Nos cérémonies de mariage sont sublimes. Mais…

Famille Naamane

ChroniqueNos cérémonies de mariage sont sublimes. Mais… Elles souffrent du non-respect de la ponctualité!

Le 28/05/2021 à 11h11

Faire la liste des invités est un casse-tête, d’autant que le nombre d’invités qui seraient présents est inconnu. Tu invites 200 personnes. Tu te retrouves à 220 quand il y a les invités-des-invités ou 160 en cas d’absence. Or, les traiteurs, dans les milieux qui en ont les moyens, font payer un prix par invité. Dans le Maroc moderne, nous ne sommes pas arrivés à demander aux convives de confirmer leur présence. Une amie a osé le faire et a scandalisé. Une des invitées: «je n’ai pas été, wili, on nous appelait pour nous demander si on venait ou pas. Blaaache (pas la peine), c’est quoi cette invitation dyale bazzaze (forcée). » Quand on arrivera à cette organisation, il y aura moins de stress chez les familles qui nous accueillent.

L’invitation reçue, il faut se libérer, changer parfois son planning car les invitations arrivent souvent à la dernière minute. Ensuite, il faut penser à lakhthya (la pénalité), le cadeau. Il fut un temps où on pouvait se faufiler discrètement sans cadeau. Là, les parents des mariés t’accueillent à l’entrée et le caméraman te prend en flagrant délit d’avarice et de kallate asswabe (impolitesse). Quand les invitations se succèdent, lakhthya s’alourdit. Mais il faut rendre souab (la politesse), car li kla djaje ennasse, issammane djajo (si tu manges les poulets des autres, engraisse les tiens)

La ponctualité des invités. Mon Dieu! On vous invite à 20 heures, avec un programme d’animation ficelé. Les premiers convives arrivent vers 22 heures. A minuit, on attend encore désespérément que la salle se remplisse. Ceux qui ont une haute considération d’eux-mêmes n’arrivent qu’après minuit. Ils se dandinent, langoureusement, afin d’être vus de tous. C’est une histoire de dignité: si tu viens tôt, tu es trop disponible, sans nafse (ego). Bref, nos mariages sont une souffrance pour les gens ponctuels, respectueux de l’éthique.

La cérémonie démarre tard à cause de la famille du marié qui attend que tous ses membres se regroupent pour réussir une entrée triomphale. Le programme des musiciens, traiteur, serveurs… est entièrement décalé. Les pauvres ponctuels qui arrivent à 20h 30 subissent un temps mort qui s’éternise. Tu veux t’éclipser discrètement. Mais on te chope à la sortie et on jure sur Dieu et le Prophète que tu ne partiras pas avant la doura de la mariée, après la pièce montée ou la hrira programmée après l’aube. Tu reprends place, avec un seul souci: attendre le moment opportun pour t’évader.

Plus le temps passe, plus l’hypoglycémie t’assomme. A 1 heure du matin, ton estomac gargouille car tu n’as pas mangé depuis au moins 12 heures. Tu attends le dîner qui sera grandiose et succulent et tu ne touches pas aux dizaines de plateaux qui, dans leurs courses folles, les serveurs te présentent. A cause du retard, il faut servir vite les plateaux pour passer au dîner. Plateaux qui commencent à t’agacer!

La faute à qui? Aux invités non ponctuels. Le retard menace l’hygiène des aliments. Les plats froids sont dressés vers 18 heures et servis vers 1 heure ou 2 heures du matin. En été, boissons, fruits de mer, crudités et autres aliments délicats chauffent pendant au moins 6 heures!

Et l’orchestre! Naaari l’orchestre! Ses décibels défient toutes les forces de l’univers. La sono n’est pas toujours de qualité, mal réglée, poussée à fond! On a beau se plaindre, supplier. Le chef d’orchestre s’énerve, t’agresse. Tu as honte d’en parler à tes hôtes. Tu espères juste chwiya de répit, une trêve, du silence, juste que l’orchestre se repose un peu. Le lendemain, on dira «l’orchestre était mou3taaabar (excellent), il n’a pas cessé une seconde». 

Tu veux renouer avec des gens que tu vois rarement, faire de nouvelles connaissances, discuter. NON! Tu t’assois autour d’une table, en compagnie d’autres personnes avec lesquelles tu ne partageras que des sourires radieux au début, mais qui s’éteignent lentement.

Enfin, le dîner arrive et tu implores Dieu pour que l’orchestre aille se reposer. NON! Il reprend de plus bel avec la musique andalouse. J’adooore, mais pitié, ménagez mes tympans. Parfois, l’orchestre charge son synthétiseur de te massacrer les oreilles avec une musique occidentale.

Bilan de la soirée? Stress pour les organisateurs qui n’ont pas pu gérer le temps. Tu quittes la cérémonie vers 3 heures si la surveillance de tes hôtes a été efficace. Si tu es bien éduqué et donc ponctuel, tu as passé au moins 6 heures à te morfondre. Si l’ambiance était bonne, tu t’es rattrapé une peu en bougeant ou en dansant. Mais parfois tu es dans des mariages où les invités sont saaaages, comme des imaaaaaages. Tu ressors frustré. Tu as passé un long moment avec des gens, mais tu les as juste vus, tu ne leur as pas parlé car l’orchestre était mou3taaabare. Tu t’es ennuyé et, dans ce cas, le temps te nargue et ralentit pour t’énerver davantage. Tu as peu dormi. Tu as mangé tard et trop. Tu peines à te réveiller, tu es comme un zombie, ton estomac te torture, tes oreilles bourdonnent encore. Des perturbations que tu vas subir toute la semaine.

Alors pitié, si vous m’invitez à un mariage, ce que je souhaite ardemment, commençons la cérémonie à 18 heures, avec des invités ponctuels. A minuit, nous retournerons chez nous, heureux d’avoir eu tant de réjouissances et avec la douce sensation d’avoir respecté les familles qui nous invitent et évité le tapage nocturne au voisinage.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 28/05/2021 à 11h11