Et puis quoi encore?

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ChroniqueIls pensaient qu’il valait mieux avoir un enfant analphabète qu’un «traître éduqué à la française»!

Le 17/08/2019 à 10h03

Abdelilah Benkirane et d’autres dinosaures ont choisi de fonder un «front» pour lutter, je cite, contre «la francisation de l’éducation au Maroc». Ces gens estiment que le problème de l’éducation s’appelle la langue française. Il faut l’effacer et la remplacer par la langue arabe. L’éducation des générations futures sera alors meilleure. Pourquoi et comment donc, par quel miracle? Eh bien parce que l’identité arabe du Marocain du futur sera ainsi préservée.

Ce qui revient, au final, à dire qu’un Marocain à l’identité arabe bien assise est plus intelligent, plus utile à la société, qu’un Marocain «francisé».

C’est l’identité qui fait la différence. Il faut qu’elle soit pure, et bien arabe, seulement arabe.

Parce que le Marocain est Arabe, rien d’autre!

Cette idée saugrenue n’a pas été inventée par nos dinosaures. Elle existe depuis que le Protectorat a décidé, au début du XXème siècle, de construire des écoles dans un pays qui n’en avait presque pas, en dehors des msids ou écoles coraniques, et de «l’université» Al Qaraouiyine, dédiée elle aussi aux études religieuses).

Les premiers nationalistes ont alors attaqué ces écoles, qui visaient selon eux à «franciser» les jeunes Marocains. Ils ont construit, en réaction, des écoles dites «libres», qui étaient en réalité des écoles islamiques qui faisaient la part belle à l’enseignement de l’arabe et de l’islam.

La propagande disait alors que ceux qui envoyaient leurs enfants à ces écoles «francisantes» étaient des traitres à la nation et à l’islam. Beaucoup de Marocains préféraient ainsi garder leurs enfants à la maison, ou leur apprendre des petits métiers, plutôt que de les envoyer à ces écoles.

Ils pensaient qu’il valait mieux avoir un enfant analphabète qu’un «traître éduqué à la française»!

Pendant ce temps, bien entendu, les nationalistes envoyaient leurs enfants aux écoles et plus tard aux universités françaises…

Cette mascarade, cette duperie, a commencé il y a près d’un siècle déjà. Elle continue d’être réactivée, avec le même cynisme, chaque fois que l’on évoque la réforme de l’enseignement.

Nos dinosaures d’aujourd’hui font de la démagogie, comme nos dinosaures d’hier. De la démagogie et du cynisme. Hier ils avaient l’excuse du contexte (la «pénétration» française au Maroc). Aujourd’hui, l’excuse ne tient plus parce que le contexte a tellement changé…

Pendant qu’ils envoient leurs enfants dans les meilleures écoles européennes et américaines, ils continuent de prêcher : non à la langue française, non à l’arrivée de la darija et de l’amazigh dans l’enseignement.

Le problème de l’éducation au Maroc est pourtant clair, depuis toujours.

1: il n’y a pas assez d’écoles pour alphabétiser tous les Marocains.

2: le réseau existant est délabré et la situation du corps enseignant ne cesse de se dégrader.

3: Le contenu des manuels scolaires est truffé d’idéaux fascisants, véhiculés en grande partie par les matières religieuses.

Ce n’est pas la soi disant francisation qui a formé ce qu’on appelle des analphabètes bilingues. Elle n’est pas responsable du nivellement par le bas que connait l’école publique depuis des décennies.

S’il y a un front à créer, il faudrait le dédier à la généralisation de l’enseignement, à sa laïcisation, à l’encouragement de la darija et de l’amazigh, à la promotion des langues vivantes, y compris la langue anglaise, dès le plus bas âge.

Mais pour cela, ce n’est pas sur nos dinosaures qu’il faut compter.

Par Karim Boukhari
Le 17/08/2019 à 10h03