Mon identité repose aussi sur mon riche patrimoine culturel

Famille Naamane

ChroniqueConnaître son patrimoine culturel est indispensable pour conserver la mémoire d’un peuple et renforcer son sentiment d’appartenance et son identité.

Le 20/11/2020 à 11h15

Mon article «Et si l’on facilitait l’écriture et la lecture de la langue arabe?» a suscité de nombreuses réactions, dont la question de l’identité: voyelliser l’arabe classique écrit pour lutter contre l’illettrisme menacerait notre identité.

L’identité est-elle seulement une langue? Il y a une crispation identitaire qui refuse l’innovation. Comme si notre identité a été fabriquée en un jour et qu’il fallait l’enfermer pour la protéger. Or, elle est le fruit de milliers d’années de diverses civilisations. Chaque génération y apporte sa contribution par l’innovation. Une identité dont les composants ne varient pas s’appauvrit.

Notre jeunesse craint pour son identité. Est-elle bien informée sur ses composants, dont le patrimoine culturel? NON! Elle ignore la richesse de son patrimoine culturel. L’école n’inculque pas les spécificités de l’identité, à part la langue et la religion.

Le patrimoine est un ensemble de biens, modes de vie, réalisations, lieux, activités… Il y a le patrimoine matériel: architecture, sites archéologiques et géologiques, objets d’art… Le patrimoine immatériel: chants, danses, coutumes, gastronomie, mythes, contes, légendes, savoir-faire… Les jeunes, plus de la moitié de la population, ignorent la richesse de leur patrimoine. Que doivent-ils savoir?

Voici quelques exemples.

Ils savent que le Maroc produit du phosphate. Ils ignorent qu’il en est le 2ème producteur mondial.

Le Maroc est le berceau de l’humanité. En 2004, à Jebel Irhoua (région de Safi) a été découvert le squelette humain le plus ancien. La vie sur terre était estimée à 200.000 ans. Cette découverte révèle que la vie existe au Maroc depuis 300.000 ans.

Hercule, héros de la mythologie grecque, a accompli 12 exploits inhumains. Le 11e était de tuer le dragon à 100 têtes dans les Jardins des Hespérides, au Maroc, et voler les pommes d’or. Fatigué, il s’est reposé dans une grotte: la grotte d’Hercule près de Tanger.

Le Maroc est bordé de deux océans (Atlantique et Méditerranée), ce qui est rare. C’est le pays de la diversité de paysages: montagne, plaine, neige, désert, oasis… Le Toubkal, 4.167 mètres d’altitude, est le sommet le plus élevé de l’Afrique du Nord.

L’arganier n’a existé pratiquement qu’au Maroc depuis des millions d’années, classé par l’Unesco patrimoine de l’humanité. Si Israël a réussi sa plantation, et en produit la plus grande quantité d’huile, l’arganier du Maroc, centenaire, reste inégalable.

Le cèdre (al urz) de l’Atlas: 75% de la réserve mondiale, protégée par l’Unesco. Arbres majestueux, ils atteignent 1.500 ans et 60 mètres de haut. Son odeur et la qualité de son bois en font un arbre précieux. Son huile essentielle est très prisée en cosmétique.

La gastronomie marocaine est classée 2ème au monde. Une fusion entre savoir-faire amazigh, juif, musulman, arabe, andalous… Selon le dernier classement 2020 de Wordsim Travel Blog, le Maroc est la meilleure destination gastronomique au monde pour les foodies (plats populaires), pour la cinquième année consécutive.

Le costume marocain, élégant et raffiné a inspiré de grands créateurs dont Yves Saint Laurent.

La fauconnerie (classée par l’Unesco patrimoine culturel immatériel de l’humanité), datant de milliers d’années, fait encore la gloire de la tribu des Kwassems (Doukkala). Les fauconniers dressent le faucon (assakr ou tayr al hor), oiseau mythique, pour chasser des oiseaux au vol. Aujourd’hui, elle est très prisée par les riches du golfe arabo-persique qui viennent chasser au Maroc. Les fauconniers marocains sont célèbres par leur savoir-faire et leur contribution à la sauvegarde de cet art.

La fantasia (tbourida), venant de baroud (poudre), art amazigh très ancien, propre au Maghreb, a été sauvegardée au Maroc. Jeu guerrier, masculin, il est, depuis le XXe siècle, également féminin.

La diversité des chants et danses populaires de chaque région, hauts en couleurs, en poésie, en chorégraphie : ahidousse, ahwach, chants du désert, gnawa... continuent à inspirer de grands musiciens à travers le monde et des jeunes artistes marocains. 

Le Maroc est un des pays les plus riches d’Afrique en gravures rupestres, dessins gravés dans la roche, traçant l’histoire de l’humanité, datant de 8.000 ans avant Jésus-Christ. 300 sites à travers le pays, un véritable trésor.

Le cromlech de M'Zora, près d’Asilah, une surprenante structure en pierre, 60 mètres de circonférence, encerclée par 176 menhirs dont le plus haut atteint 6 mètres. Unique en Afrique du Nord, érigé par des populations néolithiques (4 000 ans av. J.-C.), mais non protégé!

Des habitants ont construit au milieu et autour. Ils ignorent la valeur de leur site et ne peuvent donc le protéger ni en être fiers. J’ai demandé à des écoliers l’origine de ces immenses pierres qui étonnent par leur taille et leur transport à un moment où il n’y avait pas de matériel pour de telles réalisations géantes. «Selon nos enseignants, un peuple a péché et Dieu l’a écrasé avec ces pierres tombées du ciel!». C’est triste: d’un côté ces jeunes ignorent la valeur de cet héritage. D’un autre, c’est injuste qu’un peuple qui a accompli de telles merveilles soit ainsi perçu. Scandaleux que les enseignants ne s’informent pas. Etonnant que ce site ne soit pas exploité pour le développement de la région!

Connaître son patrimoine culturel est indispensable pour conserver la mémoire d’un peuple et renforcer son sentiment d’appartenance et son identité. C’est le rôle de l’école d’inculquer la richesse du patrimoine culturel marocain à ses élèves et de leur apprendre à en être fiers. 

Le patrimoine est un héritage légué par les générations qui nous ont précédés et enrichi par nous. Nous avons le devoir d’en informer les jeunes afin que leur identité repose sur des bases solides.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 20/11/2020 à 11h15