzalez en est un. La pratique du pouvoir a appris à ce dernier qu´en défendant les thèses du Maroc, il préserve les intérêts de son pays.

Au reste, l’identité de la personne qui a posé la question à Pablo Iglesias m’interpelle à plus d’un titre. Francisco Alonso, président de plusieurs ONG et d’un parti régionaliste qui n’existe pas en dehors de ses obscurs intérêts personnels, est un mercenaire qui se vend au plus offrant. Il mange à tous les râteliers. La question qu’il a posée fait partie de son lucratif commerce avec le destin de milliers de femmes, enfants et vielles personnes entassés dans le désert.

En plus de Francisco Alonso, les bénéficiaires de ce marchandage sont quelques cravatés sans morale qui tirent les ficelles au nom de «nobles valeurs».

Podemos n'est pas l’ennemi du Maroc. Les relations en politique se fondent sur les intérêts. Ce jeune parti a des intérêts immenses et Pablo Iglesias est un homme ambitieux. Il veut gouverner en Espagne et sait pertinemment qu’il n’est pas possible de gouverner en Espagne en cherchant à déstabiliser les relations entre son pays et le Maroc. Sa réponse sur un supposé Etat de la RASD est une réponse en direction de la base de Podemos qui sympathise avec les Sahraouis. C’est la réponse d’un homme en pleine campagne pour les élections législatives.

La balle est dans notre camp pour modifier la vision des militants de Podemos du conflit du Sahara. Le Maroc doit regénérer son discours sur le Sahara. La société civile et les partis politiques sont appelés à être plus actifs, plus empathiques, moins immatures dans leur approche. Les institutions en charge du dossier devraient oxygéner leur sang avec une nouvelle sève et des méthodes plus appropriées.

Les contacts des Marocains avec Podemos sont quasi nuls. A ma connaissance, le seul parti ayant fait un pas vers Podemos est le PAM. Une démarche malheureusement sans suite. La visite de la maire de Madrid, Manuela Carmena, (élue Podemos), à l'ambassade du Royaume à Madrid aurait dû être une occasion pour créer des passerelles et fonder des ponts. Rien n’a été fait.

Par El Arbi El Harti
Le 09/06/2016 à 12h53