Qui va diriger l’Espagne ?

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ChroniqueAprès l’impasse générée par les six mois de tractations stériles pour la formation du gouvernement, les Espagnols sont appelés aux urnes le 26 juin. Un sentiment du déjà vu domine la campagne. Mêmes programmes, mêmes candidats et des discours inchangés.

Le 16/06/2016 à 12h00

Ces élections constituent un échec pour la société espagnole. Elles montrent son incapacité à produire une entente par le dialogue. La situation du pays requiert des alliances, des coalitions. La sortie de la crise politique est indispensable à la relance économique et l’unité territoriale de l’Espagne.

Le débat télévisé rassemblant, lundi soir, les quatre candidats à la présidence Mariano Rajoy (PP), Pedro Sanchez (PSOE), Pedro Iglesias (Podemos Unidos) et Albert Rivera (Ciudadanos), témoigne de l’atomisation du champ politique. En particulier de la gauche. Les positions et les discours des élites perdent ainsi de leur capacité à convaincre une rue lassée par une situation où personne ne semble sortir vainqueur des urnes pour diriger le pays. L’électeur se présentera aux urnes avec la détermination de voter utile en choisissant la formation capable d’émerger du lot.

La tendance a été confirmée par le débat télévisé qui est passé presque inaperçu. Les sondages montrent le recul du PSOE et de Ciudadanos. Paradoxalement, ce sont ces deux partis qui ont tenté en vain de former un gouvernement. Le PSOE perdrait dix sièges et plus de 550.000 votants, et Ciudadanos, de son côté, un siège et presque 100.000 votants.

Podemos Unidos, issue de l´alliance de Podemos et Izquierda Unida, communiste, marque une avancée palpable. Ce parti recueillerait 24,5% des intentions de vote, qui vont lui permettre de dépasser le PSOE de presque quatre points.

Cette alliance social-démocrate renouvelée sera la deuxième force politique du pays. Elle se situe à trois points au-dessous du PP (29,5%). Le PP se maintiendrait comme le premier parti espagnol à l’issue des élections. Mais rien n'est joué tant que l’on ne connaît pas le vote des 32% d’indécis. C´est cette tranche de la population qui sera le vrai protagoniste des élections et qui risque de faire la différence.

La configuration politique de l’Espagne pour les quatre années à venir se joue autour d´un peu plus d´un million de votes qui séparent Mariano Rajoy et Pablo Iglesias. Il reste à savoir si ce dernier saura convaincre les déçus de la droitisation - selon eux - du socialisme. L’arme de Pablo Iglesias est la critique de la «vielle social-démocratie», pour avoir rejeté toute alternative face au libéralisme économique. Pour cela, Il a donné davantage de réalisme à son discours, en se présentant comme le leader des nouveaux sociaux-démocrates.

Pour récupérer les électeurs désenchantés, Mariano Rajoy, favori, se présente comme le bouclier contre les extrémismes et prie pour que l'abstention à gauche s’accroisse davantage.

Malgré sa déroute, le PSOE, à côté de Ciudadanos, sera un parti clef dans les pactes postélectoraux. De lui dépendra l´éventualité d’un gouvernement de gauche, intégrant Podemos, PSOE et Izquierda Unida, mené par Pablo Iglesias, ou un gouvernement de droite, formé par le PP, PSOE et Ciudadanos, mené par Rajoy. Quoi qu´il fasse, le parti socialiste espagnol est dans un sale pétrin. Sans exagération, il joue sa survie, et très dur sera le choix entre une coalition où il ne tiendra pas les rênes et une opposition où sa voix ne sera pas crédible.

L’espace politique en Espagne est morcelée. Il a donné naissance à de nouvelles formations politiques et de nouvelles alliances. Cependant, il a créé aussi de nouveaux mécanismes de gouvernance, de communication et de projection, rompant avec le fait politique classique. Il n’y a plus de parti fort. Et diriger un pays dépend de la capacité à négocier et à s’allier avec des formations politiques qui ne sont pas forcément du même bord. C’est peut-être cela la principale leçon à retenir des élections espagnoles.

Par El Arbi El Harti
Le 16/06/2016 à 12h00