La peur et l’euphorie

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ChroniqueEn 2015, il a beaucoup été question de la peur du terrorisme et de l’euphorie née du pouvoir grandissant des réseaux sociaux. Et ce n’est que le début.

Le 02/01/2016 à 18h26

Nous venons de quitter une année où nous avons tous ressenti, à un moment ou l’autre, la peur. La peur de se faire tuer ou que l’un des nôtres, où qu’il se trouve, se fasse tuer. Cette peur n’a rien avec la peur « philosophique » liée à la mort que Dieu a écrite pour nous, et qui nous accompagne toute notre vie durant.

Le terrorisme a fabriqué une nouvelle peur et nous sommes en train de l’accepter. Nous l’intégrons déjà à notre quotidien. Nous la normalisons. Nous faisons comme si elle a toujours été là. Nous acceptons une fouille systématique à l’entrée des hôtels, nous arrivons plus tôt aux aéroports, nous donnons à fouiller nos sacs et nos bagages sans assimiler cela à une quelconque Hogra. Nous rognons ainsi sur nos libertés et sur notre dignité parce que les nouveaux standards de sécurité en ont voulu ainsi.

Cette peur a commencé dans les pays les plus puissants avant de gagner, petit à petit, le reste de la planète. Elle s’est mondialisée en quelque sorte. Et nous sommes prêts, aujourd’hui, à l’accueillir naturellement. Parce que nous la comprenons et nous la ressentons. Elle appartient désormais à nos réflexes et aux réflexes de l’humanité. Comme la peur de se brûler le doigt quand on est petit. Ou la peur de tomber et de se faire mal quand on apprend à monter un cheval ou même un vélo. Et il nous faudra vivre avec.

Bien sûr, les plus pessimistes diront qu’il vaudra mieux avoir peur que de mourir. Autrement dit, la peur est un moindre mal et tout est bon à faire ou à ressentir tant qu’on est vivant.

Face à cette peur phénoménale, je ne vois qu’un autre sentiment nouveau dont la puissance pourrait presque être équivalente : c’est l’euphorie née de l’influence grandissante des réseaux sociaux. En 2015, nous avons tous été directement impactés par cette nouvelle « puissance » formée par les réseaux sociaux. Puissance ? Oui, parce que les réseaux sont aujourd’hui le plus grand rassemblement humain : aucun média, aucun parti politique, aucune idée n’a autant d’adeptes. En plus de la loi du nombre, qui reste infaillible, les réseaux disposent d’une autre arme absolue : l’impunité. L’anonymat est un catalyseur et un débrideur hors-pair, qui délie les langues et les esprits les plus réservés. En plus d’être, bien entendu, un euphorisant par le formidable sentiment d’impunité qu’il produit.

Nous avons vu comment les plus grands débats ont été initiés dans les réseaux sociaux. Les questions de société, notamment, sont désormais lancées sur les réseaux comme les dés dans une table de jeu, en attendant de voir de quel côté les dès voudront bien tourner et s’arrêter. Des plus anecdotiques aux plus sérieux, ces débats ont aussi, parfois, été tranchés grâce ou à cause de ces mêmes réseaux

Nous avons vu des ministres démissionner et des hauts responsables s’excuser, sous l’influence des débats qui ont animé les réseaux sociaux. L’euphorie qui s’empare des internautes vient de là, du sentiment d’avoir agi sur le cours des choses, d’avoir du pouvoir et de l’influence. Un pouvoir et une influence dont on n’a pas fini de parler…Je souhaite à tous une belle et heureuse année 2016.

Par Karim Boukhari
Le 02/01/2016 à 18h26